Planter mille milliards d’arbres. C’est l’horizon qu’ambitionne Thomas Crowther avec le projet «Trillion Trees» (un billion d’arbres). Le scientifique britannique spécialisé dans l’écologie des écosystèmes et professeur à l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ) est le principal conseiller scientifique de la campagne onusienne visant à une reforestation à grande échelle de la planète. Le but est à la fois de protéger la biodiversité et de lutter contre le réchauffement climatique, les arbres ayant la capacité d’emmagasiner le CO2.
Thomas Crowther s’est exprimé en visioconférence (coronavirus oblige), le 5 juin 2020, pour le lancement du projet «The Living Chapel», à Rome. L’initiative «multi-branches», qui se déploie à la fois dans l’architecture, la musique et l’action concrète, veut encourager les populations à vivre en harmonie avec l’environnement.
Le cœur de la démarche est une structure métallique végétalisée (The Living Chapel), installée dans le Jardin botanique de Rome, abritant des plants d’essences d’arbres fruitiers «oubliés» d’Italie et d’Europe du Sud. Ces arbrisseaux sont destinés à être replantés dans des «jardins Laudato si'» dont l’établissement est prévu en Italie et ailleurs.
La dimension symbolique de «The Living Chapel» vient en soutien à une démarche de «lobbying». L’initiative appelle en particulier les Etats à soutenir le projet «Trillion Trees» auquel participe le «Crowther Lab», à l’EPFZ. Ce dernier est partenaire de «The Living Chapel», au même titre que les deux entités religieuses que sont le Dicastère pour la promotion du développement humain intégral, dirigé par le cardinal Peter Turkson, à Rome, et le «Mouvement catholique mondial pour le climat».
«Trillion Trees Campaign»
En 2006, le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) a lancé, en coopération avec le Centre mondial de l’agroforesterie (ICRAF), la campagne «Plantons pour la planète: un milliard d’arbres» (Plant for the Planet: Billion Trees Campaign). La campagne est devenue «un billion d’arbres» (Trillion Trees) après que l’objectif initial ait été atteint.
L’un des rôles du «Crowther Lab» est de conseiller les instances étatiques et les ONG impliquées dans la reforestation, en leur indiquant notamment dans quelles zones le faire et quelles essences utiliser.
L’équipe de l’EPFZ estime que 900 millions d’hectares (soit environ la superficie des Etats-Unis) de couvertures arborées supplémentaires pourraient pousser sur la Terre, en plus des 2,8 milliards d’hectares actuels. Cela permettrait, selon ces scientifiques, d’absorber un quart du gaz carbonique actuellement présent dans l’atmosphère
Thomas Crowther insiste sur le fait que la reforestation ne peut se faire qu’en corollaire d’une réduction des émissions carbone. Il précise à cath.ch que cela doit nécessairement passer par un changement dans nos modes de vie. RZ
Une coalition inhabituelle, dans ce domaine, qui, loin d’être un frein, constitue pour Thomas Crowther un développement enthousiasmant. «Il est fantastique que de grands groupes religieux tels que le Vatican s’engagent dans ces actions pour l’environnement», assure-t-il à cath.ch. Il souligne que le Vatican est notamment propriétaire d’importants terrains, de par le monde, qui pourraient être intégrés dans le projet mondial de reforestation.
Mais pour le scientifique britannique, le potentiel de conviction et d’autorité morale de l’Eglise est particulièrement précieux. «Par le biais de la religion, il est possible de toucher des personnes qui ne se sentiraient autrement pas concernées par les questions écologiques. Nous sommes dans une situation où il s’agit de conscientiser le maximum de populations. Et en cela, le potentiel de l’Eglise catholique, qui regroupe plus d’un milliard de personnes est énorme».
Une alliance entre science et foi qui ne heurte pas les valeurs de Thomas Crowther. «Je ne crois pas en l’opposition entre la religion et la science. Les deux ont eu, il est vrai, une longue histoire de désaccords. Mais fondamentalement, je pense que ces deux dimensions de la culture humaine sont faites pour collaborer. Je suis heureux en tout cas que l’Eglise, notamment avec Laudato si’, adopte un point de vue holistique sur les problèmes de l’humanité. Une approche vers laquelle la science devrait tendre également». (cath.ch/rz)
THE LIVING CHAPEL, promouvoir la vie par la beauté
Le projet «The Living Chapel» a été lancé il y a quelques années par Julian Darius Revie, un compositeur australo-canadien résidant à Yale, dans l’Etat américain du Connecticut. Dans son discours pour le lancement officiel du projet, le 5 juin 2020, il a expliqué que l’idée lui avait été inspirée par la lecture de l’encyclique du pape François sur l’écologie intégrale Laudato si’, publiée en 2015. Une phrase où le pape François appelle à redécouvrir une façon de vivre avec le milieu naturel dans une «harmonie sereine», l’a particulièrement marqué. «En tant que musicien, le terme ‘d’harmonie’ a une signification technique spécifique pour moi». C’est ainsi que lui vient l’idée de représenter sous forme musicale les concepts de Laudato si’.
Un «instrument de musique vivant»
Les réflexions de Julian Revie se concrétisent ainsi sous plusieurs formes: tout d’abord dans une forme musicale. Il travaille sur un morceau mêlant des chœurs d’enfants de divers endroits du globe à des chants d’oiseaux provenant de régions dont l’écosystème est menacé. Le projet, actuellement toujours en cours, prévoit également d’intégrer des sons provenant de matériel recyclé, notamment des percussions de vieux bidons d’essence.
C’est là le point de connexion avec la vision architecturale du projet, visant à créer une structure «vivante» et «sonore». Julian Revie a lancé pour cette raison le concept de «The Living Chapel», finalisé au printemps 2020 dans le Jardin botanique de Rome. La structure ouverte a été dessinée par l’architecte canadien Gillean Denny sur le modèle de la «Porziuncola», la chapelle que Dieu avait demandé à saint François d’Assise de réparer. Les jardins verticaux et la gestion de la construction dans le parc botanique ont été assurés par la paysagiste italienne Consuelo Fabriani.
La chapelle est bâtie uniquement avec des éléments recyclés, d’aluminium et de PVC. Les parois ont été végétalisées et, à l’intérieur ont été plantés des arbrisseaux d’essences indigènes d’Italie. Un système d’irrigation alimenté par l’énergie solaire permet à la fois d’arroser les plantes et d’activer des «tambours» inclus dans la structure, faits avec d’anciens bidons d’essence. Le bâtiment émet ainsi des sons différents suivant le régime hydrique du moment. L’objectif de Julian Revie étant d’utiliser ces sonorités dans son projet musical.
Des jardins destinés à essaimer
«The Living Chapel» s’inscrit dans le cadre de «l’année Laudato si'», décrétée par le pape François du 24 mai 2020 au 24 mai 2021.
A la fin de l’été, les plants d’arbres nourris dans la «Chapelle vivante» seront distribués en Italie. Ils seront replantés pour revitaliser des zones dégradées ou créer de nouveaux «Jardins Laudato si». Pour l’instant, quelques autres de ces structures sont destinées à voir le jour sur la Péninsule et dans d’autres régions du monde, sur le modèle de celle de Rome.
Le projet se veut principalement une démarche de sensibilisation, dont le but est «d’unir tous les peuples autour de la valeur partagée de sauvegarde de notre Maison commune», assure Julian Revie. Pour le compositeur, la beauté émanant des œuvres musicale et architecturale liées à «The Living Chapel» est un «chemin» pouvant mener à la rencontre avec Dieu et à une «conversion» au respect de Sa Création. RZ
Raphaël Zbinden
Portail catholique suisse
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