Dans une interview accordée le 18 mars 2020 au quotidien russe «Rossiïskaïa gazeta», le «numéro deux» du Patriarcat de Moscou a affirmé que «durant le Grand Carême et à Pâques, il y aura des offices réels, avec des paroissiens réels».
Mais, affirme le métropolite Hilarion de Volokolamsk, «cela ne veut pas dire que l’Eglise sous-estime la menace. Si le virus se répand et que le nombre de malades augmente, si les autorités publient de nouvelles directives pour lutter contre le coronavirus, l’Eglise y répondra».
Le 18 mars 2020, les autorités russes signalaient 33 nouveaux cas de coronavirus, ce qui portait alors le total à 147 contre 114 la veille et marquait une augmentation de 29 %. Mais des médecins comme Anastasia Vasilieva, présidente de l’Alliance des médecins de Russie, citée par Radio Canada, est convaincue que des milliers de personnes infectées circulent librement en Russie et croit que la situation va se détériorer rapidement.
De son côté, le Saint-Synode de l’Eglise orthodoxe russe a approuvé les directives concernant la menace de propagation du coronavirus émises par le patriarche Cyrille à l’intention du clergé de la ville et de la région de Moscou. Il suspend jusqu’à nouvel ordre les activités des écoles du dimanche, des groupes et des cercles paroissiaux.
Le Saint-Synode écrit avoir émis ses directives «par sollicitude pour les fidèles, et en réponse à la demande des autorités sanitaires, tout en conservant une foi ferme en l’action de la Providence divine et de la Toute-puissance de Dieu». Mais il précise que «le Sacrifice non-sanglant ne peut en aucun cas être annulé, car là où il n’y a pas d’Eucharistie, il n’y a pas de vie en Eglise!»
Le document recommande des «mesures sans précédent dans l’histoire de l’Eglise après la Révolution de 1917». En particulier, tant que la menace du coronavirus reste en place, la cuillère après chaque prise de communion sera essuyée avec une solution d’alcool. Le Saint Synode recommande également que le baiser de la croix et des mains du prêtre soit temporairement arrêté.
Ces directives ont été approuvées le 17 mars 2020 par le Saint-Synode, qui s’est réuni par liaison vidéo, et doivent s’appliquer dans tous les diocèses qui ont enregistré des cas de coronavirus et qui sont confrontés au risque de sa propagation.
Pour sa part, le métropolite Hilarion, commentant le fait qu’en Italie, conformément aux directives du gouvernement, on a cessé de célébrer dans les églises orthodoxes, précise que si le métropolite Antoine, exarque patriarcal en Europe occidentale, a suspendu les offices dans les paroisses de l’Eglise russe en Italie, «ce n’est pas sa décision, c’est celle des autorités italiennes». Et le chef du Département des relations ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou de relever qu’en Italie, les organisations religieuses ont reçu des directives des autorités.
Dans ce pays, relève-t-il, les rues sont vides, tout le monde reste chez soi et ne va nulle part, «pas même dans les églises, qui restent ouvertes, d’ailleurs». On ne sait pas combien de temps ce régime va durer, mais «dès que le gouvernement donnera l’autorisation, les offices reprendront». Il y a quelques jours, le métropolite Hilarion a enregistré une vidéo dans laquelle il donne aux paroissiens dix conseils pour se prémunir contre le coronavirus, dont certaines recommandations concernant la participation aux services religieux et au sacrement de communion. Il en a aussi parlé dans une homélie.
Conformément aux directives reçues du patriarche Cyrille, les prêtres doivent prendre d’autres mesures sanitaires, notamment la désinfection des cuillères de communion, l’utilisation de gants hygiéniques jetables. «On demande aussi de s’abstenir de baiser la croix et le calice; les clercs et les employés paroissiaux devront prendre leur température avant chaque office».
«Le virus ne peut pas être transmis par la communion, car Dieu Lui-même est présent dans les Saints Dons»
Pour l’instant, la question de l’utilisation de cuillères jetables pour la communion ne s’est pas posée, mais on ne peut pas l’exclure totalement à l’avenir, notamment dans certaines régions, estime Hilarion. La boisson consommée après la communion (»zapivka») sera servie à chaque communiant individuellement, dans de la vaisselle à usage unique.
«D’un côté, nous croyons que le virus ne peut pas être transmis par la communion, car Dieu Lui-même est présent dans les Saints Dons. D’un autre côté, les objets matériels, comme le calice et la cuillère de communion, ne peuvent être protégés à 100% des infections à leur surface. Il existe des petites cuillères en bois qui pourraient être utilisées, puis brûlées. Cependant, ces mesures ne peuvent être prises qu’avec la bénédiction de l’évêque diocésain».
A l’heure actuelle, il a été décidé d’utiliser la cuillère de communion habituelle, mais de l’essuyer après chaque communiant avec un linge spécial, imbibé d’alcool. «La cuillère sera ensuite rincée dans de l’eau, et les lèvres du communiant seront essuyées avec une serviette en papier, au lieu du linge ordinaire», précise le «numéro deux» du Patriarcat de Moscou. Il rappelle aussi que les cuillères jetables existent aujourd’hui.
«Bien plus, elles sont déjà utilisées, par exemple, lorsque les prêtres communient des malades à l’immunité affaiblie par une opération, et installés dans des locaux spéciaux». Il souligne que «l’Eglise, au cours de l’histoire, a déjà été confrontée à des situations semblables» et que la panique n’a jamais aidé personne. «Le chrétien doit surtout croire que sa vie est entre les mains de Dieu!»
Par ailleurs, l’Eglise russe retransmet dès à présent les offices divins en direct sur youtube et sur le site des paroisses, pour que les paroissiens puissent y participer, même s’ils ne peuvent venir à l’église. «C’est important, notamment pour ceux qui sont enrhumés, parce que nous leur demandons de ne pas venir à l’office avant d’être complètement guéris», explique le métropolite Hilarion.
Ce dernier a signé une directive pour le Département des relations ecclésiastiques extérieures, qui prévoit différentes mesures, à commencer par la suspension temporaire de tous les déplacements à l’étranger de ses collaborateurs. Il ordonne la stricte observation d’une quarantaine de quinze jours pour ceux qui reviennent d’Europe, sans parler de la désinfection des bureaux et de la distribution de lingettes désinfectantes aux employés.
A l’Institut des Hautes Etudes du Patriarcat de Moscou, conformément aux ordres du ministre russe de l’Instruction et des Sciences, les étudiants poursuivent leurs cours à distance, les collaborateurs travaillent aussi à distance. Par contre, les offices liturgiques se poursuivent, suivant l’horaire établi, dans les églises du métochion [territoire dépendant d’un monastère orthodoxe, ndlr] du Tchernigov, qui abrite l’Institut des Hautes Etudes du Patriarcat de Moscou. (cath.ch/mospat/interfax/be)
Jacques Berset
Portail catholique suisse
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