Pardonner, voilà un bien grand mot et une réalité souvent bien douloureuse et plus difficile à vivre que l’on imagine. Pierre s’interroge sur le nombre de fois qu’il doit pardonner et se risque à proposer un chiffre exprimant sa générosité: «jusqu’à sept fois». On le sait, dans la Bible, le chiffre sept indique une plénitude. Alors, Pierre pense accomplir ainsi le maximum de ce que la Loi exige. Mieux, il sort même de la loi du talion. Jésus, par sa réplique, lui montre que le pardon n’est pas comptabilisé, qu’il n’est pas réservé à l’entre-nous selon la prescription faite aux Israëlites mais qu’il s’étend à tous les hommes sans exception et ne se refuse jamais.
Jésus ne se situe pas au niveau de la Loi, ni des lèvres. Il ne s’en tient pas à une savante comptabilité. L’objet du pardon n’est pas de l’ordre d’un compte en banque où s’inscrivent systématiquement les crédits et les débits. Pardonner, ce n’est pas effacer une ardoise, faire comme si l’offense envers nous ou envers l’autre n’avait jamais existé. L’exigence du pardon ne nous invite pas à vivre dans un perpétuel déni en bénissant, niant, oubliant tout acte mauvais à notre endroit.
«Dieu n’est pas le juge que nous imaginons. Il est celui qui prend la défense du pauvre, de celui qui a des dettes, du cœur meurtri et désespéré, parfois blessé à mort.»
Le pardon ne se décrète pas. Il est des circonstances où cela nous coûte et ce n’est pas en nous raisonnant que nous parviendrons à pardonner. En présence d’une blessure plus ou moins profonde, d’une atteinte à la dignité ou à l’intégrité de l’autre, le pardon doit s’accompagner de la recherche de la justice et de la vérité. Il y a des conditions au pardon sans condition. Il ne s’agit pas d’avancer des explications, ou pire des excuses, même s’il faut comprendre la situation de celui qui nous a fait du tort. Il est des cas où l’autre ne reconnaît rien et se maintient dans ses positions. Il est même des cas où l’acte posé envers nous est tel que pardonner nous est humainement impossible: alors, il nous faut laisser Dieu pardonner là où nous sommes incapables de le faire, et Dieu ne nous le reprochera jamais.
Dieu n’est pas le juge que nous imaginons. Il est celui qui prend la défense du pauvre, de celui qui a des dettes, du cœur meurtri et désespéré, parfois blessé à mort. Il juge toutes choses avec miséricorde. Loin de craindre Dieu comme juge, laissons-le prendre possession de notre cœur, l’ouvrir à sa miséricorde. C’est là que nous expérimenterons ce qu’est le pardon et qu’alors nous pourrons le donner à notre tour. C’est ce que Jésus appelle le pardon «du fond du cœur», «jusqu’à soixante-dix fois sept fois».
La Parole de Jésus nous interroge sur notre manière d’être en relation avec les autres. Elle nous interroge aussi sur la manière de nous présenter au sacrement de réconciliation qui n’est pas un laisser-passer pour l’éternité mais une exigence à vivre le pardon de Dieu au quotidien, et d’abord le pardon de Dieu envers nous, puis celui à donner aux autres. C’est un lieu d’accueil et d’apprentissage. Et comme pour l’apôtre Pierre, le chemin est long.
Chantal Reynier | Vendredi 12 septembre 2020
Mt 18,21-35
En ce temps-là,
Pierre s’approcha de Jésus pour lui demander :
« Seigneur, lorsque mon frère commettra des fautes contre moi,
combien de fois dois-je lui pardonner ?
Jusqu’à sept fois ? »
Jésus lui répondit :
« Je ne te dis pas jusqu’à sept fois,
mais jusqu’à 70 fois sept fois.
Ainsi, le royaume des Cieux est comparable
à un roi qui voulut régler ses comptes avec ses serviteurs.
Il commençait,
quand on lui amena quelqu’un
qui lui devait dix mille talents
(c’est-à-dire soixante millions de pièces d’argent).
Comme cet homme n’avait pas de quoi rembourser,
le maître ordonna de le vendre,
avec sa femme, ses enfants et tous ses biens,
en remboursement de sa dette.
Alors, tombant à ses pieds,
le serviteur demeurait prosterné et disait :
›Prends patience envers moi,
et je te rembourserai tout.’
Saisi de compassion, le maître de ce serviteur
le laissa partir et lui remit sa dette.
Mais, en sortant, ce serviteur trouva un de ses compagnons
qui lui devait cent pièces d’argent.
Il se jeta sur lui pour l’étrangler, en disant :
›Rembourse ta dette !’
Alors, tombant à ses pieds, son compagnon le suppliait :
›Prends patience envers moi,
et je te rembourserai.’
Mais l’autre refusa
et le fit jeter en prison jusqu’à ce qu’il ait remboursé ce qu’il devait.
Ses compagnons, voyant cela,
furent profondément attristés
et allèrent raconter à leur maître
tout ce qui s’était passé.
Alors celui-ci le fit appeler et lui dit :
›Serviteur mauvais !
je t’avais remis toute cette dette
parce que tu m’avais supplié.
Ne devais-tu pas, à ton tour,
avoir pitié de ton compagnon,
comme moi-même j’avais eu pitié de toi ?’
Dans sa colère, son maître le livra aux bourreaux
jusqu’à ce qu’il eût remboursé tout ce qu’il devait.
C’est ainsi que mon Père du ciel vous traitera,
si chacun de vous ne pardonne pas à son frère
du fond du cœur. »
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