«Ce lundi 6 avril, nous venons de célébrer la messe chrismale à huis clos; non pas à la cathédrale, comme les années passées, mais dans la petite chapelle de l’ordinariat épiscopal», note Mgr Denis Theurillat, évêque auxiliaire du diocèse de Bâle, joint par téléphone à Soleure.
Selon les normes en vigueur, nous étions un groupe très restreint de personnes: l’évêque, le vicaire épiscopal, un prête, un diacre, un laïc et moi-même», précise Mgr Theurillat, pour qui la célébration a été digne et très particulière.
«C’est une première dans ma vie. Je n’aurais jamais pensé de vivre cela, un jour. Célébrer la messe chrismale sans le peuple de Dieu, ça a été très impressionnant! Même dans ces conditions, nous nous sommes sentis très unis à tout le diocèse. Pour nous tous, c’était un moment très fort», explique l’évêque auxiliaire.
Le prêtre, le diacre et le laïc qui étaient à la célébration ont représenté tous les autres qui n’ont pas pu y participer.
Mgr Denis Theurillat, évêque auxiliaire du diocèse de Bâle
Une union ecclésiale incarnée par trois délégués des agents pastoraux diocésains. »Un des éléments spécifiques à cette célébration, c’est le renouvellement des promesses des agents pastoraux, rappelle l’évêque jurassien.
Le prêtre, le diacre et le laïc qui étaient à la célébration ont représenté tous les autres qui n’ont pas pu participer. Dans ce sens là, j’ai éprouvé le sentiment d’une certaine plénitude; on était uni avec tous les autres!»
Dans le diocèse, la tradition d’anticiper la messe chrismale le lundi saint a donc été maintenue. Un choix qui vise à éviter de concentrer plusieurs célébrations le Jeudi saint et permettre ainsi à tous les agents pastoraux, ainsi que les fidèles, des différentes régions du diocèse, d’y participer.
La célébration a été retransmise en différé sur les ondes de Radio Maria Suisse romande deux heures plus tard. Quant aux trois huiles consacrées, «pour l’instant elles reposent à la chapelle de l’ordinariat diocésain, en attendant la fin de l’urgence et que les agents pastoraux seront invités à venir les retirer», conclut Mgr Denis Theurillat.
Même si le Saint-Siège ouvre la possibilité, d’un éventuel transfert à une autre date, la Conférence des évêques suisses (CES) ne s’est pas prononcée. Car chaque évêque est libre de décider selon les particularités ou coutumes de son diocèse.
La situation de crise sanitaire a ainsi porté les deux autres diocèses bilingues de Suisse romande à trouver des solutions différentes. Si le diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg a opté pour le maintien de la messe chrismale avec transmission en direct sur sa page Facebook ainsi que sur son site web, le diocèse de Sion, par exemple, a décidé de la reporter au 14 août 2020.
«Mardi 7 avril, à 10h, tous les agents pastoraux de notre diocèse sont invités à participer depuis chez eux à cette célébration retransmise depuis la chapelle de l’évêché et à renouveler ainsi leur engagement», lance Mgr Alain de Raemy, évêque auxiliaire de LGF.
Il me manquera ce beau moment de partage fraternel qui suit la messe chrismale. C’est le moment d’échange diocésain le plus large de l’année.
Mgr Alain de Raemy, évêque auxiliaire Lausanne, Genève et Fribourg
Un renouvellement des promesses fait à distance, rendu donc possible grâce à la technique. «Nous nous sommes dit que la messe chrismale avait vraiment sa place durant la Semaine sainte, avant la messe en mémoire de la Cène du Seigneur, précise l’évêque fribourgeois. Difficile de trouver une autre date, vue l’incertitude actuelle. En outre, il était bon d’avoir les huiles saintes et le saint chrême prêts pour que les agents pastoraux puissent venir les prendre le temps venu».
Pas virtuel
Le caractère extraordinaire de la situation rappelle quelques souvenirs des célébrations du passé. «C’est un peu comme un retour en arrière. En effet, jusqu’aux années 1990, seulement des délégués des décanats étaient présents à la messe chrismale. Il n’y avait pas de rassemblement des prêtres, diacres et laïcs qu’on connaît aujourd’hui; juste quelques uns qui venaient à la cathédrale pour retirer les huiles à la fin de la célébration», se souvient Mgr de Raemy, à l’époque jeune curé.
«Je me rappelle notamment que j’avais écrit à Mgr Pierre Mamie, pour lui demander qu’on applique ce que prévoyait le missel suite à la réforme liturgique du concile Vatican II, à propos du renouvellement des engagements des prêtres, et plus tard aussi des agents pastoraux laïcs», témoigne l’évêque des jeunes suisses. «Mais d’autre part, ce n’est pas non plus un saut en arrière; car grâce à la technique, demain tous les agents pastoraux connectés pourront répondre chez eux aux questions posées par l’évêque diocésain en live«.
La distance physique imposée par les circonstances sera donc comblée grâce aux progrès numériques. «Ce ne sera pas une participation virtuelle, mais bel et bien réelle, malgré le fait qu’elle ne soit pas possible physiquement, précise Mgr de Raemy. Le fait que la messe est célébrée à ce moment-ci veut justement dire que ce n’est pas virtuel, mais que cela se passe maintenant!»
Mais il tient à ajouter : «Je suis bien conscient que certains n’auront peut-être pas la possibilité de se connecter. Par contre, d’autres, qui sinon n’auraient pas pu faire le déplacement, seront ainsi intégrés. C’est une ouverture forcée, ou plutôt inspirée, à garder pour les prochaines années dans la normalité !»
«Par la force des choses»
Le passage par la technique n’enlève toutefois pas le sentiment de déception de l’évêque auxiliaire romand. «Pour moi, c’est une bonne solution, même si le pape et d’autres diocèses ont décidé de reporter cette célébration. On fait face à la situation avec pragmatisme. Je suis bien sûr déçu de ne pas pouvoir concélébrer avec les prêtres du diocèse. Et la communion sacramentelle manquera à tout le monde, évidemment. Personnellement, il me manquera aussi ce beau moment de partage fraternel qui suit la messe chrismale. C’est le moment d’échange et de partage diocésain le plus large de l’année», confirme Mgr de Raemy.
En ajoutant: «Nous pourrions d’ailleurs célébrer une messe diocésaine d’action de grâce mais aussi d’intercession pour les victimes directes ou collatérales, une fois la pandémie passée… »
Cette année, la messe chrismale sera célébrée en août, lors du lancement de la nouvelle année pastorale.
Pierre-Yves Maillard, vicaire général du diocèse de Sion
La messe chrismale de LGF ainsi que le moment de partage diocésain prévus cette année à Wünnewil (FR) seront reportés à l’année prochaine.
«Ces derniers jours, j’ai entendu cette phrase: ›Dans les églises il n’y a personne, mais l’Eglise est dans les personnes.’ Je crois qu’en vivant cette crise, on devient d’autant plus conscient que la communion existe, même à distance. On a pas besoin d’être concrètement l’un à côté de l’autre. Car quelque chose de plus grand nous relie: l’Eglise est d’abord un mystère de foi, ne l’oublions pas, que l’on peut découvrir davantage et vivre tout particulièrement maintenant!, souhaite pour tout le monde Mgr Alain de Remy, à l’heure de commencer une Semaine sainte en confinement. Car, précise-t-il, «l’Eglise n’est jamais composée des seules personnes réunies physiquement. Et sa majorité est au Ciel !»
«Étant donnée cette possibilité, nous avons décidé de repousser la messe chrismale au 14 août 2020. Cette année, elle sera donc célébrée lors du lancement de la nouvelle année pastorale». C’est ainsi que Pierre-Yves Maillard, vicaire général du diocèse de Sion explique le choix du diocèse bilingue.
«Comme d’autres diocèses, on a dû annuler les confirmations, les sessions pastorales et beaucoup d’autres événements. Pour la messe chrismale, on a donc choisi une période plus favorable. Car on n’est pas du tout sûrs que nous puissions reprendre les activités pastorales d’ici l’été, s’inquiète le vicaire épiscopale. Nous avons pris cette option, dans l’espoir que d’ici-là les choses soient normalisées».
La nouvelle date a été retenue pour des raisons pastorale et ecclésiale. »On a voulu choisir une date à laquelle nous pouvions inviter les agents pastoraux avec leurs familles», précise le prêtre valaisan. En même temps, on souhaitait se retrouver pour lancer la nouvelle année pastorale 2020-2021. Le 14 août, c’est le week-end de l’Assomption et le vendredi avant la rentrée scolaire. De plus, c’est tout près de la fête de saint Théodule, le patron de notre diocèse, le 16 août. Cette date nous a donc paru idéale. D’autant plus que déjà l’année passée, on a commencé l’année pastorale avec une célébration commune à la mi-août. Et les gens ont apprécié», explique le chanoine Maillard.
Le report de la messe chrismale ne causera pas d’inconvenants d’ordre pratique. Le diocèse dispose encore d’assez d’huiles saintes. Ceci d’autant plus qu’elles sont utilisées beaucoup moins, étant donné que les ordinations et les confirmations sont suspendues pour l’instant. (cath.ch/dp)
Dans le reste de la Suisse
Les autres diocèses suisses ne se distancient pas de la pratique disparate de la Suisse romande.
À Saint-Gall, la messe chrismale sera célébrée le mardi 7 avril 2020, avec diffusion en direct sur les canaux diocésains.
Dans le diocèse de Coire, la messe chrismale sera célébrée le jeudi 9 avril 2020, sans retransmission sur le site du diocèse. Elle sera présidé par Mgr Bücher, administrateur apostolique, avec la participation des membres du conseil épiscopal diocésain.
En revanche, Mgr Valerio Lazzeri, évêque de Lugano, a communiqué le 26 mars dernier que «la messe chrismale sera reportée à une date à définir, conformément aux dispositions de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements».
Davide Pesenti
Portail catholique suisse
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