Mandatée en septembre 2019 par le Père Moïse Ndione, Père Modérateur, et le Conseil international des Foyers de Charité, la commission de recherches, composée de 8 personnes indépendantes des Foyers de Charité, est présidée par la théologienne Françoise Gaussen, ancienne directrice de l’enseignement catholique dans le diocèse de Marseille. Elle révèle et documente les agissements «gravement déviants» de la part du Père Finet (1898-1990).
Ce rapport mentionne aussi des dysfonctionnements de gouvernance qui auraient perduré malgré des réformes récentes. Ce nouveau choc survient après les révélations sur les abus commis par les fondateurs de la congrégation Saint-Jean et de l’Arche de Jean Vanier.
Des témoignages concordants relatent des touchers du corps, parfois à même la peau, sous les vêtements, et des questions intrusives sur leur sexualité, peut-on lire dans le communiqué publié le 7 mai sur le site des Foyers de Charité. «Ces agissements ont constitué de graves intrusions dans la vie intime de ces jeunes filles et jeunes femmes, et leur ont causé des blessures psychologiques et spirituelles. 15 personnes victimes témoignent de souffrances encore vives aujourd’hui. Le fait que ces actes aient été commis au cours de confessions, par un prêtre ayant une autorité spirituelle sur ces jeunes filles, ajoute à leur gravité», estime la direction des Foyers de Charité.
Les témoignages recoupent la période de 1945 à 1983, avec des témoignages plus nombreux à partir de 1961. 26 femmes, principalement des anciennes élèves de Châteauneuf-de-Galaure [département français de la Drôme, où se trouvent les écoles et la maison de Marthe Robin] alors âgées pour la plupart de 10 à 14 ans, ont dénoncé le comportement du Père Finet au cours de confessions.
Les Foyers de Charité condamnent sans réserve les agissements du Père Finet «qui sont gravement contraires au droit et au respect des personnes. Ils reçoivent ces révélations comme une grande douleur, pour les personnes ayant été victimes, pour tous les membres des Foyers de Charité, et pour tous ceux qui ont connu et apprécié le Père Finet dans son rôle de fondateur, de prédicateur ou d’éducateur», poursuit le communiqué.
Dans ses conclusions, la commission souligne que les mesures de prévention et de traitement des abus prises par les Foyers de Charité dans leurs communautés «sont conformes aux normes instituées par l’Eglise», mais invite à aller plus loin, en particulier invitant les Foyers à «renforcer l’efficacité de ces mesures» en restructurant en particulier la cellule de lutte contre la pédocriminalité créée en mars 2017, désormais coordonnée par un expert extérieur à l’association. Cette cellule a mis à disposition une adresse mail pour recueillir les témoignages de victimes: paroledevictime@lesfoyersdecharite.com.
La direction des Foyers de Charité a également décidé la création d’une commission théologique chargée d’étudier les enseignements du Père Finet à la lumière des dernières révélations.
Dans leur communiqué de presse, les Foyers de Charité précisent qu’ils «se doivent en effet d’interroger, avec l’aide de compétences extérieures, l’héritage reçu du Père Finet et discerner tout ce qui n’est pas ajusté dans la vie communautaire en raison de cet héritage». Il s’agit en particulier de réfléchir sur comment s’y est exercé l’autorité. Ce processus doit se faire en Eglise, précise le Père Modérateur Moïse Ndione, «en relation avec les évêques ayant un Foyer de Charité dans leur diocèse et sous l’autorité du Dicastère romain pour les Laïcs, la Famille et la Vie».
Le communiqué ne mentionne nulle part le nom de Marthe Robin (1902-1981), dont l’abbé Finet fut le père spirituel. «Aucun des témoignages ne met en cause Marthe et l’enquête ne portait pas sur leur relation», explique Thierry Coustenoble, secrétaire général des Foyers de Charité, cité par La Croix du 7 mai 2020.
«Pour autant, comment n’a-t-elle rien vu ? Ou rien su au vu de sa proximité avec le Père Finet ?», écrit le quotidien catholique français, qui se demande «si Marthe Robin n’a pas été, d’une certaine manière, trahie par son père spirituel».
Et d’estimer «fort probable que les révélations sur le Père Finet risquent de reporter encore de quelques années la béatification de la vénérable». Le 7 novembre 2014, le pape François a en effet autorisé la Congrégation pour la Cause des Saints à promulguer un décret reconnaissant les vertus héroïques de la laïque française Marthe Robin, une étape essentielle vers sa béatification. (cath.ch/be)
Une Association internationale de fidèles de droit pontifical
Les Foyers de Charité, cofondés en 1936 par le Père Georges Finet et Marthe Robin à Châteauneuf-de-Galaure, bénéficient de la reconnaissance comme Association internationale de fidèles de droit pontifical depuis 1986. Ils organisent notamment des retraites spirituelles. Leur vocation est, selon leurs propres termes, «de revivifier et fortifier les chrétiens dans leur foi, afin de leur permettre de vivre pleinement leur baptême et contribuer à la vitalité de l’Eglise au service du monde entier». Ils se sont lancés dans un vaste chantier pour lutter contre toute forme d’abus. L’un des fruits de ce travail est celui de la commission de recherches sur l’abbé Finet.
L’œuvre des Foyers de Charité a pour mission essentielle de proposer des retraites spirituelles, qui accueillent plus de 50’000 personnes par an. Certains foyers exercent une mission supplémentaire d’enseignement ou de dispensaire. Aujourd’hui, 78 foyers sont répartis sur quatre continents. 970 personnes sont engagées à vie dans l’association, selon des données fournies par les Foyers de Charité. JB
La CEF salue «l’œuvre purificatrice» engagée par toute l’Eglise
Le Conseil permanent de la Conférence des évêques de France (CEF) a été informé des résultats de l’enquête sur les Foyers de Charité. Cette enquête fait état «d’attitudes gravement déviantes au cours de confessions à l’encontre de jeunes filles» de la part du Père Georges Finet.
Aux 26 femmes qui ont témoigné devant la commission chargée de cette enquête, «le Conseil permanent adresse avant tout ses pensées: il les remercie d’avoir trouvé en elles la liberté intérieure nécessaire pour parler; il leur exprime sa grande tristesse qu’une fois de plus un prêtre estimé de beaucoup ait pu abuser de la confiance placée en lui; il veut leur dire, à elles et à celles qui n’auraient pas pu parler encore, en pensant à celles qui sont décédées, sa détermination à agir pour éradiquer dans l’Eglise ce qui a rendu possible que de tels actes soient perpétrés et ne puissent être dénoncés».
Nécessaire travail de révision
Le Conseil permanent pense ensuite aux membres des Foyers de Charité et aux amis des Foyers : il est douloureux de découvrir que l’œuvre dans laquelle on s’est engagé ou à laquelle on a donné sa confiance «a été portée par un homme qui ne méritait pas l’estime dans laquelle on le tenait». Le Conseil permanent de la CEF salue le courage du Père Modérateur et du Conseil international des Foyers de Charité qui, outre ce travail de vérité sur ces agissements du Père Georges Finet, ont voulu que ce même rapport «évalue les mesures prises par les Foyers de Charité contre les abus sexuels et de conscience et apporte toutes préconisations utiles».
Le Conseil permanent de la CEF «encourage les membres des Foyers et les amis des Foyers à mener à bien ce travail de révision et de renouveau, en s’appuyant sur l’exemple et l’intercession de Marthe Robin». Le Conseil permanent apporte son entier soutien aux Foyers de Charité et les remercie de participer à l’œuvre purificatrice engagée par toute l’Eglise. JB
Jacques Berset
Portail catholique suisse
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