Grande figure de l’édition catholique, Charles Ehlinger s’est éteint samedi 2 mai, à l’âge de 92 ans, des suites du coronavirus qui l’a atteint alors que son état de santé général s’était fortement affaibli depuis l’hiver dernier. Assomptionniste pendant près de quarante ans, il fut un remarquable éditeur dans le domaine religieux. On lui doit notamment de nombreux ouvrages du jésuite François Varillon.
Né le 15 septembre 1927 à Urbès (Haut-Rhin), il fit sa première profession chez les Augustins de l’Assomption en 1946 et prononça ses vœux définitifs à Lyon le 21 novembre 1950. Ordonné prêtre à Lyon en 1954 après des études de philosophies et une licence en théologie et en Écriture sainte, il fut responsable de 1959 à 1964 de l’année de formation pastorale pour de jeunes prêtres de plusieurs instituts religieux et diocèses.
Doué d’un sens aigu du discernement, il laisse un souvenir ému à ceux qui l’ont approché. La curiosité intellectuelle de ce travailleur acharné en faisait une référence. «Charles laisse en héritage une belle et noble vie, même si elle n’a pas été toujours facile. Le souci de vérité qui l’a toujours animé l’a poussé à des décisions courageuses, confie aujourd’hui le père Michel Kubler, assomptionniste, ancien rédacteur en chef religieux de La Croix. Il a exercé – sans vraiment s’en rendre compte – un rayonnement important sur de nombreuses personnes et une sorte de magistère dans le monde de l’édition religieuse en son temps».
Même émotion pour Marc Leboucher, éditeur chez Salvator qui fut auparavant responsable des éditions DDB: «C’était un très grand éditeur, un véritable accoucheur d’auteurs. Sa discrétion naturelle allait bien avec la position de retrait en coulisses, inhérente à ce métier. C’était un esprit acéré, toujours aimable, mais jamais complaisant dans le travail».
Directeur de 1964 à 1983 des éditions du Centurion qui font alors partie du groupe Bayard, Charles Ehlinger constitua un catalogue impressionnant de livres remarqués et d’auteurs importants. Il traduisit le très controversé Catéchisme hollandais (1968), lança la traduction pastorale de la Bible en quatre volumes, La Bible du Peuple de Dieu (1971), ainsi que la publication des Actes du Concile avec 200 pages de table analytique, constituant ainsi une première synthèse de Vatican II.
Homme de rencontre et de dialogue, il créa une collection de livres d’entretiens avec des personnalités religieuses ou profanes telles que le cardinal dominicain Yves Congar, le cardinal François Marty, le cardinal Etchegaray, mais aussi Alfred Grosser… et Georges Brassens! Auteur lui-même de grands entretiens, il était aussi un scrupuleux traducteur d’ouvrages de théologie et d’exégèse en langue allemande ou anglaise.
Il a surtout publié des ouvrages à succès qui ont nourri la vie spirituelle de milliers de lecteurs, avec des auteurs tels François Varillon (L’Humilité de Dieu, puis La Souffrance de Dieu; Joie de croire, joie de vivre; Beauté du monde, Souffrance des hommes…), l’assomptionniste André Sève (30 minutes pour Dieu, 1974, Essayer d’aimer, 1976) ou encore Pierre Talec (Les Choses de la foi, 1973).
En 1984, au terme d’une réflexion douloureuse et ancienne sur sa foi, Charles Ehlinger renonçait «pour motifs de conscience» à son ministère et à la vie religieuse sans pour autant rompre les liens constants avec l’Eglise et avec l’Assomption. Il rejoignait alors les éditions Desclée De Brouwer (DDB) comme éditeur et directeur de collection, jusqu’à sa retraite au tout début des années 1990. En 2005 enfin, Charles Ehlinger, publiait avec Michel Kubler, un dernier livre d’entretiens réalisé avec Mgr Joseph Doré sous le titre La Grâce de vivre, aux éditions Bayard.
Après avoir vécu des années en région parisienne, il s’était rapproché de sa famille en Alsace et s’était installé à Thann (Haut-Rhin). Hospitalisé en décembre 2019, il a succombé au coronavirus. (cath.ch/cx/ch/cp)
Carole Pirker
Portail catholique suisse
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