Saisi par des associations – dont le Parti chrétien-démocrate (PCD), Civitas, l’Alliance générale contre le racisme et pour le respect de l’identité française et chrétienne (Agrif), la Fraternité sacerdotale Saint-Pierre… – et des particuliers, le Conseil d’Etat, l’organe consultatif du gouvernement, a rendu ce 18 mai une ordonnance sommant le gouvernement de prendre «des mesures d’encadrement moins strictes que l’interdiction de tout rassemblement dans les lieux de culte».
C’est une victoire pour ceux qui dénonçaient le maintien de l’interdiction des rassemblements dans les lieux de culte, malgré le début du déconfinement, intervenu lundi 11 mai.
Dans son ordonnance, le Conseil d’Etat rappelle que la liberté de culte est une «liberté fondamentale» qui doit être conciliée avec «l’objectif de valeur constitutionnelle» de protection de la santé publique. Toutefois, «l’interdiction générale et absolue» des rassemblements dans les lieux de culte alors même qu’ils sont possibles dans d’autres lieux ouverts au public présente un «caractère disproportionné» par rapport à l’objectif de santé publique. Pour le Conseil d’Etat, la possibilité de réunion étant un «caractère essentiel» de la liberté de culte, l’interdiction émise par le gouvernement est donc une «atteinte grave et manifestement illégale à cette dernière».
Signataire du décret du 11 mai interdisant les rassemblements dans les lieux de culte, le premier ministre est donc prié de revoir sa copie et de prendre sous huit jours de nouvelles mesures, «strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances». Ces mesures devront ainsi «encadrer les rassemblements et réunions dans les établissements de culte», avec une reprise des cultes plus rapide qu’escomptée à l’origine par le gouvernement, qui tablait sur une reprise le 29 mai.
Pour Pierre Delvolvé, éminent juriste et président de l’Académie des sciences morales et politiques, il s’agit d’une décision «évidente», car les dispositions concernant les lieux de cultes étaient «inadmissibles juridiquement» par rapport à ce qui est pratiqué pour d’autres lieux accueillant du public. « l n’y avait pas de raison que des rassemblements ne puissent se tenir dans les lieux de culte, en adoptant bien sûr les précautions nécessaires», assène-t-il en soulignant que le Conseil d’Etat avait déjà reconnu à plusieurs reprises la liberté de culte comme liberté fondamentale. Il se réjouit donc d’une décision qui «correspond à la réalité et à l’état du droit».
La Conférence des évêques de France (CEF), qui s’est exprimé à plusieurs reprises pour une reprise des cultes, a pris acte avec sobriété de l’avis du Conseil d’Etat. Selon le père Thierry Magnin, son porte-parole et secrétaire général, «le Conseil d’Etat dit en effet que le gouvernement est allé trop loin dans l’interdiction. Notre position n’a jamais été d’entrer dans un bras de fer avec le gouvernement. Il ne s’agit pas de faire cocorico, même si évidemment, nous trouvons que cet avis va dans le bon sens.»
Cette ordonnance du Conseil d’Etat ouvre donc la voie à une reprise des cultes plus rapide qu’escomptée par le gouvernement qui tablait plutôt sur le vendredi 29 mai, une date qui permettait aux juifs de fêter Chavouot et aux chrétiens de célébrer la Pentecôte. Les premiers bénéficiaires d’une modification rapide du décret du premier ministre pour se conformer à l’ordonnance du Conseil d’État pourraient être les catholiques qui célébreront l’Ascension, jeudi 21 mai, puis les musulmans, qui fêteront dimanche 24 mai l’Aïd-El-Fitr, marquant la fin du Ramadan.
La CEF envisage une reprise progressive des cultes avec des moyens très concrets de l’encadrer: «Nous avons proposé un taux de remplissage maximum des églises d’un tiers pour maintenir les distances sanitaires nécessaires, précise son porte-parole et secrétaire général, Thierry Magnin. De même, les entrées, les sorties, les mouvements, les gestes, tout cela est consigné dans un document que nous avons envoyé aux autorités pour toutes les célébrations: la messe en particulier mais aussi les baptêmes par exemple.»
Thierry Magnin estime que le gouvernement n’a pas eu dans cette affaire la volonté de minimiser la liberté de culte: «Les associations qui ont saisi le Conseil d’Etat ont fait ce qu’elles ont jugé bon. Nous n’avons pas envisagé de déposer un recours devant le Conseil d’Etat, mais Mgr de Moulins-Beaufort (président de la CEF, ndlr) a souligné qu’il existait un problème juridique, qui a finalement été soulevé par le Conseil d’Etat.» (cath.ch/cx/vln/ab/cp)
Carole Pirker
Portail catholique suisse
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