Dans ce texte, non prononcé mais transmis à chacun des membres de la délégation, le pontife s’est réjoui «qu’une prise de conscience de l’urgence de la situation» en matière écologique «imprègne de plus en plus les mentalités à tous les niveaux». Bien qu’elle n’ait pas de solutions toutes faites et qu’elle n’ignore pas les difficultés des enjeux techniques, économiques et politiques, l’Église catholique veut participer pleinement à l’engagement de la sauvegarde de la maison commune et «former les consciences» en vue d’engendrer une véritable «conversion écologique», a-t-il assuré.
«Lorsque l’on considère la nature uniquement comme un objet de profit et d’intérêt (…), alors l’harmonie est rompue et de graves inégalités, injustices et souffrances apparaissent», a pointé le pontife. C’est pourquoi, «il n’y aura donc pas de nouvelle relation avec la nature sans un être humain nouveau, et c’est en guérissant le cœur de l’homme que l’on peut espérer guérir le monde de ses désordres tant sociaux qu’environnementaux», a rappelé le pape. «Nous ne pouvons pas prétendre soigner notre relation à la nature sans assainir toutes les relations fondamentales de l’être humain», a-t-il insisté en citant l’encyclique Laudato si’ (2015).
Selon lui, ce sont «la même indifférence, le même égoïsme, la même cupidité, le même orgueil, la même prétention à se croire le maître et le despote du monde, qui portent les hommes: d’un côté à détruire les espèces et piller les ressources naturelles, et, d’un autre côté, à exploiter la misère, abuser du travail des femmes et des enfants». Cette même logique pousse l’homme à «renverser les lois de la cellule familiale, ne plus respecter le droit à la vie humaine depuis sa conception jusqu’à son achèvement naturel».
Si l’homme a le droit d’user de la nature à ses fins, «il ne peut, en aucune manière, s’en croire le propriétaire ni le despote, mais seulement l’intendant qui devra rendre des comptes de sa gestion». Il a ainsi renouvelé à tout le groupe ses encouragements pour poursuivre leurs efforts en faveur de la sauvegarde de l’environnement. Sur son compte Twitter, l’éditorialiste Jean-Pierre Denis, ancien directeur de la rédaction de La Vie, présent lors de la rencontre, a raconté comment, lors de son intervention improvisée, le pape a confié «humblement» sa propre prise de conscience écologique. Confiant son discours aux participants, l’évêque de Rome a préféré converser spontanément avec les personnes présentes.
«Nous avons perdu l’harmonie entre les trois langages, leur a-t-il ainsi souligné, celui de la tête: la pensée ; celui du coeur: sentir ; celui des mains: faire». Il s’agit que chacun pense ce qu’il sent et fait: «c’est l’harmonie de la sagesse». Ce n’est pas la dysharmonie des spécialisations, a-t-il estimé: «Nous avons besoin des spécialistes tant qu’ils sont enracinés dans la sagesse humaine», mais les autres «sont des robots».
L’intelligence artificielle sait tout faire, a-t-il reconnu, mais est incapable de tendresse. «La tendresse est comme l’espérance , comme dit Charles Péguy, ce sont des vertus humbles». Le pape a ainsi exhorté les membres de la délégation à travailler sur cette «écologie humaine» dans leur conversion écologique.
Car dans les sociétés modernes, «le sens des racines, le sentiment d’appartenance» a été perdu, a déploré le pontife. «Lorsque les gens perdent le sens des racines, ils perdent leur identité. Il est très important aujourd’hui de s’occuper des traditions, de prendre soin des racines de notre appartenance», afin que les «fruits de l’arbre» soient bons.
Avant la prise de parole du pontife, le président de la Conférence des évêques de France (CEF), Mgr Éric de Moulins-Beaufort, a présenté au pontife les membres de cette délégation «éclectique». Toutes ces personnes ont pour caractéristique d’être un «ferment» pour œuvrer sur le plan écologique, chrétiens comme non-chrétiens, a relevé le prélat. Nous pensons qu’il faut créer une «passerelle» entre le monde spirituel et le monde profane, a pour sa part expliqué au pape Raphaël Cornu-Thénard, l’un des organisateurs de ce voyage.
La délégation compte en outre l’actrice Juliette Binoche, l’adjointe à la mairie de Paris Audrey Pulvar, la juriste Valérie Cabanes, l’économiste Gaël Giraud, l’essayiste et environnementaliste Pablo Servigne et le journaliste et éditorialiste Jean-Pierre Denis. Le groupe s’était rendu dans la matinée dans l’église de la Trinité-des-Monts, à Rome, pour une visite culturelle. Cette paroisse, qui domine la place d’Espagne dans le centre historique, est une des cinq églises nationales françaises de Rome.
«La délégation est composée d’individus d’horizons variés mais tous ont changé de vie au nom de la perception de la contrainte écologique», a expliqué Mgr Moulins-Beaufort au micro de France TV avant cette rencontre. «Ce qui est pour moi sensible et cohérent par rapport à notre vision, a pour sa part relevé Audrey Pulvar, c’est que [le pape] fait le lien entre climat et justice sociale. C’est indispensable. On ne peut pas aujourd’hui penser l’écologie, les solutions et les transformations à mettre en oeuvre si on ne passe pas par la justice sociale».
«C’est une occasion incroyable qu’on ne peut pas avoir tous les jours. Comme le pape est très engagé et a écrit ce magnifique texte Laudato si’, le texte de l’écologie d’aujourd’hui, on va converser pendant un petit moment et voir comment on peut aider encore plus à cette prise de conscience», a pour sa part souligné Juliette Binoche. (cath.ch/imedia/ah/rz)
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