Dans le numéro du 25 janvier 2020 de Donne Chiesa Mondo, le supplément féminin mensuel du journal du Vatican L’Osservatore Romano, le cardinal brésilien, interviewé par la journaliste Romilda Ferrauto, révèle qu’en plus de cas de prêtres abusant de religieuses, «il commence à apparaître des cas d’abus sexuels entre sœurs», un phénomène longtemps occulté.
Joao Braz de Aviz cite par exemple le cas d’une sœur chargée de la formation abusant des novices. «Dans une congrégation, neuf cas ont été signalés». Ce phénomène qui touche la sphère féminine intime est resté plus longtemps caché que les cas impliquant des prêtres et des religieux, note le préfet de la Congrégation pour les Instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique.
Quant aux religieuses qui sortent de leur communauté, elles sont trop souvent laissées à elles-mêmes, voire complètement abandonnées. «Mais les choses changent», assure-t-il. Le pape François a en effet décidé de créer une maison à Rome pour accueillir des religieuses renvoyées de leur communauté par leurs supérieures, surtout si elles sont étrangères.
«Notre dicastère s’implique pour soutenir cette maison. Le geste du pape François est merveilleux». Le cardinal brésilien est allé rendre visite à ces ex-sœurs et il y a trouvé un monde de blessures, mais aussi d’espoir.
«Il y a des cas très difficiles, dans lesquels les supérieures ont conservé les documents des religieuses qui voulaient quitter le couvent, ou qui ont été renvoyées. Ces personnes sont entrées au couvent en tant que religieuses et se trouvent ensuite dans ces conditions! Il y a également eu quelques cas de prostitution pour subvenir à leurs besoins. Ce sont des ex-sœurs ! Les religieuses scalabriniennes ont pris soin de ce petit groupe. Mais certains cas sont vraiment difficiles, car nous sommes confrontés à des personnes blessées avec lesquelles nous devons rétablir la confiance».
Abordant l’importante crise des vocations féminines, le cardinal Joao Braz de Aviz nuance, car la situation varie d’un continent à l’autre. «L’Europe traverse une période vraiment difficile, beaucoup de maisons religieuses ferment, il y a aussi beaucoup d’abandons. En Asie, par contre, nous avons un nombre impressionnant de vocations religieuses féminines. Par exemple, au Vietnam, pays communiste, les religieuses ont un millier de novices chaque année !»
Un phénomène similaire se retrouve en Afrique alors que l’Amérique latine est dans une période de stagnation, relève le préfet de la Congrégation pour les Instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique.
«En Europe, la vie consacrée a des racines très fortes, mais on n’a pas remarqué que certaines choses devaient être changées, car elles ont vieilli. La formation tout d’abord, puis la question de la fraternité – nous ne pouvons pas être des individualistes qui vivent ensemble – et enfin la relation autorité-obéissance».
Abordant certaines raisons qui poussent des religieuses à quitter leur couvent, le cardinal brésilien pointe le contexte culturel actuel, dans lequel il est difficile d’assumer des responsabilités pour toute sa vie. Cela a certainement une grande influence, «mais les raisons sont diverses: problèmes émotionnels, histoires personnelles pleines de blessures».
Souvent, poursuit-il, la formation initiale est très belle, puis la comparaison avec la vie de la communauté dans laquelle la religieuse se trouve est décevante. Les motivations sont diverses. Mais surtout, il est nécessaire de modifier en profondeur la formation. «Peut-être des sœurs sont aussi déçues parce qu’elles se retrouvent à faire un travail humble, à accomplir des tâches administratives fastidieuses ou qui ne correspondent pas à la formation qu’elles ont reçue. Ici se pose aussi tout le problème de l’abus d’autorité».
Rome veut également revoir la question de l’utilisation des biens des congrégations religieuses. Certains ordres ou congrégations ont beaucoup de biens, beaucoup d’argent. Le pape François, parlant de l’effondrement des vocations dans la vie consacrée, a relevé le risque qu’une congrégation devienne de plus en plus petite et s’attache à l’argent. Parfois, cinq femmes sont à la tête d’un énorme patrimoine.
«C’est un gros problème, affirme le cardinal Joao Braz de Aviz, car les biens ne sont pas ceux de la congrégation ou de ces cinq personnes. Les biens appartiennent à l’Eglise. Nous avons organisé deux symposiums importants sur ce sujet. Le pape François recommande deux choses: le professionnalisme d’abord, c’est-à-dire qu’il faut être compétents, l’économie est une science, l’administration est une science; en outre, il faut revenir aux valeurs de l’Evangile!»
A la Congrégation pour les instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique, le cardinal Joao Braz de Aviz est fier de montrer qu’il s’efforce de parvenir à l’égalité entre les sexes. Dans la vie consacrée, la partie féminine est plus nombreuse que la partie masculine, mais cette dernière domine encore. A Rome, encouragée par le pape François, les choses commencent à changer: aujourd’hui, dans son dicastère, on compte quinze femmes sur trente-huit responsables. Sur les cinq bureaux de la Congrégation, deux sont dirigés par des femmes. (cath.ch/be)
Jacques Berset
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