Par Vera Rüttimann, kath.ch/traduction et adaptation: Raphaël Zbinden
Comment vivez-vous la période actuelle?
Adrian Bolzern: Malgré le beau temps que je vois dehors, en ce moment, je vais moyennement bien. Il m’est difficile d’être tranquille intérieurement, car je souffre avec les artistes, les forains, les gens du spectacle, qui n’ont pas pu travailler depuis le confinement. Ça me fait mal de voir ces personnes maintenant en graves difficultés financières à cause de la crise du coronavirus. Beaucoup ont bâti une entreprise qui dure depuis des décennies, avec beaucoup de ferveur et en assumant un risque financier parfois élevé.
Comment fonctionne votre «pastorale de quarantaine»?
Tout le monde me dit: venez nous rendre visite! Cependant, je respecte les règles de distance sociale. Je fais maintenant jusqu’à dix appels téléphoniques par jour de mon bureau. Je m’enquiers de la situation des forains et des directeurs de cirques. Le téléphone est maintenant mon «arme» la plus efficace pour atteindre les personnes. J’assume cette tâche au nom des évêques suisses.
Avec quels problèmes spécifiques ces personnes se débattent-elles actuellement?
Ceux qui n’ont pas de réserves se sont retrouvés du jour au lendemain sans revenus. La plupart sont maintenant extrêmement angoissés par l’avenir. Il leur manque l’argent pour payer le loyer, l’électricité ou l’assurance maladie. L’activité des forains et des propriétaires de stands se termine quasiment en décembre avec les marchés de Noël. Cette année, la crise du coronavirus est survenue juste avant leur reprise d’activité en mars. Une méga-catastrophe.
«Si notre pays n’avait plus ses foires et ses fêtes foraines, un morceau de notre culture nous manquerait»
Comment les personnes touchées sont-elles aidées?
Certains reçoivent désormais des prêts, suite à la décision du Conseil fédéral en ce sens. Cependant, ils s’endettent, et cette aide est ambivalente.
Comment la Fondation Philippe Neri* peut-elle aider?
Leurs fonds sont limités. La fondation ne peut éteindre qu’un petit feu et pas un immense incendie.
Les grandes compagnies de cirque bénéficient d’une bonne audience médiatique. Mais les autres professionnels du spectacle et les forains se sentent-ils abandonnés?
Oui. Mais pas seulement dans la crise sanitaire actuelle. Ils demandent au Conseil fédéral de mettre cartes sur table et de les prendre davantage en compte. Les institutions culturelles bien connues qui vivent de l’argent public ne disparaîtront pas. Les professionnels du spectacle et les compagnies de cirque qui ne sont pas sous le feu des projecteurs, en revanche, sont en grand danger. Cependant, je constate que beaucoup, dans cette communauté itinérante, sont des personnes debout. Je les admire beaucoup pour cela.
Quelle est finalement l’importance des artistes, des professionnels du spectacle et des forains pour la société?
L’on entend dire: ces gens ne sont pas essentiels au système. Et pourtant ils le sont! Pour notre âme et notre esprit. Je ne connais personne qui ne s’émerveille pas lorsqu’il entre sur une place avec des lumières multicolores. Si notre pays n’avait plus ses foires et ses fêtes foraines, un morceau de notre culture nous manquerait. Nous devons veiller à ce que cela ne s’effondre pas maintenant. Les nomades du spectacle rendent nos vies plus lumineuses. (cath.ch/vr/kath.ch/rz)
*La Fondation Philippe Neri soutient les intermittents du spectacles, les forains et les personnes travaillant dans les cirques. Elle finance également le travail pastoral de l’aumônerie de cirque.
Raphaël Zbinden
Portail catholique suisse
https://www.cath.ch/newsf/un-aumonier-au-secours-du-monde-du-cirque/