«Tout m’autorise à candidater, et pourtant tout me l’interdit. C’est donc un geste fou, mais le plus fou, c’est que cela paraisse fou alors que cela ne l’est pas», explique la titulaire d’une maîtrise de droit et d’une maîtrise de théologie, qui fut journaliste catholique dans le Groupe Bayard (revue de jeunesse Grain de Soleil), avant de rejoindre Le Monde de la Bible et les Editions du Cerf.
«Constatant qu’en 2020, dans l’Eglise catholique, aucune femme ne dirige aucun diocèse, aucune femme n’est prêtre, aucune femme n’est diacre, aucune femme ne vote les décisions des synodes; considérant qu’exclure la moitié de l’humanité est non seulement contraire au message de Jésus-Christ, mais porte tort à l’Eglise, ainsi maintenue dans un entre soi propice aux abus (…) tout m’autorise à me dire capable de candidater au titre d’évêque, tout me rend légitime. Or, tout me l’interdit. Si ma candidature est interdite par le droit canon, c’est tout simplement parce que je suis une femme, que les femmes ne peuvent être prêtres et que seuls les prêtres, en devenant évêques, dirigent l’Eglise catholique», écrit-elle dans son «dossier de candidature».
Cofondatrice du Comité de la jupe avec Christine Pedotti (suite à une déclaration plus que malheureuse du cardinal archevêque de Paris André Vingt-Trois, qui déclarait en 2008, lors d’une émission de la Radio chrétienne francophone RCF, que «le tout n’est pas d’avoir une jupe, c’est d’avoir quelque chose dans la tête»), Anne Soupa milite pour la promotion de l’égalité des femmes et des hommes au sein de l’Eglise catholique. Cofondatrice, également avec Christine Pedotti, de la Conférence catholique des baptisé-e-s francophones (CCBF), Anne Soupa sait bien que sa candidature est une provocation. Mais elle l’assume. «Ma proposition décoiffe», confie-t-elle le 25 mai au magazine Lyon Capitale.
Pourquoi faire acte de candidature précisément à Lyon ? «Parce qu’à Lyon, quatre archevêques successifs, Mgrs Decourtray, Billé, Balland, Barbarin, ont failli dans leur tâche première, celle de protéger leurs communautés. Les bergers ont laissé les loups entrer dans la bergerie et les prédateurs s’en sont pris aux petits».
Elle relève dans son communiqué que sa candidature a deux versants: «d’un côté, elle met en lumière l’invisibilité dans laquelle sont tenues les femmes dans l’Eglise catholique. De l’autre, elle montre qu’il existe d’autres formes de gouvernance pour l’Eglise catholique, au moment où celle-ci s’apprête à nommer à Lyon, malgré la faillite de quatre épiscopats successifs, un énième évêque issu du même moule clérical».
Celle qui se prévaut du soutien de l’association de défense des victimes d’abus commis par des prêtres, la Parole libérée (association créée en décembre 2015 à Lyon à l’initiative des victimes du prêtre Bernard Preynat) fait par ce biais un «coup médiatique». L’annonce de cette «candidature» a en effet rapidement fait le tour des médias de l’Hexagone et bien au-delà.
«Cela ne se fait pas, je le sais bien, lance-t-elle. Mais je veux qu’il soit possible d’imaginer qu’une femme puisse devenir archevêque sans que cela relève de la plaisanterie!» Elle estime qu’avant de voir arriver «un énième évêque issu du même moule, il faut se demander s’il n’y a pas une autre façon de gouverner alors que la puissance de ce que font les femmes au sein de l’Eglise actuellement est extraordinaire».
Anne Soupa dit vouloir déposer sa candidature maintenant «parce que l’Eglise catholique continue à nourrir un cléricalisme pourtant dénoncé par le pape: abus en tous genres, sacralisation du prêtre, esprit de division … Sachant et considérant toutes ces choses, je me porte candidate à l’archevêché de Lyon, non de mon propre chef, mais parce que certains de mes proches m’y ont conduite».
«Ma démarche, je l’espère, sera utile pour toutes les femmes qui, aujourd’hui, sont assignées et bridées dans leur désir de responsabilités. Je les invite donc à candidater partout où elles se sentent appelées, que ce soit à devenir évêque ou à toute autre responsabilité qui leur est aujourd’hui interdite».
Le diocèse de Lyon, interrogé par le quotidien catholique français La Croix, souligne que la nomination du prochain archevêque de Lyon ne dépend que du pape. Mais il reconnaît le caractère symbolique de cet acte qui met l’accent sur la place des femmes dans l’Eglise. Le diocèse assure travailler dans cette direction et indique que la fonction d’économe diocésain, – «numéro deux du diocèse» – est occupée depuis novembre 2018 par une femme, Véronique Bouscayrol. (cath.ch/be)
Jacques Berset
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