«L’instruction nous est parvenue de manière inattendue ces derniers jours. Je n’ai connaissance d’aucun motif ni d’aucune consultation préalable», commence par relever l’évêque de Bâle, dans sa lettre aux fidèles du diocèse publiée en allemand le 30 juillet 2020.
Mgr Gmür assure cependant apprécier le fait que l’Instruction souligne le mandat missionnaire de la paroisse. La paroisse ne tourne pas autour d’elle-même. «Il est donc bon de se demander de manière autocritique si nous faisons vraiment ‘entrer en jeu’ la foi dans nos espaces pastoraux et nos paroisses?».
L’insistance sur la collaboration entre les paroisses et les pastorales spécialisées satisfait aussi l’évêque. Tout comme l’importance mise sur «l’accessibilité et la proximité».
Mgr Gmür rappelle ensuite que depuis trente ans, à partir du Jura pastoral, le diocèse façonne ensemble la vie ecclésiale dans un sens missionnaire, comme le demande l’Instruction. Ensemble signifie que toutes les personnes concernées sont impliquées: associations et groupes, mouvements, conseils et comités, ordres et communautés religieuses, paroissiens, catéchistes et animateurs de jeunesse, travailleurs sociaux et musiciens, secrétaires et sacristains, théologiens, diacres, prêtres et évêques.
L’évêque de Bâle relève aussi la coopération entre les organes de droit canonique et de droit étatique typique de la situation helvétique. «Nous sommes reconnaissants de constater que nous procédons avec prudence en faisant appel à la participation de tous. Cela prend beaucoup de temps et demande beaucoup de force.»
Mgr Gmür se fait plus critique sur la conception de la paroisse développée par l’Instruction romaine. «Le fait que la paroisse soit considérée comme centrée sur le pasteur ne correspond pas à notre réalité. En outre cette vision est théologiquement déficiente et cléricalement restreinte. Car le point de référence fondamental pour la paroisse n’est pas le pasteur, mais Jésus-Christ crucifié et ressuscité», note-t-il.
L’instruction est générale et ne peut, par sa nature même, traiter des situations spécifiques. «Concrètement, cela signifie que nos modèles de leadership ainsi que les désignations professionnelles et officielles continuent de s’appliquer.»
Pour Mgr Gmür, l’impression tenace demeure que la suprématie du clergé est finalement en jeu. «C’est dommage et cela m’inquiète. Je continuerai donc à œuvrer pour que la vie ecclésiale dans le diocèse de Bâle reste axée sur le développement, également en termes structurels et juridiques.»
L’instruction montre une fois de plus que le dialogue entre les diocèses et les dicastères romains est encore très lacunaire, estime le prélat bâlois. Deuxièmement, elle montre la nécessité d’un débat théologique sur la position et la mission du prêtre. Troisièmement, cela inclut également une clarification des ministères ecclésiaux pour les femmes et les hommes au sein du peuple de Dieu dans les conditions de vie de notre temps.
La Conférence des évêques suisses n’a pas pour l’heure commenté le document. Il lui sera probablement difficile de parvenir à une position commune. La Suisse latine a en effet une tradition ecclésiale plus ‘cléricale’ que les diocèses de Saint-Gall et de Bâle. Mgr Gmür s’est exprimé en tant qu’évêque de Bâle, et non en tant que président de la Conférence des évêques suisses. (cath.ch/com/mp)
«L’Évangile doit être vécu par tous et proclamé à tous»
Mgr Felix Gmür a répondu par écrit aux questions de kath.ch.
Si vous deviez suivre à la lettre l’instruction romaine, à quoi ressemblerait la pastorale du diocèse de Bâle?
Felix Gmür: L’important, c’est une grande ouverture: l’Évangile doit être vécu par tous et proclamé à tous. Cela implique une très bonne accessibilité, visibilité et proximité. Nous pouvons certainement améliorer cette situation.
Le diocèse de Bâle est considéré comme progressiste dans de nombreux domaines. Ressentez-vous parfois la pression de Rome?
Parfois, les développements des directives mondiales de l’Église et les conditions locales dans les diocèses du monde entier ne sont pas synchronisés. Nous échangeons nos points de vue sur les raisons de cette situation et sur les meilleurs moyens d’atteindre nos objectifs. Une bonne partie de mon travail consiste à servir de médiateur entre ces visions. Il n’est bénéfique que si nous apprenons tous les uns des autres.
Respecterez-vous la pratique du diocèse de Bâle selon laquelle les théologiens laïcs sont autorisés à administrer le baptême et à présider des célébrations de mariages?
Le mandat d’administration du baptême par des personnes non ordonnées est clairement réglementé. L’assistance au mariage par des personnes non-ordonnées est très rare et soumise à des conditions strictes.
Vous avez changé les titres des agents pastoraux laïcs en poste dans votre diocèse en 2019. Ce changement sera-t-il maintenu?
Oui.
Ferez-vous de l’Instruction un sujet de discussion avec le cardinal Parolin lors de sa visite en Suisse au mois de novembre?
La visite du cardinal a un autre objectif: il s’agit des relations diplomatiques du Saint-Siège avec la Confédération suisse.
Et lors de la visite ad limina à Rome en janvier 2021?
Les spécificités de l’Eglise en Suisse seront certainement une question.
Être une Eglise missionnaire est une expression du pape François très souvent citée. Que signifie-t-elle concrètement pour vous?
Que j’ai moi-même une mission et que je la vis avec enthousiasme. (cath.ch/kath.ch)
Maurice Page
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