Gabriella Ceraso e Michele Raviart, Vatican News/traduction et adaptation: Raphaël Zbinden
Le Yémen est menacé par un effondrement sanitaire avec l’arrivée de la pandémie de coronavirus dans un système de santé déjà dévasté par cinq ans de guerre. Jusqu’à présent, un seul cas de coronavirus a été confirmé dans le pays. Mais le gouvernement reconnu au niveau international a déjà fait part de son inquiétude face aux conditions de pauvreté extrême qui règnent dans le pays, notamment avec un accès à l’eau extrêmement limité. Un terrain particulièrement propice à la propagation du virus.
Le cessez-le-feu humanitaire signé mi-avril 2020 entre la coalition dirigée par l’Arabie Saoudite et les rebelles Houtis, soutenus par l’Iran, est instable. Mai s’il se maintenait, il pourrait mettre fin à un conflit qui a fait plus de 100’000 morts et provoqué une profonde crise humanitaire. Dans le pays, 24 millions de personnes survivent grâce à l’aide internationale et une partie de la population est au bord de la famine.
Le pape, notamment dans son message Urbi et Orbi, a dénoncé très explicitement l’attention portée à l’achat d’armes au dépens de la sauvegarde des vies humaines. Il s’est élevé contre le trafic d’armes. Le Yémen est un cas emblématique de cela…
Mgr Paul Hinder: Je l’ai toujours moi-même répété et je l’ai également mentionné plus d’une fois au Saint-Père. Il est clair qu’il y a un réel problème avec le trafic d’armes, car derrière, il y a des intérêts, il y ades personnes qui n’ont pas intérêt à ce que la guerre s’arrête.
Nos voix ont une certaine force morale et nous n’avons donc pas peur d’appeler à la fin de la guerre: notre appel est un appel à la conscience des gens capables de prendre des décisions, afin qu’ils s’ouvrent à cette réalité et qu’ils ne regardent pas seulement le profit économique. Il me semble très dangereux, pour tout le monde, qu’en période de pandémie l’aspect économique l’emporte sur la sauvegarde des vies, qui est passablement ou complètement oublié.
Le pape a clairement demandé aux dirigeants du monde, dans ce contexte, de trouver la bonne voie et aux chrétiens de rester unis et fidèles au Christ qui ne nous laisse jamais seuls : comment alors pouvons-nous vivre ce temps et regarder vers l’avenir ?
Aucun d’entre nous ne sait ce qui va se passer. Nous ne savons rien du développement de la pandémie ni des conséquences politiques et économiques. Mais je porte en moi, et j’essaie de la communiquer aux autres, la lumière de l’espérance que le Christ ressuscité nous a donnée: n’ayez pas peur du lendemain, même si nous ne savons pas ce qu’il sera. C’est la réalité que nous avons célébrée pendant ces jours de Pâques, en particulier le Vendredi Saint.
Nous ne pouvons pas aller directement à Pâques. Chacun, à sa manière, doit passer le Vendredi et le Samedi saint et ainsi de suite. Et il faut la foi et l’espoir, car il y aura une Pâque. Mais parfois, et il faut être clair sur ce point, ce passage dure beaucoup plus que trois jours. C’est le message que j’essaie aussi de transmettre à mon peuple : ici, ils attendent le lendemain avec nervosité et me demandent ce qui se passera après la pandémie, ce qu’ils vont faire, s’ils vont perdre leur emploi, comment ils vont nourrir leurs familles… Ce sont des questions que beaucoup de gens se posent et pas seulement au Yémen. Mais ici les problèmes sont encore bien plus aigus qu’ailleurs.
A votre avis, que peut nous apprendre cette crise?
Je ne peux que répéter les paroles très fortes du pape que j’ai tant appréciées : «Ce n’est pas le moment de provoquer des divisions. Que le Christ, notre paix, éclaire ceux qui ont des responsabilités dans les conflits, afin qu’ils aient le courage d’adhérer à l’appel d’un cessez-le-feu mondial». Je réitère donc cet appel pour toute ma région : il est clair que nous n’avons pas de pouvoir réel d’intervention, mais nous sommes des instruments de témoignage d’une réalité enracinée dans un autre monde, c’est-à-dire dans le Christ ressuscité. Et il n’est pas toujours facile de faire comprendre à un monde de plus en plus sécularisé ce message ancré dans l’au-delà. (cath.ch/vaticannews/gc/mr/rz)
Mgr Paul Hinder est vicaire apostolique d’Arabie du Sud. Sa juridiction couvre les Emirats arabes unis, Oman et le Yémen. Il a la charge d’à peu près un million de catholiques. A noter que son confrère, Mgr Camillo Ballin, vicaire apostolique d’Arabie du Nord, est décédé le 12 avril 2020.
Raphaël Zbinden
Portail catholique suisse
https://www.cath.ch/newsf/mgr-hinder-stop-a-la-guerre-et-au-commerce-des-armes-au-yemen/