Dans une nouvelle interview accordée à Aide à l’Eglise en Détresse, le 8 septembre 2020 la chrétienne pakistanaise Asia Bibi est revenu en majeure partie sur ses propos tenus une semaine auparavant sur Voice of America urdu (VOA). Elle a lancé un appel au Premier ministre pakistanais Imran Khan afin qu’il modifie la loi sur le blasphème et protège les minorités. Alors que huit jours plus tôt elle défendait cette même loi.
Asia Bibi a été jointe par appel vidéo dans sa résidence canadienne actuelle par le directeur de l’oeuvre d’entraide catholique AED /ACN en Italie, Alessandro Monteduro. A travers un interprète, elle a tenu des propos très différents de ceux rapportés le 31 août 2020 par l’agence de presse catholique ucanews, basée à Bangkok, sur la foi d’un entretien en urdu, sa langue maternelle, diffusé par la radio gouvernementale américaine Voice of America. Propos qui avaient suscité la consternation parmi ses sympathisants au Pakistan et à l’étranger. Les plus virulents avaient dénoncé un ‘coup de poignard dans le dos’ tandis que les plus indulgents estimaient qu’elle avait parlé ainsi dans l’espoir illusoire d’obtenir l’autorisation de rentrer au Pakistan.
Selon une source proche d’Asia Bibi, citée par AED, l’interview de Voice of America a duré au total 45 minutes et a été réduite à dix minutes, il est tout à fait possible qu’elle ne reproduise pas fidèlement ses pensées. Selon cette source, «Asia Bibi ne savait rien de ce qui se passait et elle en est désolée. Elle pense que l’édition abrégée a pu être mal interprétée et fournir une adaptation confuse et erronée de ses déclarations.»
Fausse interprétation de Voice of America et d’ucanews? Tentative d’utiliser un double langage, l’un destiné aux autorités pakistanaises, l’autre à l’opinion publique internationale? Désir de se faire pardonner un dérapage désastreux pour son image? Il semble difficile de trancher. Après la 1ere interview, l’auteure de sa biographie, la journaliste française Anne-Isabelle Tollet, relevait qu’Asia Bibi «est actuellement mal conseillée par des personnes qui lui suggèrent de renier ce livre qui illustre ses 10 années passées en prison. Elle espère ainsi pouvoir retourner dans son pays.»
Interrogée sur la loi anti-blasphème au nom de laquelle elle a été condamnée à mort en 2010, avant d’être acquittée puis libérée en 2019, avant de prendre la route de l’exil, Asia Bibi a souligné qu'»au moment de la fondation duPakistan et de sa séparation d’avec l’Inde, le fondateur Ali Jinnah, dans son discours d’ouverture, a garanti la liberté religieuse et la liberté de pensée à tous les citoyens. Aujourd’hui, certains groupes utilisent les lois existantes et je lance un appel au Premier ministre du Pakistan, en particulier pour les victimes de la loi sur le blasphème et pour les filles converties de force, afin de protéger et de défendre les minorités qui sont aussi pakistanaises. En tant que victime, je donne mon exemple: j’ai beaucoup souffert et connu de nombreuses difficultés, aujourd’hui je suis libre et j’espère que cette loi pourra être soumise à des modifications qui interdisent tous ces abus».
«Je suis au courant de ces cas de jeunes filles qui ont été kidnappées et violentées sexuellement et qui ont également été converties de force, a poursuivi Asia Bibi. Tout d’abord, je conseille aux parents de ne jamais laisser leurs filles seules, et sachant que ces filles sont persécutées, je lance un appel au Premier ministre du Pakistan, Imran Khan : aidez nos filles, s’il vous plaît, car aucune d’entre elles ne doit souffrir.»
Au cours de l’interview, Asia Bibi a également parlé de sa relation avec le pape François : «J’ai deux dizainiers donnés par le Saint-Père. L’un est resté au Pakistan et l’autre est toujours avec moi. Chaque jour, je prie le chapelet pour la foi et pour les personnes persécutées au Pakistan. Je remercie le Saint-Père François et le pape Benoît qui sont intervenus pour moi et je vous remercie, l’Aide à l’Eglise en Détresse, et aussi beaucoup d’autres qui ont prié pour moi.» Ajoutant qu’elle avait le désir profond de venir visiter Rome et, si possible, de rencontrer le Saint-Père. (cath.ch/com/mp)
transcription française de l’interview
Maurice Page
Portail catholique suisse
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