Aucune autorité laïque ne peut prétendre suspendre le culte public et l’autorité temporelle n’a pas de contrôle sur ce culte, insiste en introduction le cardinal Sarah. . S’il était sans doute «légitime» de demander aux chrétiens de s’abstenir de se réunir pendant une période courte et limitée, il est inacceptable que les autorités en charge du bien politique se permettent de juger de la nature «urgente» ou non urgente du culte religieux et interdisent l’ouverture des églises, ajoute-t-il.
Il précise en outre qu’il est faux de dire que le culte public a été suspendu durant ce confinement. En effet, chaque fois qu’un prêtre célèbre la messe, même s’il est seul, il offre «le culte public et officiel de l’Eglise en union avec son Chef, le Christ et pour le compte de tout le Corps» de l’Eglise et donc de l’ensemble des fidèles.
Même s’il commence par remercier tous ceux qui ont travaillé pour la rediffusion de messes, le cardinal rappelle que «l’image virtuelle ne remplace pas la présence physique», faisant écho par là au pape François qui avait mis en garde contre la tentation d’une foi virtualisée lors de sa messe quotidienne du 17 avril.
La multiplication des messes filmées pourrait accentuer la «logique de spectacle» et cette «recherche d’émotions humaines» qui est déjà à l’œuvre dans certaines églises. Le prélat dénonce cette tentation de vouloir à tout prix rendre les «célébrations amicales et attrayantes» et de faire de la liturgie «un travail éducatif efficace et rentable».
Le prêtre est un «instrument permettant de laisser transparaître le Christ», rappelle-t-il, et «ne doit pas rechercher la sympathie de l’assemblée en lui faisant face comme principal interlocuteur». En ce sens, ce confinement a permis aux prêtres, privés de leurs paroissiens, de réaliser que «la célébration de la messe était encore adressée au Dieu trinitaire». A cette occasion, ils ont expérimenté le «culte de la majesté divine», estime le cardinal Sarah
Le culte «n’a pas pour objectif de capturer les téléspectateurs à l’aide d’une caméra», mais est dirigé et orienté vers Dieu, insiste-t-il. Ainsi, ces messes télévisées pourraient à long-terme aller jusqu’à «nuire à la santé spirituelle» du prêtre qui, «au lieu de regarder Dieu, regarde et parle à une idole» : la caméra.
De même, estime le haut prélat guinéen, il convient de prêter attention à la «logique d’efficacité» générée par l’utilisation d’internet. S’il est d’usage de juger les publications en fonction du nombre de «vues» qu’elles génèrent, le culte liturgique «est étranger à cette échelle de valeurs», déclare-t-il sans détour.
Cette privation de messes interroge encore la dimension du sacré au sein de l’Eglise catholique observe le cardinal. A présent, «Dieu nous offre la grâce de ressentir combien nous manquons à nos églises», relève-t-il. Ne serait-il pas temps d’interdire en leur sein «les manifestations laïques?», interroge-t-il. La basilique Saint-Pierre comme «presque toutes nos cathédrales», expressions vivantes de la foi de nos ancêtres, sont selon lui devenues «de grands musées, piétinés et profanés, sous nos yeux, par un défilé de touristes», souvent irrespectueux des lieux saints. Il mène aussi une réflexion sur le dimanche : «Ne l’avons-nous pas profané en en faisant une journée de travail, une journée de pur plaisir mondain ?»
Le préfet de Congrégation délivre également une série de recommandations pour ce temps de déconfinement. Les prêtres doivent dès que possible offrir au peuple chrétien l’occasion d’adorer le très Saint Sacrement, demande-t-il. Il encourage encore à réaliser, dans la mesure du possible, des «manifestations populaires» telles que le culte des reliques pour louer et remercier le Seigneur après cette épidémie, des processions ou encore des litanies des saints. La prière aux défunts devra en outre être valorisée afin de réparer l»injustice» de funérailles qui n’ont pu être célébrées. (cath.ch/imedia/cg/mp)
Maurice Page
Portail catholique suisse
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