En préambule, les évêques rappellent la raison de cette lettre ouverte. «Nous sommes des évêques de l’Église catholique de diverses régions du Brésil, en profonde communion avec le pape François et son magistère et en pleine communion avec la Conférence nationale des évêques du Brésil (CNBB), qui dans l’exercice de sa mission évangélisatrice se positionne toujours en défense des plus démunis, de la justice et de la paix. Nous écrivons cette lettre au peuple de Dieu, interpellés que nous sommes par la gravité du moment que nous vivons, sensibles à l’Évangile et à la doctrine sociale de l’Église, et désireux que l’on puisse surmonter cette phase de tant d’incertitudes et de souffrances du peuple».
Soulignant également «qu’Évangéliser est la mission propre de l’Église, héritée de Jésus, les prélats expriment leurs positions face à la réalité actuelle du Brésil. «Le Brésil traverse l’une des périodes les plus difficiles de son histoire, que l’on peut comparer à une ‘tempête parfaite’ qui, douloureusement, doit être affrontée». Pour les évêques, «la cause de cette tempête est la combinaison d’une crise sanitaire sans précédent avec un effroyable effondrement de l’économie, provoquée en grande partie par le président de la République et d’autres secteurs de la société, résultat d’une profonde crise politique et de gouvernance».
S’adressant sans le nommer à Jair Bolsonaro, les évêques estiment que «la situation que traverse le pays exige de la part des institutions, des responsables politiques et des organisations civiles plus de dialogue que de discours idéologiques fermés». Appelant à oeuvrer en faveur des segments les plus vulnérables et exclus de la société, les évêques assurent que «les discours autosuffisants du gouvernement fédéral ne cachent pas l’inertie et l’omission dans le combat face aux blessures qui ont frappé le peuple brésilien». Des blessures qui, dénoncent les prélats, s’abattent aussi sur la Maison commune, constamment menacée par «l’action sans scrupule des forestiers et mineurs illégaux, des compagnies minières, des grands propriétaires terriens et autres défenseurs d’un modèle de développement qui méprise les droits humains et environnementaux».
Dans leur courrier, les évêques critiquent également «les discours anti-scientifiques qui tentent de normaliser les souffrances de milliers de morts de la Covid-19», considérant ces décès comme le «fruit du hasard ou une punition divine (…)». Assurant qu’ils analysent la situation politique actuelle «sans passion», les prélats perçoivent clairement «l’incapacité et l’inhabileté du gouvernement fédéral à affronter cette crise». Et de prendre comme exemple les «réformes du travail et des retraites qui, loin d’améliorer la vie des plus pauvres, constitue un piège qui les enferment dans une plus grande précarisation».
Dans leur courrier, les évêques n’hésitent pas à qualifier «d’actes contre la démocratie» certaines mesures ou prises de position du gouvernement de Jair Bolsonaro, notamment dans les domaines de l’éducation, l’usage des armes à feu, ou encore à travers la diffusion de fake news. Pour eux, «la politique de l’actuel gouvernement ne met pas la personne et le bien commun au centre de tout». Au contraire, «elle défend plutôt les intérêts d’une ‘économie qui tue’, centrée sur le marché et le profit à n’importe quel prix».
Parmi les principaux signataires de cette lettre, figurent notamment les très progressistes Claudio Hummes, archevêque émérite de Sao Paulo et Mgr Leonardo Ulrich, archevêque de Manaus. Plus étonnant, la missive a également été paraphée par des personnalités considérées comme plus conservatrices, à l’image de Mgr Alberto Taveira Corrêa, archevêque de Belém. Il est l’une des principales figures du mouvement du Renouveau charismatique catholique du Brésil.
Reste que cette lettre ouverte a créé de profondes dissensions au sein de l’Église brésilienne. Initialement prévu pour être publiée le 22 juillet, le courrier a finalement été rendu public le 27 juillet. Selon le groupe de presse Globo, les critiques de l’action gouvernementale n’ont pas été du goût de l’aile la plus conservatrice de l’institution, qui a d’ailleurs demandé à ce que le courrier soit soumis à une analyse du Conseil permanent de la CNBB. (cath.ch/jcg/rz)
Jean-Claude Gérez
Portail catholique suisse
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