Sylvia Stam, kath.ch / traduction adaptation Maurice Page
Lucette Stalder a le regard pétillant lorsqu’elle parle de son «panneau brodé», la fresque accrochée dans la collégiale. Inspirée par les bannières brodées pour les anniversaires des villes françaises de Baume ou de Cluny, cette habitante de la ville, a eu l’idée de faire quelque chose de similaire pour le 1400e anniversaire de sa cité . «Pour l’image principale, nous avons choisi une vue du paysage forestier telle qu’Ursicinus a dû la voir lorsqu’il est arrivé ici par le col des Rangiers», explique l’archéologue retraitée de 67 ans.
Cinq motifs individuels du patrimoine culturel de St-Ursanne se détachent de ce paysage en diverses nuances de vert. Ils montrent les statues de la Vierge à l’enfant ainsi que celle d’Ursicinus du portail sud de la collégiale, la grotte avec une statue du saint couché, son sarcophage dans la crypte et au milieu le buste-reliquaire en argent du trésor de la collégiale. Ce panneau de 2,6 m. de largeur sur 1,5 m de hauteur a été entièrement brodé au point de croix. Au total, il compte pas moins de 1,5 million de points.
Comment un tel projet a-t-il pu aboutir? En s’approchant de la tapisserie, on constate qu’elle est constituée de nombreux petits rectangles, 156 au total, qui ont été cousus ensemble. Chacun mesure environ 10 cm de haut sur 25 cm de large.
Après la naissance de l’idée et des sujets, la Française Hélène Martial les a ‘traduit’ en broderie à l’aide de logiciels appropriés. «Elle a investi au moins 650 heures pour cela», précise Lucette, les yeux brillants. En mars 2019, la Française Marie-Jeanne Lambert, qui tient un blog de broderie, a lancé un appel à la participation sur le site internet et la page Facebook de l’association de broderie «Les petits points de Marijou».
«Chaque brodeuse a reçu un morceau de tissu et le modèle imprimé avec les instructions, dans l’ordre de leur enregistrement. En retour, ces petites mains ont investi leur temps et le coût du fil de broderie». Les couleurs avaient a été déterminées par les créatrices de sorte que les 164 brodeuses et 1 brodeur, dont 42 en Suisse, les autres en France, ont pu commander les nuances de couleurs appropriées.
Les inscriptions sont arrivées rapidement. Deux mois après l’appel, les tâches individuelles ont été distribuées. Les brodeuses avaient jusqu’à la mi-octobre pour terminer leur rectangle. Les instructions indiquaient que la broderie devait être faite de gauche à droite.
Tout le monde n’a pas suivi exactement les instructions, explique Lucette Stalder. En y regardant de plus près, on peut voir en effet une teinte différente dans les rectangles individuels, où les points de broderie ont été faits de bas en haut. Mais finalement «cela donne aux tons verts de la forêt leur propre nuance, dit en riant l’initiatrice du projet, donc cela ne me dérange pas vraiment».
Peu à peu, les rectangles brodés terminés ont été renvoyés à Saint-Ursanne. «C’était une surprise à chaque fois qu’un colis arrivait.» Beaucoup étaient accompagnés d’une carte ou d’un petit mot. Certains d’entre eux témoignent que le travail n’a pas été qu’une partie de plaisir: «Nous avons banni la couleur verte dans nos prochains projets», dit par exemple une carte. «Terminé enfin, 32 ans après mon mariage», dit une autre personne Dans l’ensemble, la joie du projet commun a été le point central. C’était la principale motivation de la plupart des femmes plutôt âgées, commente Lucette.
«Pour les cinq motifs principaux, nous avons demandé à certaines brodeuses qui avaient déjà fait leurs preuves dans des projets antérieurs de plus grande envergure. Lucette mentionne en particulier Michèle Garnier, qui a brodé le motif central du buste reliquaire. «C’était un plaisir de pouvoir broder mon Saint Ursicinus. Je crois que c’est le chef-d’œuvre de ma carrière», relève la brodeuse d’Albi en France.
En septembre, les couturières ont commencé à coudre ensemble les rectangles. Au total, 23 femmes de Suisse et de France ont participé à cette deuxième phase du projet. «La couture a également été faite à la main», déclare fièrement Lucette. «Il nous a fallu environ une heure pour faire une rangée horizontale.»
Après quatre réunions, les rangées ont été assemblées à la fin du mois de novembre. L’ensemble a été renforcé au dos avec de la viseline et recouvert d’un autre tissu. Au total trois couches se superposent. Enfin, le 17 décembre, le travail commun était achevé. La plupart des 192 personnes impliquées sont venues à Sainte-Ursanne pour la bénédiction et l’inauguration des travaux le 25 janvier, se félicite Lucette Stalder.
«Au début, nous n’étions que deux. Nous nous sommes posé mille questions, et bien sûr, il y a eu des moments de doute», se souvient la retraitée. «Au fil du temps, la confiance s’est accrue parce que cela fonctionnait». Interrogée sur sa propre motivation, elle réfléchit un instant. «C’est pour Saint-Ursanne», dit-elle finalement. Qu’elle parle de la ville ou du saint. (cath.ch/kath.ch/sys/mp)
1400 ans de Sainte-Ursanne
2020 marque le 1400ème anniversaire de la mort de Saint Ursicinus. Selon des sources crédibles, le disciple de Columban s’est installé dans une grotte sur le Doubs pour vivre en ermite. La légende veut qu’un ours (ursus en latin) lui ait servi d’assistant, d’où le nom d’Ursicinus.
L’anniversaire est célébré pendant une année entière: Les concerts, les expositions, les conférences, les pèlerinages, les contes et les pièces de théâtre sont destinés à attirer un public aussi large que possible. Divers points forts seront ouverts au public à partir du 4 avril, notamment une exposition d’objets du trésor de la Collégiale, notamment un buste-reliquaire en argent, un manuscrit liturgique du XVIIe siècle et une croix d’autel.
Un parcours de sculptures présentera dix panneaux en bois illustrant des légendes bien connues de la vie d’Ursicinus. Une «visite secrète» conduira aux gares de la ville. SYS
Rédaction
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