Le Vatican publie un «guide» pour le traitement des abus sur mineurs

La Congrégation pour la doctrine de la foi (CDF) a publié le 16 juillet 2020 un vademecum ayant pour objectif «d’accompagner et guider pas à pas quiconque doit chercher la vérité» face à un cas d’abus, a annoncé le Bureau de presse du Saint-Siège. Non normatif, le texte est conçu comme un manuel «à la disposition des évêques, des supérieurs religieux, des tribunaux ecclésiastiques, des juristes et (…) des responsables des centres d’écoute mis en place par les conférences épiscopales», explique Mgr Giacomo Morandi, secrétaire de la CDF, dans un article joint au communiqué.

La publication de ce vademecum avait été annoncée lors de la dernière réunion organisée par le Vatican sur la lutte contre les abus sur les mineurs, le 28 février 2020, lors de laquelle avait été mise sur pied une task-force dont la mission est de venir en aide des conférences épiscopales. Ce texte a été rédigé par le professeur maltais Andrew Azzopardi, coordinateur du groupe de travail, sous la supervision de l’archevêque de Malte Mgr Charles Scicluna. Il vise à clarifier la législation du Saint-Siège, en particulier l’évolution des normes, afin de permettre aux différents responsables au sein des diocèses et conférences épiscopales de réagir de façon adéquate.

Long de 17 pages, ce «manuel» entend «accompagner et guider pas à pas quiconque doit chercher la vérité» face à un cas d’abus. Il s’appuie sur les deux textes principaux publiés ces dernières années par les pontifes: le Motu proprio Sacramentorum Sanctitatis Tutela (2001) et le Motu proprio Vos estis lux mundi (2019). Il a été élaboré comme un manuel «à la disposition des évêques, des supérieurs religieux, des tribunaux ecclésiastiques, des juristes et aussi des responsables des centres d’écoute mis en place par les conférences épiscopales», explique Mgr Giacomo Morandi à Vatican News.

La majorité à 18 ans

«Dans la complexité des normes et des pratiques, ce guide souhaite indiquer la voie à suivre et aider à ne pas se perdre», poursuit-il. Si aucune nouvelle règle n’est promulguée, la véritable nouveauté de ce texte est que «pour la première fois, la procédure est décrite de manière organisée, depuis la première information sur un éventuel délit jusqu’à la conclusion définitive de la cause, en unissant les normes existantes et la pratique de la Congrégation». Répondant à un certain nombre de questions, le vademecum s’emploie en effet à rappeler le rôle de ce dicastère. Ce document fera l’objet de «mises à jour constantes» en fonction de l’évolution du droit pénal et des questions des praticiens du droit, note encore le secrétaire de la Congrégation.

Ce texte se concentre sur le délit exprimé dans l’article 6 du motu proprio Sacramentorum Sanctitatis Tutela sur les cas spécifiques de pédophilie commis par des clercs. Un tel délit inclut «les relations sexuelles consenties et non consenties, le contact physique avec arrière-pensée sexuelle, l’exhibitionnisme, la masturbation, la production de pornographie, l’incitation à la prostitution, les conversations et/ou avances à caractère sexuel, même sur les réseaux sociaux», rappelle à ce titre le document.

Si l’âge d’une personne mineure a pu varier dans le temps, Giacomo Morandi note qu’on considère mineure toute personne n’ayant pas atteint l’âge de 18 ans, «les autres distinctions d’âge, en dessous de 18 ans, [n’étant] pas pertinentes en ce sens». Depuis 2001, le Motu proprio Sacramentorum Sanctitatis Tutela de Jean Paul II en 2001 a de fait rallongé l’âge de la majorité à 18 ans.

Les cas de dénonciations anonymes

Ce texte évoque encore les cas de dénonciations anonymes concernant ces délits. Ce type de plainte «ne doit pas systématiquement faire considérer cette notitia comme fausse», et ce bien qu’il convienne d’être prudent lors de l’examen de ce type de plainte, est-il expliqué. S’il ne faut pas accorder de crédit aux signalements anonymes, il ne s’agit pas de renoncer a priori «à leur évaluation initiale pour voir s’il existe des éléments déterminants, objectifs et évidents», explique Giacomo Morandi.

Le document se penche encore sur le rapport délicat entre la justice ecclésiastique et les autorités civiles. A ce titre, il est précisé que «même en l’absence d’obligation juridique explicite, l’autorité ecclésiastique déposera une plainte auprès des autorités civiles compétentes chaque fois qu’elle l’estimera indispensable pour protéger tant la victime présumée que d’autres mineurs, du danger de nouveaux actes délictueux». Il n’est cependant pas possible de considérer que dans tous les cas les évêques et les supérieurs religieux ont l’obligation de dénoncer aux autorités civiles les abus présumés commis par des clercs, tempère Giacomo Morandi. En effet, «dans certains pays, la loi prévoit déjà cette obligation, et pas dans d’autres».

Par ailleurs, le motu proprio Vos estis lux mundi du pape François, promulgué l’année dernière, souligne que l’Église agit dans de tels cas «sans préjudice des droits et obligations établis en chaque lieu par les lois étatiques, en particulier pour ce qui concerne les éventuelles obligations de signalement aux autorités civiles compétentes».

La justice, nécessaire mais pas suffisante

Le document de la Congrégation pour la doctrine de la foi relève enfin que lorsqu’il est accusé d’avoir commis des abus et qu’il reconnaît ces faits, le clerc peut demander une dispense de célibat. Dans ce cas, il «reste (…) prêtre (le sacrement ne peut être révoqué ou perdu) relève le secrétaire, mais n’est plus clerc: il quitte l’état clérical non pas sur démission mais sur une demande en conscience adressée au Saint-Père».

Le document aborde enfin les mesures conservatoires qui peuvent être imposées à un clerc, qui ne sont pas des sanctions, mais des actes administratifs imposables dès le début d’une enquête préliminaire, afin de protéger la bonne réputation des personnes concernées et l’intérêt public. Une fois que les éléments déclencheurs ont cessé d’exister ou que le procès est terminé, ces mesures de précaution peuvent être levées, note le document. De plus, il est rappelé que procéder simplement au transfert du clerc dans un autre office, une autre circonscription, ou une autre maison religieuse ne peut constituer une solution satisfaisante. (cath.ch/imedia/cg/rz)

Comprendre la «forêt dense» des normes juridiques contre les abus sexuels

Réclamé par le pape François, le vademecum sur le traitement des cas d’abus sexuels sur mineurs commis par des clercs est aussi le fruit «de nombreuses demandes [provenant] d’évêques, d’ordinaires, de supérieurs d’instituts de vie consacrée et de société de vie apostolique», affirme le cardinal Luis Ladaria Ferrer, préfet de la CDF, dans un texte de présentation du nouveau vademecum publié le 16 juillet 2020. Ce texte, censé aider la hiérarchie catholique à combattre les abus sur mineurs est une version «1.0», appelée à évoluer en intégrant «la contribution des Églises du monde» et les changements de normes canoniques.

Le vademecum publié le 16 juillet était le premier des points de réflexion présentés par le pape François lors de la réunion des présidents des conférences épiscopales du monde entier sur la protection des mineurs dans l’Église, organisée à Rome entre le 21 et le 24 février 2019. L’assemblée en avait par la suite fait une de ses propositions les plus concrètes, avec la constitution d’une task-force, mise en place un an plus tard, en février 2020.

Le 16 juillet 2020, la CDF a émis un vademedecum afin d’aider les supérieurs hiérarchiques de l’Église à agir en conformité avec la législation de cette dernière en cas d’affaires d’abus sur des mineurs impliquant des diacres, prêtres ou évêques. Selon son préfet, le cardinal Ladaria, il s’agit d’un «manuel d’instructions» destiné à ceux qui doivent s’occuper concrètement des affaires depuis la première information d’un éventuel délit jusqu’à la conclusion finale de l’affaire.

Le vademecum doit permettre de se repérer dans la «forêt dense des normes et des pratiques» mise en place par la CDF, souligne le cardinal espagnol. La mise en place de ce manuel – non normatif mais explicatif – sur les cas d’abus sur mineurs par des clercs est un nouveau signe de «l’attention accrue de l’Église à l’égard de ce fléau», souligne le prélat jésuite. CD

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