Alors que les affrontements entre partisans de Pékin et défenseurs de la spécificité hong-kongaise ont repris de plus belle dans l’enclave portuaire de Hong Kong, le Saint-Siège n’est pourtant pas désintéressé par la situation en Chine. Il peut même se targuer d’avoir réussi, pendant ces dernières années, ce que plus de 60 ans de diplomatie vaticane n’avait su obtenir : établir un canal de discussion avec Pékin.
La signature en septembre 2018 d’un accord concernant notamment le rôle du Saint-Siège dans la nomination des évêques en Chine, dont le contenu complet n’a néanmoins pas été dévoilé, est une première historique. La Chine avait jusqu’alors refusé tout contact avec les pontifes, depuis l’expulsion des représentants officiels de l’Église catholique dès 1949 et la création de l’Association patriotique des catholiques chinois en 1957.
Depuis ce ‘schisme’, l’Église officielle approuvée et contrôlée par le gouvernement chinois s’est doublée d’une Église souterraine, liée au Saint-Siège et à la merci des nombreuses persécutions exercées au nom de l’athéisme d’État, une redondance nuisant tout particulièrement à ces derniers. D’autant plus que les soutenir n’est pas chose aisée pour les pontifes.
La canonisation en octobre 2000 de 120 martyrs chinois par Jean Paul II avait particulièrement irrité les autorités chinoises, et mis à mal durablement la situation des «catholiques souterrains», autant que les tentatives de rapprochements opérées par le Saint-Siège. Ne pas faire «perdre la face» aux négociateurs de Pékin semble être une tâche dès lors délicate mais nécessaire pour les diplomates du pape.
De ce point de vue, l’accord trouvé en 2018, héritier en partie de la dynamique d’unification des «Eglises» en Chine, est une véritable avancée pour le pape François, et le premier fruit enfin récolté d’une trentaine d’années de tentatives infructueuses. Reste que l’accord trouvé est provisoire, et d’une durée de seulement deux ans.
Aussi l’échéance du mois de septembre 2020, qui verra l’accord renégocié, peut légitimement avoir grandement pesé sur les relations sino-vaticanes ces derniers mois. Le South China Morning Post affirme que les négociateurs des deux camps ne se sont rencontrés qu’une seule fois depuis novembre 2019, ce qui susciterait une forme de prudence de la part du Saint-Siège pour ne pas rompre un canal de dialogue déjà réduit.
L’attitude même et les discours du pape François montrent une volonté de ne pas donner à la partie adverse des raisons de quitter la table des négociations. On peut dès lors se demander si une intervention du pape sur les violations progressives des accords encadrant la rétrocession de Hong Kong à la Chine en 1997 par le pouvoir communiste ne remettrait pas en question tous les progrès effectués depuis des années.
Selon une information du média anglo-saxon The Catholic Herald publiée le 6 juillet, des vaticanistes auraient reçu le 5 juillet un message des canaux de communication officiels du Vatican, suggérant fortement que le pape François allait profiter des appels aux fidèles lors de l’Angélus pour aborder la crise actuelle à Hong Kong. De la même façon, le média conservateur italien Il Giornale dans son édition du 6 juillet 2020 affirme que le pape François a renoncé à lire ce message dont le contenu semblait pourtant très modéré. Le pontife aurait notamment appelé au calme et à un «dialogue authentique», selon les extraits transmis par le journal. Faut-il y voir une autocensure, preuve supplémentaire apportée par le Saint-Siège de sa volonté de continuer le dialogue entamé?
L’exception chinoise au Vatican est de fait indéniable: si le Souverain pontife ou son administration ne semblent pas se priver de condamner les exactions et dérives dans bien des pays de sociétés, occidentales ou non, la Curie change indubitablement d’attitude avec Pékin. Ainsi a-t-on pu constater que lors de la prière du pape adressée aux chrétiens de Chine en mars dernier, François leur avait notamment demandé d’être des «bons citoyens». Un alignement que certains jugent excessifs.
C’est ainsi que de son côté le cardinal Joseph Zen, archevêque émérite de Hong Kong, ne cesse d’attaquer Pékin et de prêcher la désobéissance civile. Dès lors, le gouvernement de Xi Jinping prend connaissance de ce que pourrait être une diplomatie d’opposition si elle était portée au plus haut niveau de l’Église et peut donner des gages au pontife pour s’attacher son attitude modérée: c’est dans ce cadre qu’il faut comprendre les récentes reconnaissances d’évêques dit «clandestins» par Pékin.
Reste pour le pape François le risque, par son silence, de se voir reprocher de n’avoir pas réagi à la crise que traverse aujourd’hui l’archipel. Et si la situation venait à dégénérer encore, la stratégie actuelle du Saint-Siège serait-elle encore tenable ? (cath.ch/imedia/cd/gr)
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