Romains ou gothiques, baroques ou contemporains, surchargés d’ornements ou très épurés, ethnos, naïfs ou abstraits, les vêtements liturgiques catholiques ont non seulement leurs codes mais aussi leurs modes. Prêt-à-porter, artisanat monastique ou pièces griffées par des couturiers et des artistes, comme pour la mode profane, les catalogues des maisons de couture spécialisées rivalisent pour offrir le choix le plus vaste et le plus beau.
Il y en a pour tous les goûts et tous les prix, d’une centaine à plusieurs milliers de francs pour une chasuble. Même si le clergé s’en défend, la coquetterie est bien souvent entrée dans les sacristies. Et l’habit dit souvent beaucoup sur celui qui le porte.
Au même titre que les prières, les lectures bibliques, la prédication, le chant, la musique ou l’architecture, les vêtements liturgiques sont des éléments essentiels des célébrations catholiques. «Ils doivent faire percevoir que nous sommes dans une action qui est ‘mystère’ de foi» explique le chanoine Jean-Claude Crivelli, ancien responsable du Centre romand de pastorale liturgique. L’habit situe le culte catholique du côté de la beauté. Il se doit donc d’être noble dans sa forme et dans son apparence.
Le vêtement liturgique se distingue clairement des autres. Il ne sert évidemment pas à couvrir le corps pour le préserver du froid et de la chaleur. Il n’est pas fait non plus pour mettre en valeur la personnalité de celui qui le porte. Généralement, il n’est même pas personnel, mais se rattache à une église, un lieu ou une fonction.
Selon la théologie, lorsqu’il revêt les habits liturgiques le prêtre se détache de la vie ordinaire pour assumer les fonctions et l’identité du Christ. Leur forme même, le plus souvent large et fluide cachant l’entier du corps, souligne leur but de ‘dépersonnaliser’ leur porteur pour lui permettre de s’effacer devant le mystère qu’il célèbre. Face à l’assemblée, il est un signe d’identité et manifeste le ministère dont la personne a été littéralement ‘investie’, c’est-à-dire revêtue. C’est un vêtement de célébration, il doit accompagner et souligner les gestes du célébrant pour les rendre plus visibles et plus beaux.
Traditionnellement l’habillage du prêtre à la sacristie est ritualisé. Il s’accompagne de prières – plus obligatoires aujourd’hui – lorsque le prêtre passe un élément de sa tenue. En passant la chasuble il récite: «Seigneur Tu as dit: Mon joux est doux, mon fardeau est léger. Laisse-moi porter ce vêtement pour obtenir ta grâce. Amen.»
S’intéresser à l’évolution du vêtement liturgique, c’est aussi passer en revue l’histoire de l’Eglise. C’est ce qu’a fait dans sa thèse à l’université de Grenoble Nadège Bavoux. Le code vestimentaire des prêtres s’est élaboré et fixé progressivement entre le VIIIe et le XIIIe siècles.
Alors que l’Ancien Testament décrit précisément la tenue du grand prêtre officiant dans le temple, le Nouveau Testament ne contient aucune prescription vestimentaire. Jésus dénonce même l’attitude des Pharisiens «qui portent de larges phylactères et de longues franges à leurs vêtements». On retrouve cependant la notion de vêtements blancs lors de la transfiguration, de la résurrection ou dans l’Apocalypse.
Durant les premiers siècles, les prêtres portent la même tenue que les laïcs romains de bonne condition. Saint Augustin (354-430) célèbre dans ses habits quotidiens: une tunique de lin et une cape de laine sans manches couvrant le corps. Ces deux vêtements seront à l’origine de l’aube et de la chasuble des prêtres.
Au VIe siècle, lorsque les barbares propagent la mode des tenues courtes et ajustées au corps (la casaque et l’ancêtre du pantalon) l’Eglise demeure fidèle aux anciens usages. C’est ainsi que le costume traditionnel devient clérical et que le prêtre se distingue des fidèles par son vêtement.
Le concile de Tolède, en 633, précise les tenues et les ornements propres à chaque ordre des évêques, des prêtres et des diacres. Mais il faut attendre le IXe siècle pour qu’un costume liturgique spécifique voit le jour, probablement sous l’influence des évêques orientaux désireux de donner plus de solennité aux cérémonies. Ce qui explique aussi l’ornementation et le critère de préciosité. Au XIIe siècle, le costume est fixé et il ne changera pratiquement plus. Ce qui n’empêchera cependant pas la mode d’évoluer considérablement au fil des générations.
Le pape Innocent III (1198-1216) détermine les quatre couleurs liturgiques en usage à Rome: le rouge, le noir, le blanc, et le vert. De nombreux usages régionaux différents subsistent néanmoins. La suprématie romaine en matière de liturgie est renforcée par le Concile de Trente et fixée dans le missel de saint Pie V en 1570. Progressivement s’instaure une norme rigoureuse calquée sur le modèle romain. (cath.ch/mp)
Maurice Page
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