En mars 2019, le tribunal correctionnel avait condamné l’archevêque de Lyon à six mois de prison avec sursis pour ne pas avoir dénoncé à la justice les agressions sexuelles commises par Bernard Preynat sur de jeunes scouts entre 1971 et 1991.
L’ultime étape du procès Barbarin’ s’est déroulée le 30 janvier lors du prononcé du délibéré de la cour d’appel de Lyon. Les victimes demandaient la confirmation de la condamnation prononcée en première instance, alors que le ministère public avait ouvert la voie à la relaxe. «La Cour a jugé selon le droit. Lorsqu’on quitte le droit, tout va de travers», s’est félicité Me André Soulier, un des avocats du cardinal.
C’est un dossier technique et juridique, mais c’est surtout un procès médiatique, qui pointait les lenteurs de l’Eglise face au fléau de la pédophilie. Poursuivi pour non-dénonciation d’agressions sexuelles sur mineurs, le cardinal Barbarin est blanchi de tout délit pénal. La décision était fébrilement attendue par l’Église, car si c’est le citoyen Barbarin qui était jugé, c’est l’un des ecclésiastiques de tout premier plan qui était face au tribunal.
En requérant la relaxe, l’avocat général Joël Sollier suivait la ligne constante du ministère public qui avait classé l’affaire dès l’été 2016. C’est l’action des victimes et de l’association La Parole libérée qui avait relancé les poursuites, par voie de citation directe. S’il reconnaissait la souffrance des victimes, le procureur s’attachait à une lecture juridique du dossier: «la justice ne peut faire du symbolique son principe d’action, son but ultime».
La Cour d’appel a finalement rétabli cette direction. Elle a aussi entendu les arguments de l’avocat de Mgr Barbarin, Me Jean-Félix Luciani: «Accuser un homme, ce n’est pas défendre une cause, c’est accuser un homme. Et cet homme est innocent».
La décision de la Cour d’appel intervient quelques jours après les audiences du procès de Bernard Preynat qui ont permis de révéler les très graves blessures infligées aux victimes mais aussi l’inertie de la hiérarchie ecclésiale qui était au courant des dérives du prêtre très longtemps avant l’arrivée de Mgr Barbarin à la tête du diocèse de Lyon en 2002.
Relaxé, après une procédure harassante, le cardinal n’est plus le même homme. En quatre ans, l’archevêque de Lyon a été fortement ébranlé par ce qui était d’abord «l’affaire Preynat» avant de devenir «l’affaire Barbarin». Sa difficulté à saisir l’importance du drame, sa communication parfois maladroite et l’action incisive de La Parole libérée l’ont poussé dans ses derniers retranchements. Au point de jeter l’éponge le 7 mars, en présentant sa démission, au pape François qui y surseoit en attendant une décision de justice définitive. Après la relaxe prononcée par le tribunal on imagine cependant mal l’archevêque reprendre sa place à la tête du diocèse.
Les parties-civiles ont indiqué au quotidien lyonnais Le Progrès leur volonté de se pourvoir en cassation. Le parcours judiciaire n’est sans doute pas terminé. Mais la décision de la cour d’appel constitue un point d’orgue et un tournant probablement décisif.
François Devaux, président de l’association de victimes La Parole libérée a indiqué être déçu de ce verdict. Mais ne rien regretter: grâce à son action des mesures importantes ont été prises: une mission préventive au Sénat, l’allongement du délai de prescription en 2018, la révision du délit de non-dénonciation, a-t-il rappelé devant les micros de la presse. En outre, la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise (CIASE), sous la présidence de Jean-Marc Sauvé, a commencé son travail et recueilli de milliers de témoignages. La prise de conscience des problématiques d’emprise psychique et spirituelle a progressé. Le discernement qui a fait défaut pendant longtemps commence à émerger.
Plusieurs mesures contre les abus sexuels avaient été prises depuis les années 2000, sans pour autant être à la hauteur du fléau qui s’était développé dans l’Eglise. L’action opiniâtre de La Parole libérée débouchant sur ce procès aura largement contribué à la prise de conscience de l’ampleur du drame. (cath.ch/ag/mp)
La procédure en dates
17 décembre 2015. Création de l’association La Parole libérée par plusieurs victimes de Bernard Preynat.
26 février 2016. Ouverture par le parquet de Lyon d’une enquête préliminaire à l’encontre notamment du cardinal Barbarin, classement sans suite le 1er août.
23 mai 2017. Par voie de la citation directe, les victimes relancent la procédure.
7 mars 2019. Le cardinal Barbarin est condamné à six mois de prison avec sursis.
24 juin 2019. Le diocèse de Lyon est confié à Mgr Michel Dubost, administrateur apostolique.
4 juillet 2019. Bernard Preynat est renvoyé de l’état clérical.
13 au 17 janvier 2020. Bernard Preynat est jugé, une peine de huit ans au moins est requise contre lui.
30 janvier 2020. Décision de la cour d’appel à l’encontre du cardinal Barbarin.
16 mars 2020. Décision du tribunal correctionnel contre Preynat. (cath.ch/cx/mp)
Maurice Page
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