Asia Bibi prend la défense de la loi anti-blasphème

La Pakistanaise Asia Bibi, condamnée à mort pour blasphème avant d’être acquittée en 2019 et désormais exilée au Canada, a jeté un froid parmi ses partisans. Elle a affirmé lors d’une interview qu’elle ne se reconnaissait pas dans sa biographie, écrite par la journaliste française Anne-Isabelle Tollet, et qu’elle ne remettait pas en cause l’existence de la loi pakistanaise sur le blasphème.

L’entretien d’Asia Bibi avec Voice of America Urdu (VOA) le 31 août 2020, a immédiatement suscité la polémique, rapporte l’agence catholique ucanews. La chrétienne pakistanaise, qui a passé près de dix ans en prison après avoir été condamné à mort pour blasphème, s’est notamment distanciée de sa biographie écrite avec la journaliste française Anne-Isabelle Tollet.

«Je n’ai pas participé à sa rédaction. Je ne sais pas quand elle l’a écrit, de qui est son histoire et qui l’a guidée pour le livre. Je ne suis absolument pas d’accord avec ce livre, car ce n’est pas mon autobiographie», a-t-elle déclaré.

«La loi est bonne, les gens en font un mauvais usage»

Ses propos concernant la loi pakistanaise sur le blasphème ont été plus surprenants encore: «Ce livre raconte que la loi m’a mis un nœud coulant autour du cou. Ce n’est pas la loi qui l’a fait. C’était un incident dans le village alors que les gens étaient sur le point de me tuer sans aucune raison. Elle [Tollet] a blâmé la loi, mais je n’accepte rien contre la loi ou mon pays.[…] La loi est bonne, mais les gens en font un mauvais usage. Si Dieu le permet, je retournerai dans mon pays.»

Lors de la campagne de promotion du livre en France, Asia Bibi avait tenu des propos diamétralement opposés. Elle déclarait, dans une interview au quotidien français La Croix le 24 février 2020, vouloir «aider les personnes accusées de blasphème et détenues au Pakistan». «Comme Anne-Isabelle Tollet l’a fait pour moi, je veux contribuer à la libération de ces Pakistanais et diffuser leur message à travers le monde. Je pense que l’islam doit changer, afin, notamment, qu’il ne soit plus possible de passer dix ans de sa vie en prison pour avoir été accusée de blasphème», ajoutait-elle.

Les défenseurs pakistanais des droits humains choqués

Les déclarations d’Asia Bibi ont provoqué de vives condamnations au Pakistan. Pour le pasteur Justin Bhatti, de Karachi, «elle a poignardé dans le dos des chefs d’Église, des martyrs et des défenseurs des droits de l’homme. […] Elle a oublié qui a détruit sa famille. La loi sur le blasphème est mauvaise, et la société est à blâmer.»

Nadeem Bhatti, membre fondateur du Front chrétien de libération du Pakistan, a parlé d’une déclaration ‘dangereuse’ de Bibi. «Bibi a dit que la loi sur le blasphème est juste. Les organismes d’État la nourrissent. Des milliards ont été dépensés pour sa liberté. Elle a tout oublié. On lui dicte sa conduite au Canada. Nous continuerons à exiger des réformes et l’abolition de la loi sur le blasphème.»

Dans une récente interview, l’archevêque émérite de Lahore, Mgr Lawrence Saldanha, qui vit au Canada, a déclaré que Bibi restait discrète au Canada. «Elle voulait poursuivre la lutte contre les lois sur le blasphème, mais je présume que quelqu’un lui a dit qu’il n’était pas prudent de reprendre ses activités».

«On lui fait miroiter un retour au pays»

Anne-Isabelle Tollet «ne renie pas une ligne» du livre coécrit avec Asia Bibi, même si elle se dit «sans voix» devant les déclarations de la Pakistanaise. Pour elle, le revirement d’Asia Bibi est dû à son souhait de rentrer au Pakistan, où se trouve son père. «Elle a refusé l’asile en France, puis en Autriche, confie-t-elle à La Croix. Elle est actuellement mal conseillée par des personnes qui lui suggèrent de renier ce livre qui illustre ses 10 années passées en prison. Elle espère ainsi pouvoir retourner dans son pays.» Même son de cloche du coté de son éditeur Bruno Nougayrède qui se dit «perplexe devant ceux qui lui font miroiter un retour au pays en lui mentant complètement.»(cath.ch/ucanews/cx/mp)

Maurice Page

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