S’il est trop tôt pour se prononcer avec certitude sur les dossiers polémiques de ce pontificat, notamment celui concernant le supposé ‘silence’ du pape pendant la Seconde Guerre mondiale, certains, avec prudence, éclaircissent déjà quelques points en attendant les travaux des chercheurs.
La tâche s’annonce de longue haleine: ce sont en effet des millions de documents de l’important pontificat de Pie XII (1939-1958) qui sont désormais consultables par les historiens. Disséminés parmi plusieurs fonds correspondant aux différents dicastères du Saint-Siège, l’exercice ne manque pas de complexité.
Pour donner un avant-goût des découvertes mises à la disposition des historiens, Johan Ickx, archiviste du Vatican, affirme dans L’Osservatore Romano du 2 mars 2020 que ce trésor recèle de «preuves» de l’aide apportée par le pape aux juifs pendant la guerre.
Ainsi, 170 dossiers dans sa seule section d’archives concernant les rapports avec les Etats, entreposée dans la Tour Borgia au Vatican, mentionnent ainsi les noms de 4’000 juifs qui ont été aidés par le Vatican.
Si nombre d’entre eux sont des convertis au catholicisme, et que des zones d’ombre demandent encore à être éclaircies, reconnaît l’archiviste, d’autres éléments vont clairement en faveur de l’action du Saint-Siège.
Par exemple, des documents d’accusation produits par le gouvernement fasciste de Mussolini apportent la preuve que Mgr Alfredo Ottaviani, alors assesseur à la Sacrée Congrégation du Saint-Office, avait accordé de faux papiers à des juifs et les avait hospitalisés dans des bâtiments pontificaux extraterritoriaux.
Selon Johan Ickx, de nombreuses questions expliquant le «prudent» silence de Pie XII trouvent ainsi leurs réponses dans les archives dévoilées. Elles permettent de deviner la volonté du pape d’éviter au maximum tout remous et toute provocation susceptibles de pousser les nazis et fascistes à plus d’exactions et de violences envers les communautés catholiques et juives.
En réponse à Johan Ickx, le grand-rabbin de Rome Riccardo Di Segni est apparu irrité par ce qu’il a perçu comme du «sensationnalisme très suspect», a-t-il déclaré dans un entretien accordé à l’ANSA le 3 mars 2020. Le rabbin met en garde contre les «conclusions faciles» accompagnant l’ouverture des archives, et demande de «laisser les historiens faire leur travail». Cependant, le représentant juif semble avoir une idée précise sur la question avant même ce travail: il affirme être assuré de la culpabilité du pape italien dans certains cas.
Selon lui, Pie XII ne serait en effet intervenu pour tenter de sauver les juifs du ghetto de Rome que parce que certains étaient baptisés.
Le représentant des juifs d’Italie, Riccardo Pacifici, a soutenu le 3 mars dans le quotidien La Stampa les prises de positions du rabbin de Rome et déclaré être «certain» de l’inaction du pape Pie XII en faveur des juifs italiens persécutés. Il a affirmé par ailleurs que les relations entre l’Eglise catholique et le monde juif resteraient bonnes, peu importe les révélations.
Entre réhabilitation et critique, l’histoire singulière du pontificat de Pie XII continue donc à diviser. Reste que les travaux seuls des historiens pourront trancher. La date ›fatidique’ du 2 mars désormais dépassée, un long travail de consultation et de confrontation des documents peut être désormais effectué. Quelles que soient les révélations, le pape François l’avait d’ores et déjà déclaré lors de l’annonce de l’ouverture des archives: l’Eglise «n’a pas peur de l’Histoire». (cath.ch/imedia/cd/be)
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