Camille Dalmas, I.Media
Elle a «puisé dans la communion avec Jésus le courage de l’action et cette espérance inépuisable qui l’ont soutenue dans les heures les plus difficiles, même lorsque tout semblait perdu, et lui ont permis d’influencer les autres, même aux plus hauts niveaux civils et ecclésiastiques, avec la force de sa foi»: c’est ainsi que le pape François a présenté le 29 avril 2020, en pleine crise sanitaire, l’héritage de sainte Catherine de Sienne (1347-1380).
A celle qui est patronne de l’Italie, de l’Europe et docteur de l’Eglise, le pape a demandé de protéger l’Europe pour qu’elle reste unie.
«Même dans les moments les plus difficiles, le Seigneur ne cesse de bénir son peuple, faisant naître des saints qui donnent une secousse aux esprits et aux cœurs, en provoquant la conversion et le renouveau. Catherine est l’une d’entre eux», avait pour sa part déclaré en novembre 2010 le pape Benoît XVI.
Le pape allemand avait souligné l’importance décisive de sainte Catherine dans l’histoire de la chrétienté. Il rappelait lui aussi à quel point la sainte fut capable de s’élever au-dessus des malheurs de son temps.
Caterina di Jacopo di Benincasa, dite Catherine de Sienne, a en effet vécu une période de grands bouleversements: crise sanitaire, avec la «peste noire» qui frappe le Vieux Continent dès 1349; crise politique, avec la fin du modèle communal; crise économique, qui mène d’ailleurs à la faillite son père, un négociant en draps; crise de l’Eglise enfin, le grand schisme d’Occident donnant à l’Europe occidentale deux papes en 1378, un à Rome et un à Avignon. Cependant, son courage, tant vanté par Jean Paul II dans de nombreux discours, est une source d’inspiration, et, en ces temps difficiles, un modèle pour tout chrétien.
Car si la sainte fut mystique, elle n’en fut pas moins une femme d’action. Pendant toute sa vie, cette tertiaire dominicaine issue d’un milieu relativement modeste fit tout pour empêcher la barque de la chrétienté de chavirer. Pour cela, bien qu’analphabète à l’âge adulte, elle apprit à écrire et envoya des lettres de conseils et de reproches à tous les suzerains et responsables d’Europe, y compris le pape, qu’elle n’hésitait jamais à admonester.
L’exemple le plus célèbre est celui de sa visite, à Avignon, du pape Grégoire XI, où elle demande au pontife de rentrer à Rome. Si le retour de ce dernier n’est probablement pas directement décidé par l’intervention de la sainte (le pape souhaitait déjà rentrer afin de ne rien céder des Etats pontificaux, menacés par les prospères cités italiennes, notamment Florence), la capacité de sainte Catherine à interpeller les gouvernants de son époque est exemplaire.
Son influence sur le pape et sur l’Eglise de son temps fut d’ailleurs par bien des aspects indiscutable, et sa voix porta partout en Europe, comme peu de personnes avant elle, afin de demander partout la paix et la miséricorde.
Dans cette période de souffrances multiples, Catherine montre l’importance du «don des larmes», relève Benoît XVI. Ces pleurs «expriment une sensibilité profonde, une capacité à l’émotion et à la tendresse».
La sainte siennoise est un modèle d’anticléricalisme chrétien, c’est-à-dire de juste opposition aux gouvernants catholiques tout en étant «corps et âme au service de l’Eglise». A une époque où la place des laïcs provoque souvent de nombreux débats au sein de l’Eglise, son exemple montre la voie à suivre. De fait, si elle ne parvint pas à éviter les drames de son époque, notamment le schisme, son héritage est immense.
Elle fut notamment à l’origine de la grande réforme dominicaine du siècle suivant. Ses pensées, transmises dans Le Dialogue, la compilation de ses correspondances, suscitent l’admiration et font rapidement autorité: la sainte est canonisée en 1461, et devient même docteur de l’Eglise en 1970 pendant le pontificat de Paul VI.
Lors du discours prononcé le jour où il la déclara patronne de l’Europe en 1999, Jean Paul II avait bien résumé la valeur de cette sainte exceptionnelle: «Catherine était infatigable dans son engagement à résoudre les nombreux conflits qui affligeaient la société de son temps. Ses efforts pour apporter la paix ont atteint le niveau des dirigeants européens […] En plaçant ‘le Christ crucifié et la douce Marie’ devant les parties en présence, elle a fait comprendre que dans une société inspirée par les valeurs chrétiennes, il ne pouvait jamais y avoir de motifs de conflit si graves que les raisons de la nécessité de la force l’emportent sur la force de la raison». Alors que la solidarité européenne a été mise à rude épreuve, la pugnacité singulière de sa sainte patronne reste un modèle.
Par rapport à ses prédécesseurs, le pape François cite relativement peu sainte Catherine. Cependant, on peut deviner son influence dans un des fils rouges de son pontificat, celui des ponts. Si, comme le pape argentin aime à le rappeler, il faut bâtir «des ponts, pas des murs», la sainte italienne lui répond: «la vie est un pont: traversez-la, mais n’y faites pas votre demeure». Encore aujourd’hui, elle rappelle que le rôle du pape est, comme l’indique l’étymologie de ‘pontifex’, celui d’un bâtisseur de ponts sur la vallée de larmes qu’est le monde; celui d’un pont reliant entre elles les âmes et les menant vers Dieu, leur destination finale. (cath.ch/imedia/cd/be)
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