Bernard Litzler et Grégory Roth/cath.ch
Comme une vague, le Covid-19 recule. Et la plage se révèle, avec ses dépôts. Le constat est amer. Financièrement, bien des secteurs sont touchés. En Eglise aussi. «La situation est inquiétante», s’alarme Jean-Pierre Aubry, le caissier de la paroisse du Sacré-Cœur à La Chaux-de-Fonds. «78% de moins pour les quêtes de janvier à avril, 94% de moins pour les baptêmes, mariages et funérailles et 22% pour les locations de salles, par rapport à la même période de 2019». Seule la vente des lumignons atténue le bilan: elle ne baisse que de 10%, car les paroissiens continuent de fréquenter l’église.
Dans le canton de Genève, l’abbé Philippe Matthey, curé de l’UP des Rives de l’Aire au Grand-Lancy, fait le même constat: «Une large diminution des revenus aussi bien pour les quêtes que pour le casuel, à savoir les offrandes lors de baptêmes, de mariages ou d’enterrements. Mais nos frais fixes ne diminuent pas, car nous avons maintenu les salaires de notre secrétaire et du concierge».
De fait, la situation des paroisses varie. Selon la taille de la communauté, la situation géographique, l’aspect urbain ou campagnard. Et lorsqu’une somme importante fait défaut, le coup est rude. Au Cerneux-Péquignot (NE), le loto paroissial du 22 mai a été reporté à l’automne. S’il n’a pas lieu, 2’000 à 3’000 francs vont manquer à cette petite paroisse des Montagnes neuchâteloises. D’autant que l’absence de messes la prive déjà, par mois de confinement, de 500 francs de quêtes, de mariages et d’enterrements. «C’est inutile de paniquer car, dans la situation actuelle, il y a beaucoup plus malheureux que nous», rapporte le caissier paroissial, confiant.
L’enquête menée dans le canton de Neuchâtel comme dans le canton de Genève confirme le mouvement. Les paroisses souffrent d’un manque de ressources dû à la durée du confinement et au retour tardif des célébrations, prévues – à part les funérailles – le 8 juin prochain.
Du coup, les réserves s’avèrent précieuses. Dans l’UP Neuchâtel-Ouest, «la situation est saine», estime l’abbé Luc Bucyana, curé, sur la base des données recueillies auprès des responsables des conseils des paroisses de Boudry-Cortaillod et de La Béroche-Bevaix. «Seules les quêtes et les locations des salles se sont arrêtées, précise le prêtre, mais les subventions des communes et les loyers continuent de nous être versés. Les pertes, évaluées à 4’000 francs, seront compensées par les réserves que les paroisses ont pu constituer.»
Au Grand-Lancy (GE), les paroissiens se manifestent: «Les dons pour nous soutenir sont en hausse, indique Philippe Matthey. Certaines personnes, conscientes des difficultés, font des dons spontanés. Chez d’autres, le don arrive pour remercier de notre engagement. Car nous envoyons par la poste le feuillet dominical du dimanche et, pour le mois de Marie, nous avons publié une brochure spéciale.»
Le site Internet paroissial témoigne de cette forte activité: petites vidéos, chants, invitations à venir prier à l’église et à participer à un petit rituel de bénédiction. «Nous voulons maintenir le lien avec les paroissiens», confie le prêtre genevois. Mais le temps se fait long, sans les services pastoraux habituels.
Pourtant, une paroisse sans messe n’est pas une paroisse endormie. Les initiatives se multiplient. Et la visée n’est pas d’abord financière. Dans l’«église rouge» de Neuchâtel, le curé modérateur Vincent Marville explique: «Je favorise les initiatives qui touchent au cœur de notre métier, à savoir rejoindre les gens dans ce qu’ils vivent. Plus tard, une fois le déconfinement apprivoisé, nous pourrons parler de nos besoins».
Les photos de l’abbé Marville, parcourant la basilique Notre-Dame vide, mais décorée des photos des paroissiens collées sur les bancs, ont été largement reprises par la presse. Mais là n’est pas l’essentiel: «Les gens montrent une grande reconnaissance pour les modestes signes de notre proximité. Je reçois de nombreux messages et encouragements», se réjouit le curé de Neuchâtel.
Même avec des activités au ralenti, l’abbé Luc Bucyana se réjouit du lien paroissial maintenu. «Le secrétariat paroissial est resté ouvert, des groupes WhatsApp se sont constitués, nous avons enrichi la feuille paroissiale avec les propositions de méditation et des témoignages. Et nous avons constaté beaucoup de proximité avec les personnes âgées ou à risque. Des réseaux de solidarité se sont créés pour leur venir en aide».
Certains dans les paroisses songent déjà à la suite. «La perte enregistrée nous rendra plus restrictifs dans nos dépenses futures et nous obligera à reporter la réalisation de certains projets, rapporte Yves Moreau, le caissier de la paroisse du Locle (NE). Mais nous avons quelques réserves. Et nous avons des revenus locatifs garantis, avec des garages et deux immeubles».
A Boudry, l’abbé Bucyana espère aussi des jours meilleurs. «Et nous lancerons au début de l’année prochaine une collecte de fonds auprès des paroissiens. Car nous pensons que beaucoup de gens seront en difficulté financière cette année.» (cath.ch/bl/gr)
Au niveau cantonal
«Je ne pense pas que la Fédération catholique neuchâteloise (FCRN) pourrait nous venir en aide, étant donné qu’elle a elle-même de sérieuses difficultés financières », rapporte le caissier paroissial du Cerneux-Péquignot. Des propos compréhensibles. Ni la FCRN, ni l’Eglise catholique romaine (ECR) à Genève ne touchent d’impôt ecclésiastique obligatoire. Ce sont les seuls deux cantons en Suisse avec ce régime particulier.
Neuchâtel
Dans le canton de Neuchâtel, la contribution ecclésiastique volontaire rapporte environ 32 francs par catholique et par an, selon le rapport Fakir de 2011. C’est la plus basse contribution cantonale au niveau suisse. «A ma connaissance, la manne a baissé ces dernières années, et 2020 sera plus dure encore», commente l’abbé Vincent Marville.
Genève
A Genève, la recherche de financements est permanente, elle aussi. L’ECR mène une politique active, à l’aide de campagnes régulières valorisant les activités ecclésiales: «Nous récoltons 7 millions de dons par an, les autres ressources provenant de nos immeubles pour 3 millions et de nos placements pour 3 millions, indique l’abbé Pascal Desthieux, vicaire épiscopal à Genève». Cependant la situation reste tendue. «Sur les 190’000 catholiques du canton, seuls 12’000 soutiennent financièrement l’Eglise». En outre, l’ECR demande chaque année un don aux paroisses. Cette contribution volontaire est basée sur une clé cantonale, en fonction de la taille de la paroisse. Elle rapporte 650’000 francs par an. Mais rien n’est garanti pour 2020, année de tous les dangers. (cath.ch/bl/gr)
Rédaction
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