Après les interventions des procureurs de l’Etat de Victoria et des avocats, les juges ont réservé leur décision, alors que le cardinal reste incarcéré. On ignore à l’heure actuelle le délai nécessaire pour prononcer la sentence, mais quatre options s’offrent à la Cour, rapporte le site Catholic News Agency (CNA): l’annulation de sa condamnation, le renvoi de l’affaire devant la Cour d’appel, la reprise du procès à zéro, ou encore le rejet par la Haute Cour de l’appel du cardinal.
La première option consiste à admettre l’appel du cardinal et à se prononcer en sa faveur, en annulant sa condamnation et en le libérant immédiatement. C’est ce que demande Brett Walker, l’avocat principal de Pell, qui a décrit le dossier du procureur comme «une construction improvisée et bancale» sur un «noyau fallacieux».
D’après les observateurs, les procureurs de l’Etat de Victoria, qui ont mis Pell derrière les barreaux il y a plus d’un an, ont éprouvé des difficultés à défendre leur cause devant la Haute Cour. Kerri Judd, le procureur général de l’Etat, a répondu à une série de questions des juges, d’abord avec insistance, puis avec impatience lorsque les juges l’ont interrogé sur la capacité du jury à déclarer Pell coupable «au-delà de tout doute raisonnable».
La clé du procès en appel est de déterminer si le témoignage de son seul accusateur est suffisant pour réfuter tous les éléments contradictoires. En effet, bien que Pell ait été reconnu coupable d’avoir abusé sexuellement de deux choristes en 1996, seul l’un d’entre eux a comparu devant le tribunal. La deuxième victime présumée est morte en 2014, après avoir dit à sa mère qu’il n’avait pas été victime d’abus sexuels.
La chronologie des événements présentée par l’accusation a été difficile à établir et à préciser pour des faits remontant à près de 25 ans. L’accusateur de Pell a varié de chronologie entre ses premières déclarations à la police et son témoignage au tribunal. Des différences de dates, de mois et même d’années ont dû être corrigées jusqu’au calendrier final de l’accusation pour les abus présumés de Pell.
Ces éléments expliquent notamment que les juges se sont également penchés sur le témoignage de l’ancien assistant de Pell, Mgr Charles Portelli. Ce dernier avait déclaré au procès initial que le cardinal était sur les marches de la cathédrale de Melbourne au moment de l’infraction présumée, et que la sacristie de la cathédrale – où Pell est censé avoir abusé de deux adolescents – était pleine de monde à ce moment-là.
Au début de la séance du 12 mars le juge Bell a relevé qu’il peut y avoir des occasions où la preuve du témoin comporte de telles incohérences ou improbabilités, que sa nature et sa qualité sont incapables de soutenir une conclusion de culpabilité au regard de la norme pénale. Selon l’avocat Brett Walker, les procureurs n’ont pas réussi à dissiper le doute raisonnable global que le jury, agissant de façon rationnelle, a dû ressentir. A la fin de sa plaidoirie, l’avocat a ainsi demandé l’annulation de la condamnation de George Pell.
Cette première hypothèse ne semble cependant pas la plus probable. La deuxième possibilité, celle d’un renvoi de l’affaire devant la Cour d’appel de Victoria apparaît comme vraisemblable. Cette cour composée de trois juges avait décidé, en août 2019, par deux voix contre une, de confirmer la condamnation de Pell en première instance. Le juge mis en minorité avait fait connaître publiquement sa désapprobation.
Les juges de la Haute Cour ont notamment mis en cause la décision de la cour de Victoria de visionner les vidéos du témoignage de la victime au lieu de se fier aux transcriptions du tribunal. Ce choix a pu l’amener à privilégier l’apparence de crédibilité sur le fond de ses propos. Il aurait été préférable, a fait remarquer le juge Nettle, de prendre une décision sur l’examen des preuves, et non à partir du visionnage des vidéos dont le seul point de vue est d’évaluer le comportement du témoin, ce qui est la fonction du jury.
Si l’affaire était renvoyée dans le Victoria, il n’est pas certain que l’affaire serait entendue à nouveau par les trois mêmes juges.
La troisième issue possible pour George Pell est la reprise du procès au départ. La Haute Cour pourrait considérer que le jury de première instance et la Cour d’appel ont pris des décisions «déraisonnables» à l’encontre de Pell. Elle ordonnerait alors un nouveau procès complet.
Un tel résultat permettrait probablement de libérer le cardinal Pell dans l’attente de son nouveau procès. Mais à 78 ans, il serait confronté à la possibilité réelle de passer le reste de sa vie devant les tribunaux. Il faut se souvenir cependant que sa condamnation à fin 2018 est survenue à l’issue d’un procès mené dans le cadre d’un black-out des médias imposé par le tribunal. Au cours des deux phases de l’appel, les avocats des deux parties ont pu faire allusion à des preuves qui n’étaient pas accessibles au grand public.
Un nouveau procès, mené en audience publique, pourrait avoir l’avantage de mettre en évidence ces preuves non vérifiées, en l’axant sur les faits réels. Et en écartant en partie du débat public les partisans et les détracteurs personnels de Pell.
Bien entendu, la quatrième et dernière issue possible est que la Haute Cour rejette l’appel du cardinal. Ce qui consoliderait définitivement sa condamnation et mettrait fin à tout recours.
Dans la mesure où trois des quatre options sont favorables au cardinal Pell, ses avocats et ses partisans attendent avec un optimisme prudent le prononcé de la décision de la Haute Cour. (cath.ch/cna/mp)
Maurice Page
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