La tribune du pasteur retraité de l’Eglise protestante unie de France (EPUdF) a suscité de vives réactions parmi ses coreligionnaires. Ce dernier s’en est pris vivement et a posteriori à l’attitude des responsables du grand rassemblement de l’Eglise La Porte Ouverte Chrétienne en février dernier à Mulhouse.
S’il est vrai, dans ce cas, comme le rappelle Réforme, qu’au moment de cette Convention évangélique, les consignes d’interdiction des rassemblements puis le confinement n’avaient pas encore été données, et que les participants ne se savaient pas porteurs du virus, certaines communautés religieuses – et pas seulement évangéliques – prétendent par contre garantir l’immunité contre le Covid-19.
Ce sont des discours dangereux, souligne Marie-Lorraine Tresca, journaliste au quotidien français La Croix, chargée du suivi du protestantisme et de l’actualité religieuse dans le monde anglo-saxon. Elle relève que sur plusieurs continents, des responsables religieux, «à la tête notamment d’Eglises chrétiennes indépendantes ou aux affiliations opaques», garantissent que la prière a la capacité à «immuniser» contre le Covid-19.
Aux Etats-Unis, ce discours «corona-sceptique» a pris de l’ampleur dans certaines grandes églises de la droite évangélique, ces «megachurches» connues pour leur fervent soutien au président républicain Donald Trump. Mais ce type de discours s’est implanté dans tous les continents.
En Afrique, tout comme sur le continent américain, des pasteurs à la tête d’églises indépendantes persistent à proclamer qu’il suffit de prier avec ferveur pour se protéger contre le coronavirus. Certains remettent en cause la gravité de la pandémie actuelle en maintenant la célébration de leurs cultes publics.
Portées par la politique «corona-sceptique» du président brésilien d’extrême droite Jair Bolsonaro, écrit Marie-Lorraine Tresca, des voix religieuses, à l’instar de celle du très influent pasteur Silas Malafaia, assimilaient fin mars les mesures de confinement à «une stratégie du diable»: «Mes amis, ne vous inquiétez pas à cause du coronavirus. C’est une tactique de Satan, il s’alimente de la peur», assurait-il, avant d’être contraint par le parquet de Rio à suspendre ses cultes.
Début mars, la police brésilienne a ainsi ouvert une enquête sur une Eglise évangélique du sud du pays, ayant promis aux fidèles de les «protéger» contre la maladie: «le pouvoir de Dieu contre le coronavirus. Venez parce qu’il y aura une onction avec de l’huile consacrée pendant le jeûne pour immuniser contre toute épidémie ou virus», exhortait ainsi sur les réseaux sociaux la Cathédrale globale de l’Esprit Saint de Porto Alegre.
«Le Brésil traverse une grave crise. Les forces du mal se lèvent contre un président chrétien craignant Dieu et un défenseur de la famille», a commenté sur Twitter le pasteur évangélique Marco Feliciano, par ailleurs membre du Congrès.
Vainqueur des urnes sous le slogan «Le Brésil au-dessus de tout, Dieu au-dessus de tous», Jair Bolsonaro, né catholique avant d’être baptisé, en 2016, dans le fleuve du Jourdain par un influent pasteur évangélique, avait été élu en octobre 2018 avec le très large soutien des églises évangéliques du pays.
En Ouganda, ce type de discours niant l’existence du Covid-19 a causé l’arrestation, le 28 mars, du célèbre pasteur Augustine Yiga, à la tête de la Revival Church Kawala, l’Eglise du Renouveau chrétien.
Selon le chercheur québécois André Gagné, du Département d’études théologiques de l’Université Concordia, à Montréal, «certains pasteurs évangéliques de tendance pentecôtiste ou néo-charismatique mettent beaucoup l’accent sur le fait que Dieu est capable de guérir».
«Ils perçoivent le coronavirus comme un esprit maléfique sur lequel ils ont un certain pouvoir pour l’exorciser de leur congrégation», souligne ce spécialiste du fondamentalisme américain.
Le pasteur Jean-Paul Morley, dans Réforme, affirmait sans ambages que «Dieu ne vaccine pas le croyant contre les virus, ni ne guérit les malades, il les accompagne, et cet accompagnement peut favoriser une guérison, mais il ne détruit pas les virus ni les cancers (…) Penser que Dieu choisit qui est malade et qui reste sain, qui guérit et qui en meurt, c’est rendre le Créateur responsable de la maladie et des épidémies: c’est lui faire injure. C’est faire du Dieu-amour un Dieu machiavélique, injuste et cruel».
La Conférence des évêques catholiques des Etats-Unis (USCCB) appelle à un moment national de prière le Vendredi Saint, en invitant les catholiques à se réunir pour prier les litanies du Sacré-Cœur de Jésus.
«Le Vendredi Saint est un jour où les chrétiens du monde entier commémorent solennellement le jour où Jésus a souffert et est mort sur la croix», peut-on lire dans la déclaration de l’USCCB. «Les catholiques marquent traditionnellement ce jour par le jeûne, la pénitence et la réflexion sur le sacrifice d’amour de Jésus. Cette occasion de prier ensemble pendant la pandémie de coronavirus offre un moment spécial d’unité pour les fidèles à un moment où les communautés des Etats-Unis et du monde entier sont physiquement incapables de se rassembler pour la Semaine Sainte et Pâques à cause du Covid-19».
La Conférence des évêques catholiques des Etats-Unis a également annoncé que, avec l’autorisation spéciale du Pénitencier apostolique du Saint-Siège, une indulgence plénière est disponible pour tous ceux qui se joindront à Mgr José H. Gomez, archevêque de Los Angeles et président de l’USCCB, pour prier la Litanie du Sacré-Cœur le Vendredi Saint. Elle sera retransmise en direct sur le compte Facebook et le site internet de la Conférence épiscopale. (cath.ch/lacroix/reforme/vaticannews/be)
Jacques Berset
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