Les haredim, la communauté ultra-orthodoxe dont fait partie le ministre israélien de la santé, qui fait fi des règles de distanciation, est très touchée par le Covid-19. Elle a pris conscience trop tardivement des conséquences du coronavirus ou a carrément refusé de suivre les règles de distanciation sociale imposées par les autorités depuis quelques semaines.
Le gouvernement israélien a été l’un des premiers, le mois dernier, à restreindre l’accès à son territoire pour lutter contre la propagation du virus, avant d’ordonner la fermeture des lieux publics et le confinement. Mais dans certains secteurs ultra-orthodoxes, ces mesures strictes se sont heurtées à la réticence des habitants qui ont continué à se rendre dans les synagogues et les yeshivot (écoles talmudiques), que des rabbins n’ont d’abord pas fermé, malgré l’ordre des autorités.
Le mode de vie des haredim, ces hommes aux papillotes et aux longs manteaux noirs, fait obstacle. Ils se serrent en famille dans des appartements exigus, ont de très faibles revenus, n’écoutent pas la radio ni ne regardent la télévision et n’autorisent que des téléphones «casher», c’est-à-dire sans connexion internet. Toute l’information passe par le rabbin, seule autorité qu’ils reconnaissent, et certains d’entre eux s’égosillaient ces dernières semaines à rappeler que ceux qui étudient assez la Torah seront… protégés du coronavirus.
Résultat, sur les 9’000 malades officiellement recensés, plus du tiers sont ainsi des ultra-orthodoxes, alors que cette minorité religieuse ne représentant que 10 % de la population de l’Etat hébreu. Les autorités ont donc durci les règles sanitaires dans leurs quartiers, voire bouclé une ville comme Bnei Brak, près de Tel-Aviv, et dépêché l’armée pour assister les autorités civiles.
Yaakov Litzman, le ministre israélien de la santé est sous le feu des critiques pour sa mauvaise gestion de la crise. Il aurait continué à fréquenter la synagogue, contrairement à ses propres recommandations, avant qu’on n’apprenne qu’il avait été testé positif.
Pour Dov Lipman, ancien député et également rabbin, le ministre de la santé n’avait pas pour intention de nuire au reste de la société israélienne. Mais en ne communiquant pas la stratégie de son gouvernement à sa communauté, il est responsable d’ un «échec catastrophique»: «Si Litzman avait pris le temps d’expliquer aux rabbins la nature du virus, combien il est contagieux et létal, ils auraient décidé que le maintien de la vie était la priorité», affirme-t-il
Selon le rabbin Yehoshua Pfeffer, expert de la communauté ultra-orthodoxe, Yaakov Litzman est avant tout loyal aux rabbins de la secte hassidique Gur, à laquelle il appartient. Viennent ensuite son parti politique, «Judaïsme unifié de la Torah», allié du Premier ministre Benjamin Netanyahu, et le gouvernement.
Suivre les rabbins ou la science? Pour Gideon Malach, spécialiste des ultra-orthodoxes à l’Israel democracy institute, un centre d’analyse de Jérusalem, le ministre «n’a tout simplement pas compris le danger». Cette incapacité des leaders ultra-orthodoxes à se mobiliser rapidement face à la pandémie pourrait favoriser des «changements au sein même de cette communauté», avec une remise en question de la capacité des chefs à protéger la population.
Des premières indications suggèrent, selon Gideon Malach, que des ultra-orthodoxes s’informent désormais au-delà des médias communautaires et qu’ils ont étendu leur usage d’internet, laissant supposer qu’ils ne font peut-être plus autant confiance à leurs rabbins pour se tenir informés.
Lipman se remémore la première guerre du Golfe (1990-91), lorsque des ultra-orthodoxes avaient pris conscience qu’il leur était essentiel d’écouter la radio pour avoir des informations en temps réel sur les missiles Scud dirigés vers Israël par l’Irak de Saddam Hussein. Après la pandémie, « il y aura une réévaluation de la relation avec les rabbins », avance-t-il. (cath.ch/ag/cp)
Carole Pirker
Portail catholique suisse
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