Les militants mapuches revendiquent des droits sur la terre de leurs ancêtres et se considèrent comme des prisonniers politiques. Ils ont commencé leur protestation le 4 mai, assurant qu’ils veulent la porter à «des conséquences extrêmes».
La plupart des grévistes, en attente de jugement, sont emprisonnés dans les prisons de Temuco, d’Angol et de Lebu, au sud du Chili. Mgr Hector Vargas Bastidas a exprimé dimanche 26 juillet 2020 sa profonde inquiétude concernant les représentants mapuches incarcérés en grève de la faim depuis le 4 mai. Au cœur de leur geste désespéré, la question de leurs terres ancestrales.
Les actes de violence qui se multiplient ces dernières années au sud du pays ont fait connaître le combat des Indiens mapuches, qui ont été spoliés de leurs terres par les colons et maintenant par les compagnies forestières, les multinationales et les latifundistes (grands propriétaires) chiliens.
L’un des grévistes, le «machi» (guérisseur traditionnel et chef religieux) Celestino Cordova a entamé une grève de la faim le 4 mai dernier lorsqu’il a été condamné à 18 ans de prison pour le crime d’incendie volontaire ayant entraîné la mort d’un couple d’agriculteurs, Werner Luchsinger et Vivianne Mackay, le 4 janvier 2013. Le même jour, le «machi» a entamé une grève de la faim pour exiger de purger sa peine sur les territoires de sa communauté, d à quelques kilomètres au sud de Temuco.
La mort de ces agriculteurs est survenue dans le contexte général de la lutte des Mapuches pour récupérer leurs terres ancestrales, convoitées par les colons espagnols venus d’Europe dès le XVIe siècle. Dans la seconde partie du XIXe siècle, le nouvel Etat chilien devenu indépendant a mené sa campagne de «pacification de l’Auracanie», qui signifia l’usurpation systémiques des terres indigènes et le refoulement des Mapuches dans des espaces restreints délimités.
Sur les 10 millions d’hectares que l’Espagne avait reconnus comme territoire mapuche dans les siècles précédents, en 1883, quand commencèrent les opérations de la «Comisión Radicadora de Indígenas», seuls 536’000 hectares furent remis à 150’000 indigènes, laissant nombre d’entre eux sans terre.
Les débuts de restitution des terres indigènes dans le cadre des politiques de réforme agraire des années 1960 ont été brutalement interrompus en 1973 par la sanglante dictature d’Augusto Pinochet, qui a fermé cette «parenthèse» dans le processus d’appropriation du territoire mapuche.
Le dictateur, lié aux groupes oligarchiques, a sévèrement réprimé le peuple mapuche, persécuté ses dirigeants, et a mis un terme à la politique de restitution du territoire, revenant à une politique d’usurpation.
Mgr Vargas Bastidas, évêque de Temuco et président de la Pastorale indigène de la Conférence épiscopale du Chili (CECh), a récemment déploré que les annonces et promesses faites au monde indigène n’ont pas été tenues. Il a incité les autorités chiliennes à honorer les engagements pris envers les populations qui habitaient la région avant la colonisation européenne. Alors que les organisations sociales au Chili dénoncent l’abandon par l’Etat des communautés indigènes laissées seules face à la pandémie du Covid-19, le gouvernement dirigé par l’homme d’affaires milliardaire Sebastian Piñera est accusé d’utiliser la police pour étouffer par la violence les revendications de ces premières populations toujours marginalisées.
De son côté, le 21 juillet 2020, Amnesty International a envoyé une lettre ouverte au président Sebastián Piñera pour lui faire part de ses préoccupations au sujet de la situation des prisonniers mapuches qui mènent une grève de la faim à Temuco, Angol et Lebu.
Erika Guevara-Rosas, directrice pour les Amériques à Amnesty International, affirme «qu’au lieu de détourner l’attention de cette affaire et de nier leurs responsabilités, les autorités chiliennes doivent chercher des solutions au moyen du dialogue avec les personnes en grève de la faim pour protéger leurs droits à la santé et à la vie». Amnesty International rappelle aux autorités chiliennes que 19 des personnes en grève de la faim sont en détention provisoire, que la présomption d’innocence s’applique pour elles». (cath.ch/vaticannews/amnesty/be)
Jacques Berset
Portail catholique suisse
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