Trente millions de personnes ont été mises en quarantaine, fin janvier 2020, à Wuhan, au centre de la Chine, face à la propagation inquiétante d’un nouveau coronavirus. Au 7 janvier, le microbe particulièrement contagieux a fait 80 morts et infecté 2’744 personnes.
Début janvier 2020, le virus Ebola a également refait son apparition après un mois d’accalmie, dans la région du Nord-Kivu, à l’est de la République démocratique du Congo (RDC). En seize mois, l’épidémie a tué 2’235 personnes et en a contaminé 3’400.
Face aux grandes souffrances qu’elles provoquent, l’Eglise catholique dans le monde suit de près le développement de ces situations. Le pape François a prié pour les victimes des diverses épidémies d’Ebola par le passé. Le 26 janvier, il a salué les efforts de la Chine pour contenir l’épidémie de coronavirus et a déclaré qu’il priait pour les morts, les malades et les familles des victimes.
Aucune marque, dans ces propos, d’une quelconque responsabilité pour ces événements, qu’elle vienne du monde visible ou invisible. L’Eglise admet depuis longtemps son incapacité à déterminer les causes des grands désastres naturels. Il n’en a pas toujours été ainsi. Au cours de l’histoire, l’institution a parfois été prompte à voir dans les épidémies des réactions du Ciel au comportement des hommes.
Un cas notoire fut celui de la peste noire, au XIVe siècle. Ce fléau transmis par les puces de rats a débuté aux abords de la mer Noire vers 1340. Il s’est rapidement propagé en Europe et dans certaines régions d’Asie, faisant plus de 25 millions de morts. La peste noire aurait tué, selon certaines estimations, entre 30% et 50% de la population européenne, de 1347 à 1352.
Un traumatisme impensable pour notre époque. Face aux profondes angoisses et souffrances, la population a alors cherché des réponses dans la religion. L’Eglise organisait ainsi des processions religieuses pour éloigner les démons. Mais aussi des actes de dévotion spectaculaire pour apaiser la colère de Dieu, par exemple la confection de cierges géants, des procession à pieds nus, des messes multiples simultanées ou répétées.
Tout cela alors que l’Eglise a probablement eu sa propre part de responsabilité dans la propagation de la maladie. De nombreux historiens s’accordent à dire que le massacre des chats, au Moyen Age, a joué un rôle important sur l’ampleur de l’épidémie, en facilitant sa propagation. Au XIIIe siècle, le pape Grégoire IX avait en effet proclamé que les chats étaient l’incarnation de Satan.
Lors de la peste noire, l’Eglise combattait pourtant en parallèle, la montée des superstitions, des hérésies et de l’hystérie collective. Cette dernière s’est manifestée notamment par des pogroms contre les juifs, rendus responsables de l’épidémie. Le pape Clément VI rendit publique, en 1348, deux bulles papales prenant la protection des juifs.
L’Eglise s’opposa également aux hérésies diffusées par les «Flagellants». Ces groupes ambulants de fidèles qui se fouettaient en public pour expier leur péchés étaient devenus très puissants et menaçaient l’influence de l’Eglise. Ils étaient également souvent impliqués dans les violences contre les juifs.
Si la peste noire disparut mystérieusement en 1352, elle laissa des traces profondes sur la société et l’Eglise de l’époque. La crédibilité du clergé avait souffert face à son incapacité à protéger la population. De nombreux prêtres avaient également succombé à l’épidémie, ce qui avait affaibli le réseau de l’Eglise dans beaucoup de régions. Des constatations qui amènent certains historiens à penser que l’épidémie a favorisé l’avènement de la Réforme, au XVIe siècle.
Dans les siècles qui suivirent, la polémique entre partisans de la maladie comme «punition divine» a resurgi de façon régulière. Elle impliquait également la relation de l’Eglise à la médecine. Ainsi, le pape Léon XII (1823-1829) s’élevait violemment contre la pratique naissante de la vaccination de la variole, estimant que la maladie était un «châtiment voulu par Dieu» et qu’il ne fallait pas interférer avec Ses desseins.
L’épidémie de sida, qui se répand au début des années 1980 a remis au goût du jour les théories d’une maladie «punitive». Certains membres du clergé y voient le signe de la «colère de Dieu» contre le comportement sexuel de l’homme.
Alors que l’épidémie fait rage, en 1985, le pape Jean Paul II publie Dolentium hominum, Motu proprio par lequel il constitue une Commission pour la pastorale des services de la santé, destinée à coordonner toutes les institutions catholiques engagées dans la pastorale des malades. Son texte vient confirmer l’engagement de l’Eglise dans les soins médicaux et évoque «le mystère de la souffrance». Le signe que l’Eglise est passée au cours des siècles, d’une attitude arrogante d’expiation à une position d’humilité et de compassion, face à la catastrophe et à la maladie?
Quoiqu’il en soit, aujourd’hui, l’Eglise catholique est pleinement en phase avec cette conception de lutte inconditionnelle contre la maladie, puisqu’elle constitue le plus grand fournisseur non gouvernemental de services de soins de santé au monde. Elle compte environ 18’000 cliniques, 16’000 foyers pour personnes âgées et pour personnes ayant des besoins spéciaux, ainsi que 5’500 hôpitaux, dont 65% sont situés dans des pays en développement.
En 2010, le Conseil pontifical pour la pastorale des travailleurs de la santé de la santé a relevé que l’Eglise gérait 26 % des établissements de soins de santé du monde. (cath.ch/arch/rz)
Raphaël Zbinden
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