La décision de la Haute cour de justice est «dévastatrice», a assuré Chrissie Foster, militante de longue date pour les droits des victimes d’abus sexuels dans l’Eglise au média australien AAP. L’avocate a qualifié l’acquittement de «tragique». Il serait, selon elle, susceptible de dissuader d’autres victimes de sortir de leur silence. Des associations en Australie et dans le monde ont également déploré la suspicion de mensonge que ce verdict pourrait faire porter aux dénonciateurs.
Le cardinal Pell, âgé de 78 ans, ex-secrétaire à l’Economie du Saint-Siège, avait été condamné en mars 2019 à six ans d’incarcération pour des agressions sexuelles sur deux enfants de chœur, âgés d’une douzaine d’années, en 1996, dans la cathédrale Saint-Patrick de Melbourne, alors qu’il était archevêque de la ville.
En appel, la plus haute instance de la justice australienne a cependant estimé qu’il y avait «une possibilité importante qu’une personne innocente ait été condamnée, parce que les preuves n’ont pas établi sa culpabilité selon le niveau requis».
Le Vatican s’est félicité, le 7 avril, de la décision unanime de la Haute Cour concernant le cardinal George Pell. Le Saint-Siège a rappelé que le prélat australien avait toujours clamé son innocence et «attendait que la vérité soit établie». Lors de sa messe à Sainte-Marthe, le même jour, le pape François a eu une intention toute particulière pour «les personnes victimes d’un jugement injuste». Le Vatican a par ailleurs réaffirmé «son engagement à prévenir et à poursuivre tous les cas d’abus contre des mineurs» commis au sein de l’Eglise.
Suite au verdict, le cardinal a quitté la prison et a rejoint un couvent à Melbourne. Sa remise en liberté a été saluée par Greg Craven, vice-chancelier de l’Université catholique australienne et défenseur de longue date du prélat. Le responsable catholique insiste sur le fait que le procès n’aurait jamais dû avoir lieu. «Tout cela montre que si vous avez assez de haine, de médias et d’autorités publiques contre vous, vous serez bien en peine d’obtenir un procès impartial».
Un jugement qui «sera bien accueilli par beaucoup», a commenté Mgr Mark Coleridge, archevêque de Brisbane. Le président de la Conférence épiscopale australienne a toutefois reconnu que la décision de la Haute cour serait «dévastatrice pour d’autres», alors que «de nombreuses personnes ont profondément souffert dans cette affaire».
Le cardinal Pell lui-même a répété, à la sortie du procès, qu’il était innocent des charges qui pesaient contre lui. Il a assuré n’avoir aucune colère contre son accusateur. «Je ne veux pas que mon acquittement ajoute à la blessure et à l’amertume que tant de personnes ressentent», a-t-il affirmé. «Quoiqu’il en soit, mon procès n’était pas un référendum contre l’Eglise catholique; pas un référendum contre la façon dont les autorités de l’Eglise en Australie ont géré les crimes de pédophilie en son sein».
Dans le même ordre d’idées, Jean-Pierre Denis, directeur de la rédaction du journal français La Vie, estime dans un éditorial que «la justice a fait son travail en s’élevant au-dessus des passions et en disant le droit». Pour le journaliste, «en démocratie, faute de preuves, on ne condamne pas un homme, fût-il cardinal, peu sympathique ou agaçant parce qu’il a pris telle ou telle position dans des débats de société». (cath.ch/imedia/aap/ag/rz)
Vers un procès canonique
La décision ultime de la justice australienne n’empêchera pas le cardinal George Pell de faire face à une enquête canonique. Suite à la condamnation de l’ancien Secrétaire à l’économie du Vatican, rendue publique en 2019, le Saint-Siège a engagé une procédure contre le prélat australien. Elle était en suspens en attente du verdict en appel.
D’après des sources d’Eglise, relayées par le journal britannique The Tablet, l’investigation canonique prendra en compte les témoignages d’autres accusateurs de George Pell. Deux d’entre eux se sont récemment fait connaître.
Si les résultats de l’enquête préliminaire présentent des allégations suffisamment crédibles, un procès canonique sera lancé à Rome. Il se tiendra à huis clos. Il y a, dans ce type de procédure, plusieurs niveaux d’appels. La décision finale revient au pape.
Outre la procédure vaticane, le cardinal fera face à une enquête de l’Eglise en Australie. Il devra aussi répondre au rapport établi par la Commission royale australienne sur les abus dans les institutions du pays, mais cette fois sur la façon dont il a géré ces cas.
A noter aussi que le cardinal Pell, malgré son acquittement, n’est pas à l’abri de poursuites civiles des présumés victimes afin d’obtenir des dédommagements pour le préjudice subit. RZ
Raphaël Zbinden
Portail catholique suisse
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