Les mesures d’endiguement du Covid-19 actuellement mises en place par les gouvernements des pays d’Asie centrale divergent fortement, a expliqué à l’agence missionnaire vaticane Fides Davide Cancarini, chercheur indépendant spécialiste de la région.
D’un côté le Kazakhstan, l’Ouzbékistan et le Kirghizstan, ont pris à temps des mesures sanitaires, sociales et économiques cohérentes avec celles des pays les plus avancés. Le Turkménistan et le Tadjikistan ont opté pour une stratégie différente, celle de la négation absolue.
Officiellement, les deux républiques n’ont pas enregistré de cas de coronavirus. Mais les doutes quant à la réalité de cette situation sont nombreux parce que des dizaines de morts suspectes ont été enregistrées au Tadjikistan et parce que le Turkménistan partage une très longue frontière avec l’Iran, pays particulièrement touché par la pandémie, indique Davide Cancarini.
Pour leur chercheur, la politique hautement risquée du Tadjikistan et du Turkménistan pourrait trouver une explication plausible, dans le caractère autoritaire du gouvernement des deux pays. Les présidents Emomalī Rahmon et Gurbanguly Berdimuhamedow sont différents sous de nombreux aspects mais partagent la volonté inébranlable d’empêcher que tout élément potentiellement déstabilisant se diffuse sur leurs territoires respectifs.
«En d’autres termes, pour éviter toute critique à leur égard ou que la population puisse être déstabilisée par l’annonce de la diffusion du virus, leur choix est tombé sur la négation absolue» relève Davide Cancarini. Avec tous les risques que cela comporte pour les habitants des deux pays mais aussi pour la communauté internationale.
Emomalī Rahmon «a même cherché à exploiter cette phase au cours de laquelle l’attention est presque entièrement focalisée sur le coronavirus pour assurer sa succession, indique le chercheur. Il a en effet nommé son fils aîné, Rustam Emomali, porte-parole du Sénat, deuxième charge du pays après celle de Président».
L’absence de cas de Covid-19 au Tadjikistan et au Turkménistan, n’a cependant pas convaincu l’OMS qui a envoyé cette semaine des missions dans les deux pays pour évaluer la situation réelle sur le terrain.
Comme de nombreuses républiques de l’ancienne URSS, le Tadjikistan et le Turkménistan ont retrouvé leur indépendance au début des années 1990, donnant vie à des Etats aux fondements plutôt faibles. Au Turkménistan par exemple, le concept de pauvreté représente un tabou, attendu que le gouvernement de Gurbanguly Berdimuhamedov, président confirmé une troisième fois en février 2017, veut présenter le visage d’un pays en croissance et en plein développement.
Ces deux pays ne brillent pas non plus en matière de respect des droits fondamentaux. Selon le dernier rapport sur la liberté de la presse publié en avril 2020 par l’ONG Reporters sans frontières, sur 180 pays du monde, le Tadjikistan se place au 161e rang et le Turkménistan au 179e. La situation de la liberté religieuse est en demi-teinte. Si les constitutions reconnaissent ce droit, diverses lois en restreignent la portée. De toutes petites communautés catholiques de quelques centaines de personnes sont présentes dans ces deux pays. (cath.ch/fides/mp)
Maurice Page
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