Vera Rüttimann, kath.ch, adaptation Bernard Litzler, cath.ch
La Langstrasse est le lieu le plus branché de Zurich. En temps normal. En ce samedi, elle semble curieusement sans vie. De nombreux clubs et bars sont fermés. La femme au long habit blanc, au scapulaire bleu (le manteau de son ordre) et au masque protecteur, qui descend d’un pas rapide la Langstrasse, connaît bien cette atmosphère. Depuis le début de la crise sanitaire, Sœur Ariane et l’association Incontro, qu’elle a fondée, ont intensifié leurs actions de sensibilisation.
Chaque soir, elle distribue des repas chauds le long de la rue zurichoise. Un samedi comme celui-ci, elle distribue aussi des colis de nourriture et des articles de toilette à ceux qui l’attendent. Dans l’équipe de volontaires, plus de 80 jeunes. Ils sont en lien avec la communauté chrétienne Sant’Egidio, actifs dans l’Église comme Karl Wolf, administrateur de la paroisse catholique de Küsnacht, ou engagés socialement.
Pendant que Sœur Ariane marche le long des bars fermés, elle explique pourquoi elle s’est mise à intensifier le travail de rue depuis huit semaines. «J’ai vu des femmes du milieu se tenir sur le trottoir en pleurant parce qu’elles avaient perdu leur chambre.» Elle devait agir.
Le confinement s’est accompagné d’une interdiction des travailleurs du sexe. Des centaines d’hommes et de femmes se sont retrouvés sans revenus. La crise du coronavirus a particulièrement touché tous ceux qui vivaient déjà avec un minimum de revenus.
Lorsque la vingtaine d’assistants portant des masques de protection et des pulls bleus arrêtent leur chariot non loin du restaurant Hiltl, au milieu de la Langstrasse, des hommes et des femmes forment déjà une colonne jusqu’à la Helvetiaplatz. Les femmes sont souvent court vêtues et portent des leggings, les hommes des pantalons de survêtement.
Le défilé commence. Les aides distribuent des sacs de nourriture contenant des aliments de base pour une semaine. Il y a aussi des gels douche, du dentifrice et des brosses à dents. Egalement des désinfectants et des vitamines. Certains ont une lueur dans les yeux en quittant les lieux.
Les colis alimentaires sont actuellement collectés dans 17 paroisses catholiques et 10 paroisses réformées de la ville et du canton de Zurich. La religieuse leur avait demandé de l’aide au début de la crise du coronavirus. «Nous avons commencé avec 70 colis, aujourd’hui il y en a presque 800». Le réseau professionnel Lions Club fait également don de 200 sacs chaque semaine.
Ariane connaît personnellement la plupart des hommes et des femmes à qui elle tend un sac. Pour elle ce travail constitue une vocation. La théologienne, qui a achevé ses études à Lucerne, prend appui sur la question : Qu’aurait fait Jésus? «Il a cherché à rencontrer les gens et les a suivis jusqu’aux marges.» Le mot «Incontro» (rencontre) inscrit sur son pull bleu prend un nouveau sens.
Maintenant la rue est son église. Sœur Ariane ne se contente pas uniquement de distribuer des sacs de nourriture, elle passe souvent l’après-midi à l’écoute. «La présence, la construction de l’amitié est essentielle. Le besoin, la solitude de nos amis de la rue est si grande».
Il est 20h30, et la place près de la Langstrasse se vide lentement. Les volontaires s’éloignent avec leurs chariots. Sœur Ariane et le pasteur Karl Wolf s’arrêtent pour rencontrer personnellement quelques hommes et femmes qui travaillent habituellement dans le milieu.
Il fait nuit. Sœur Ariane sait que son travail n’est pas sans danger. Une fois, elle a été attaquée par un de ses amis toxicomanes, dans un coup de folie. Quand elle a senti son poing sur son nez, elle a eu peur pendant un moment. Elle dit : «Pourtant, pas une seconde je n’ai pensé à m’arrêter». (cath.ch/kath/vr/bl/rz)
Rédaction
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