Ueli Abt, kath.ch
Depuis l’automne dernier, vous êtes la personne de contact de la Conférence des évêques suisses pour les questions relatives à la Chine. Comment êtes-vous arrivée à ce poste?
Brigitte Fischer Züger: Je suis engagée depuis de nombreuses années dans la société œcuménique sino-suisse. Selon nous, il est important que les représentants des Eglises soient informés de la situation des chrétiens et des Eglises en Chine. Après la dissolution du Conseil missionnaire catholique, la société œcuménique a cherché à établir un contact direct avec la Conférence épiscopale et a demandé la nomination d’une personne de contact qui aurait également la coprésidence catholique de la société. J’ai été choisie parce que j’ai vécu et travaillé à Taïwan pendant plusieurs années, puis à la Mission Bethléem Immensee.
Quelles sont les questions concrètes que se posent les évêques?
Aujourd’hui, si l’un ou l’autre évêque voyage en Chine, c’est tout au plus pour des raisons privées. Nous souhaitons que cela change. Le thème de la Chine n’est pas actuellement une priorité pour les évêques suisses. Mais nous espérons qu’un jour peut-être, les évêques feront un voyage officiel en Chine, ou qu’ils recevront une délégation chinoise. Les évêques devraient pouvoir se faire une idée du contexte de l’accord provisoire du Vatican avec la Chine (en 2019 ndlr), qui doit être renouvelé, même s’ils ne sont pas impliqués. En Allemagne, il existe un Centre Chine et diverses fondations qui informent les représentants de l’Église ou de l’État avant un voyage en Chine.
Pourquoi la Chine?
La Chine était un pays prioritaire dans les premiers temps de l’activité missionnaire suisse. C’est ainsi que la Société des missionnaires de Bethléem Immensee (SMB)a installé ses premières stations en Mandchourie dès 1924. En 1940, on y comptait 42 prêtres SMB. Les sœurs d’Ingenbohl se sont également rendues en Chine. Les références historiques sont donc très fortes. Après 1949, la victoire des communistes a chassé de nombreux chrétiens de Chine, en particulier les missionnaires.
Aujourd’hui encore, la situation est difficile pour les chrétiens dans un pays communiste. Nous trouvons ce sujet très important, notamment en raison des liens économiques étroits entre la Suisse et la Chine. Beaucoup de gens ne savent même pas qu’il y a beaucoup de chrétiens en Chine communiste. Ils sont peut-être une minorité, mais dans un pays aussi peuplé, même un petit pourcentage constitue une immense communauté. (On parle aujourd’hui d’au moins 60 millions de chrétiens ndlr)
Que signifie la mission pour vous aujourd’hui?
Défendre les valeurs chrétiennes en tant que communauté ecclésiale mondiale et rendre le monde plus humain. Le christianisme peut nous libérer des contraintes de l’État, mais aussi de la croyance aux démons. [selon les superstitions chinoises ndlr]
La mission a également été critiquée?
Bien sûr, des erreurs ont été commises dans le travail des missionnaires. Mais en Chine surtout, la mission est également reconnue et appréciée. Les missionnaires occidentaux ont contribué au développement du système social et ont amené des hôpitaux et des écoles dans des régions éloignées. Ce sont aussi principalement des organisations religieuses qui ont pris soin des personnes handicapées et ont également fondé des maisons de retraite.
Je m’engage en faveur d’une Eglise mondiale qui reconnaît et accueille les différences culturelles. La mission ne doit jamais être monopolisante. Cependant, des groupes évangéliques des États-Unis ont pris pied en Chine ces dernières années. Ils ont apporté de l’argent et incarnent également le rêve américain. Pour moi, en revanche, le respect de la différence et la promotion de l’indépendance sont importants.
Quels sont les défis auxquels sont confrontées les Eglises de Chine?
Les représentants de l’Église en Chine nous disent actuellement que dans de nombreux endroits, les possibilités de formation théologique sont insuffisantes. Il faut également être conscient que les catholiques d’un pays qui représente des valeurs athées entrent en conflit avec l’État sur des questions éthiques, par exemple sur le sujet de l’avortement. La Chine n’est pas un État démocratique. Cependant, la vie en démocratie n’est pas aussi importante pour tous les habitants de la Chine qu’ici en Suisse. (cath.ch/kath.ch/ue/mp)
Brigitte Fischer Züger
Brigitte Fischer Züger (1958) a grandi dans le canton de Glaris et s’est intéressée à la Chine dès l’époque du gymnase. Elle a étudié la théologie à Rome, Coire et Munich. Un voyage avec le Transsibérien la conduit une première fois en Chine en 1988. Pendant ce séjour, elle rencontre plusieurs évêques chinois sur mandat de l’Action de Carême. Elle s’engage à Taïwan de 1998 à 2004 comme volontaire de la Mission Bethleem Immensee (MBI). Elle travaille alors dans un bureau de la Conférence épiscopale locale. De retour en Suisse, elle devient responsable des programmes de la MBI pour les Philippines, Taïwan et la Chine. Depuis 2013 elle travaille au service du personnel et de la planification pastorale du vicariat pour la Suisse centrale. Mère de deux filles aujourd’hui adultes, elle vit à la cure d’Altendorf (SZ).
Rédaction
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