Le cardinal Kutwa, qui s’exprimait sur l’évolution de la situation sociopolitique en Côte d’Ivoire, a adressé cette «invitation» au cours d’un point de presse tenu à la salle de conférences du centre culturel de la cathédrale Saint-Paul du Plateau, à Abidjan.
Des violences ont déjà éclaté en août en plusieurs points du pays alors que la candidature à un troisième mandat d’Alassane Ouattara, 78 ans, divise fortement le pays. Des personnalités comme l’ancien président Laurent Gbagbo ou l’ex-Premier ministre Guillaume Soro ne devraient pas être autorisées à se présenter pour avoir été radiés des listes électorales après des condamnations judiciaires.
Les observateurs craignent que la Côte d’Ivoire s’achemine vers de nouveaux affrontements sanglants, en rappelant la crise politique de 2010, qui a fait près de 3’000 morts, des centaines de milliers de blessés et autant d’exilés.
Des ministres du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), qui militent pour la réélection d’Alassane Ouattara, ont immédiatement réagi. Ils ont regretté que la prise de parole du cardinal Kutwa «n’allait pas dans le sens de l’apaisement du climat social» et pourrait provoquer une «exacerbation inutile des tensions».
»Face à la fracture sociale créée par la crise post-électorale de 2010, un processus de réconciliation approfondi et sincère a eu lieu et a permis des élections apaisées en 2015», affirment les partisans du président sortant. Et de lancer: «Que deviendrait la Côte d’Ivoire, si des hauts responsables religieux appartenant à d’autres confessions décidaient, comme vous, en violation du principe de la laïcité de l’Etat consacrée par la Constitution, de prendre la parole pour se prononcer sur des sujets électoraux ou sur d’autres candidats ?», écrit le porte-parole des ministres et cadres catholiques du parti au pouvoir.
Face à la vie socio-politique de la Côte d’Ivoire «qui aborde un virage dangereux», à deux mois des joutes présidentielles d’octobre 2020, le cardinal Jean Pierre Kutwa est sorti de son silence et a appelé tous les Ivoiriens «à renouer avec le dialogue pour que la parole, respectueuse des différences, prenne le pas sur les velléités d’embraser le pays». Au cours de ce point de presse, le cardinal Kutwa en a profité pour donner son avis sur la candidature du chef de l’Etat sortant, soulignant que son devoir régalien de garant de la Constitution et de l’unité nationale «appelle son implication courageuse, en vue de ramener le calme dans le pays, de rassembler les Ivoiriens, de prendre le temps d’organiser les élections dans un environnement pacifié par la réconciliation».
A ses yeux, une troisième candidature du chef de l’Etat ivoirien Alassane Ouattara à l’élection présidentielle, «n’est pas nécessaire», arguant que dans certaines circonstances, «le silence peut être synonyme de lâcheté et de complicité avec l’iniquité», a-t-il expliqué pour justifier son intervention.
La radicalisation des positions, de part et d’autre, accentuées depuis la déclaration de candidature du Président de la République le 6 août 2020, a fait savoir le cardinal-archevêque d’Abidjan, continue d’alimenter de manière plus intense le quotidien de la classe politique ivoirienne.
Au vu de l’allure que prennent les évènements, le cardinal Kutwa s’est senti obligé de sortir de sa réserve pour ne pas «être complice des graves dérapages que le pays a connus en si peu de jours, et que nous souhaitons ne plus revivre». «Des citoyens d’un même pays, armés de gourdins, de pierres, de machette et d’armes à feu, se sont livrés à des massacres d’un autre âge, causant, comme il fallait s’y attendre, des morts et d’innombrables blessés, sans compter des dégâts matériels énormes».
Devant ce tableau sombre qu’il a qualifié de «spectacle désolant et déshonorant pour le pays et pour l’Afrique», l’archevêque d’Abidjan a invité les acteurs politiques à la non-violence, au dialogue ainsi qu’au respect du droit et des lois. Le cardinal Kutwa a encore affirmé qu’»il n’y a pas de paix sans justice et il n’y a pas de justice sans pardon». Pour ce faire, il a exhorté tous les Ivoiriens à renouer avec le dialogue pour que la parole, respectueuse des différences, prenne le pas sur les velléités d’embraser le pays.
«En vérité, la réconciliation est plus importante que les élections. Voilà pourquoi, il est totalement erroné de penser qu’il suffit d’organiser des élections, d’en déclarer un vainqueur, pour que les cœurs meurtris soient guéris et que la paix s’installe». (cath.ch/radiovatican/cx/be)
Jacques Berset
Portail catholique suisse
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