Biélorussie: un archevêque catholique interdit d’accès à son pays

Numéro un de l’Eglise catholique en Biélorussie, l’archevêque Tadeusz Kondrusiewicz s’est vu interdire l’accès à son pays, lundi 31 août. De retour de Pologne, il n’a pas pu franchir la frontière. Quelques jours plus tôt, son bras droit avait dénoncé le blocage d’une de ses églises à Minsk où des manifestants anti-Loukachenko avaient trouvé refuge.

C’est un signal direct envoyé à la hiérarchie catholique biélorusse et aux fidèles qui ont osé émettre quelques critiques au régime. Lundi 31 août, l’archevêque de Minsk Mgr Tadeusz Kondrusiewicz n’a pu franchir la frontière pour regagner son pays, sans avoir obtenu d’explications de la part des douaniers. Après une semaine à l’étranger, il était sur le chemin du retour lorsqu’il a été bloqué au poste-frontière Kuznitsa Bialystok-Bruzgi, entre la Pologne et la Biélorussie.

Mgr Tadeusz Kondrusiewicz est à la tête de la minorité catholique (entre 15 et 20 % de la population), deuxième communauté religieuse en nombre derrière les orthodoxes. Citoyen biélorusse parlant également le russe, le polonais, le lituanien, l’anglais et l’italien, cet homme de 74 ans a été prêtre en Russie de 1991 à 2007, avant d’être nommé archevêque métropolitain de Minsk et Moguilev par le pape Benoît XVI, puis président de la conférence des évêques biélorusses en 2015.

«Les catholiques ne falsifient» pas les élections

Bien avant la crise actuelle, Mgr Kondrusiewicz a entretenu des relations compliquées avec le régime, entre volonté de discussion et défense des intérêts de l’Église. «Il a pris ses fonctions au moment où Alexandre Loukachenko cherchait à se rapprocher du Vatican pour obtenir la levée des sanctions européennes», rappelle la théologienne orthodoxe et politologue Natalia Vasilevitch. «Les autorités ont ensuite autorisé la construction de nouvelles églises en espérant obtenir la loyauté de la hiérarchie ecclésiale. Mais celle-ci ne s’est pas montrée aussi soumise que le pouvoir l’espérait.»

Durant la récente campagne électorale, des fidèles catholiques, soutenus publiquement par des prêtres de leurs paroisses, ont lancé l’initiative : «les catholiques ne falsifient» pas les élections. Le message s’adressait aux fonctionnaires catholiques des écoles et des administrations qui devaient s’occuper de la fraude organisée dans les bureaux de vote dont ils avaient la charge. Au lendemain du scrutin, Mgr Kondrusiewicz avait publié un premier communiqué appelant à l’organisation d’un dialogue entre les manifestants et le régime, en essayant de se poser en médiateur.

Devant l’absence de réaction des autorités, il a ensuite condamné la torture et la violence, sans toutefois viser directement le pouvoir. «Il a tenu des propos très modérés qui ne le protègent cependant pas de la vindicte des autorités», observe Natalia Vasilevitch. Plus direct, le jeune évêque de Vitebsk, Oleg Burkevitch, a déclaré qu’en tant que croyant, il ne «pouvait pas accepter la violence et la fraude électorale».

Le blocage de l’Eglise

Les crispations entre l’Eglise catholique et le pouvoir se sont accentuées depuis le 26 août. Ce jour-là, un petit groupe de manifestants qui fuyaient l’avancée de cordons de brigades antiémeutes s’est réfugié dans l’unique bâtiment qui s’ouvrait à eux: l’église Saint-Siméon-et-Sainte-Hélène de Minsk, plus connu sous le nom de l’église rouge, située sur la place de l’Indépendance. Une fois à l’intérieur, ils ont été enfermés durant une petite heure par la police qui a verrouillé les portes. Les images, diffusées sur Internet, ont fait le tour du pays.

Le lendemain, des jeunes femmes ont défilé devant le bâtiment, devenu par hasard l’un des symboles de la contestation. «L’Eglise est un sanctuaire de Dieu, qui peut être librement visité par tous, a rappelé Mgr Yuri Kasabutsky, vicaire général de l’archidiocèse de Minsk-Moguilev. Le blocage de l’entrée et de la sortie des personnes contredit le droit constitutionnellement garanti des citoyens à la liberté de conscience et de religion, insulte les sentiments des croyants et va au-delà des lois de l’homme et de Dieu » Lundi 31 août, le même évêque a appelé les fidèles à prier pour le retour de leur archevêque. (cath.ch/cx/ot/cp)

Carole Pirker

Portail catholique suisse

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