Propos recueillis par Arthur Herlin
Selon David Vig, directeur d’Amnesty International Hongrie, ce projet de loi va créer «un état d’urgence permanent et incontrôlé» donnant à Viktor Orban et à son gouvernement «carte blanche pour restreindre les droits humains». Au pouvoir, Viktor Orban «a orchestré un recul massif des droits humains en Hongrie, alimentant l’hostilité envers les groupes marginalisés et tentant de museler les voix critiques», selon Amnesty International.
Cette loi permet au gouvernement de légiférer sur tous les sujets par décret, de suspendre les élections et de déroger à n’importe quelle loi pour une période indéfinie. Cette mesure est inquiétante pour l’opposition politique comme pour de nombreux observateurs qui y voient une atteinte à la démocratie.
Interrogé par I.MEDIA, Eduard Habsburg, ambassadeur de Hongrie près le Saint-Siège, assure que le Parlement hongrois – largement dominé par le parti national conservateur Fidesz-Union civique hongroise, le parti d’Orban – demeure le garant de la démocratie dans le pays, notamment en se réservant le pouvoir de révoquer les décisions du gouvernement à tout moment.
AH: Le coronavirus a poussé de nombreux pays européens à appliquer des mesures spéciales, que ce soit de confinement ou de fermeture des frontières, quelle est la situation en Hongrie et quels moyens l’Etat compte-t-il engager pour endiguer la pandémie?
EH: La Hongrie a pris des mesures d’urgence qui ne sont pas différentes de celles prises dans d’autres pays touchés par la pandémie: suspension d’événements, fermeture des écoles et autres mesures dites de distanciation sociale, y compris l’interdiction de quitter son domicile sauf pour de bonnes raisons.
Le gouvernement a cependant voulu respecter expressément la liberté et l’autonomie des Eglises et des confessions religieuses, il n’a donc rien prescrit contre ces dernières. Au contraire, parmi les raisons valables pour sortir de chez soi, figurent aussi clairement le motif «activité de culte» qui permet de se rendre à l’église pour une prière individuelle (les messes avec les fidèles ont quant à elle été suspendues par la Conférence épiscopale hongroise).
La fermeture des frontières nationales fait par ailleurs partie des mesures préventives, mais le gouvernement a ouvert plusieurs «couloirs humanitaires» pour faciliter le retour dans leur pays d’un grand nombre de citoyens résidant dans les pays voisins. En outre, des facilités ont été introduites pour les travailleurs transfrontaliers. La Hongrie tient donc à maintenir la coopération avec ses voisins même en période d’épidémie, précisément parce que c’est une condition nécessaire pour surmonter cette crise.
AH: On compte – officiellement – 16 décès et 492 cas de Covid-19 dans le pays. Ces chiffres continuent d’augmenter et le gouvernement hongrois s’attend à ce que l’épidémie devienne massive dans le pays. La situation exige-t-elle de prendre une décision aussi importante que celle du Parlement de conférer tous les pouvoirs au Premier ministre ?
EH: On est conscient que la pandémie n’épargnera pas non plus la Hongrie, aussi tente-t-on de s’inspirer de l’expérience d’autres pays et de prévenir, dans la mesure du possible, la propagation massive du coronavirus, même en adoptant des mesures de précaution strictes. Les différents décrets et la nouvelle loi sur l’isolement du coronavirus visent précisément à assurer une prévention et un confinement efficaces.
Cela se produit également dans d’autres pays, mais en Hongrie, tout est réglementé au niveau de la Loi fondamentale (la constitution hongroise, ndlr) qui prévoit ce que l’on appelle «l’état d’urgence» comme période de réglementation spéciale décrétée pour les cas de catastrophe naturelle ou industrielle. Cet «état d’urgence» a été décrété en Hongrie le 11 mars dernier, précisément selon les dispositions constitutionnelles.
AH: L’opposition politique évoque un début de «dictature» en Hongrie et l’Union européenne a déjà confié son inquiétude concernant ce nouveau décret. Comment la démocratie peut-elle être désormais assurée dans le pays?
EH: La nouvelle loi n° XII de 2020 a été adoptée par l’Assemblée nationale hongroise avec les deux tiers requis pour une telle décision, afin de donner au gouvernement des pouvoirs spéciaux, sous réserve toutefois de la réalisation des objectifs qui y sont spécifiés, confirmant le contrôle parlementaire et constitutionnel, mais facilitant les procédures d’adoption des mesures nécessaires.
La grande nouveauté concerne un point: au lieu de confirmer les décrets du gouvernement tous les 15 jours, avec une procédure nécessairement plus longue, l’Assemblée nationale a désormais autorisé le gouvernement à adopter les décrets pour toute la durée de l'»état d’urgence», se réservant le pouvoir de les révoquer à tout moment, même avant la fin de l’état d’urgence.
L’Assemblée nationale continue donc à contrôler les activités de l’exécutif, qui est à son tour tenu de faire régulièrement un rapport au Parlement. En outre, la législation prévoit de solides garanties, car le gouvernement ne peut exercer ses pouvoirs que pour protéger la vie, la santé, la propriété et les droits des citoyens, ainsi que la stabilité de l’économie nationale, en lien avec l’urgence sanitaire en cours, et ne peut le faire que d’une manière proportionnée à la réalisation de ces objectifs. Par conséquent, ni le travail du Parlement, ni celui de la Cour constitutionnelle ou des tribunaux ne sont suspendus. Seules les élections locales et les éventuels référendums ont été reportés, car la participation des électeurs ne contribuerait probablement pas à prévenir l’épidémie.
AH: Il était par ailleurs question d’une participation du pape François au Congrès eucharistique mondial à Budapest en septembre prochain. L’événement va-t-il être maintenu?
EH: Le président hongrois Janos Ader a invité le pape François à l’occasion d’une audience privée le 14 février 2020 au Vatican et le cardinal Péter Erdö a fait de même de la part de l’Eglise hongroise. Nous espérons tous que le Congrès eucharistique international pourra avoir lieu en septembre prochain et que le pape François pourra y participer. En effet, comme l’a dit le cardinal Erdö, la présence du Saint-Père «contribuerait non seulement à la réconciliation des peuples d’Europe centrale, mais les aiderait aussi à collaborer sur la base de valeurs communes». (cath.ch/imedia/ah/be)
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