Georges Scherrer, kath.ch, adaptation Bernard Litzler, cath.ch
Vous vous êtes rendu en Terre Sainte avec une délégation internationale d’évêques. Quel était le but essentiel de ce voyage ?
Erwin Tanner: Dans le cadre de la Coordination dite de Terre Sainte, nous avons séjourné en Israël et en Palestine, notamment à Jérusalem-Est, en Cisjordanie et à Gaza. Cette rencontre annuelle en Terre Sainte d’évêques de différents continents se tient depuis une vingtaine d’années. Elle a pour objectifs de prier, de faire un pèlerinage, de faire pression et de montrer notre présence.
Cette année, l’accent avait pour thème «Visions pour l’avenir. Perspectives d’égalité, de justice et de paix pour la Terre Sainte», concrètement à Ramallah, Béthanie, Gaza et Jérusalem.
Qu’est-ce qui préoccupe actuellement les gens sur place ?
Les discussions sur le terrain ont montré que l’islamisme croissant, l’occupation israélienne et le niveau élevé de chômage pèsent lourdement – de plus en plus lourdement – sur les gens et déclenchent des craintes existentielles profondes, voire insupportables.
«L’islamisme croissant, l’occupation israélienne et le chômage élevé pèsent de plus en plus lourdement sur les gens»
Etre proche de ces personnes par la prière, l’écoute et le dialogue, et les soutenir dans leurs efforts par des rencontres avec la société civile et les responsables gouvernementaux était un objectif concret de ce voyage.
Les évêques catholiques peuvent-ils exercer une influence sur les événements en Israël et dans les Territoires occupés ?
Lorsque des évêques de différents pays s’intéressent à la situation en Terre Sainte – Israël et Palestine -, font une inspection sur place et s’expriment de manière critique sur les développements sociaux et politiques qui s’y déroulent, cela ne passe pas inaperçu, du côté israélien, et est suivi avec attention.
Cela conduit à des discussions entre les évêques et les organismes officiels directement sur place ou alors à domicile avec leurs propres autorités ou les les représentations israéliennes. Cela montre que les observations de la Coordination de Terre Sainte sont politiquement précieuses en termes d’information et de sensibilisation.
Quels sont les succès concrets ?
La situation en Terre Sainte dégénère de plus en plus en un simple jeu de pouvoir local, cogéré depuis l’étranger. Pour l’Eglise, il reste, ici et là, le rappel inébranlable du respect du droit international, en particulier les normes en matière de droits de l’homme, pour créer les conditions d’une coexistence pacifique et sûre de tous les peuples, en dépit de la construction de murs et de colonies contraires au droit international, et de demander la poursuite des travaux pour une solution à deux Etats.
Quelle impression avez-vous en voyant le monastère des Sœurs comboniennes, entouré de trois côtés par le mur de séparation israélien ?
Je me tenais là, sur le terrain de jeu du jardin d’enfants, directement devant ce mur, qui fait environ 10 mètres de haut. Et je me disais: c’est affreux, c’est juste affreux! Le mur divise, écrase et humilie.
«Je me tenais directement devant le mur, qui fait environ 10 mètres de haut. Et je me disais: c’est affreux!»
Comment les enfants qui vont au jardin d’enfants et à l’école ici pourront-ils un jour mener une vie normale ?
Une religieuse m’a dit qu’elle vit de l’autre côté du mur. Avant la construction de ce mur, elle avait quelques minutes pour aller à l’école et au jardin d’enfants. Aujourd’hui, elle doit faire un détour d’environ 18 kilomètres et met environ une heure pour y arriver !
Quelles sont les possibilités dont dispose la Suisse pour contribuer de manière non violente à la résolution de la situation en Terre Sainte? Que peut faire l’Eglise ?
Le principe de la neutralité en politique étrangère donne à la Suisse une base crédible pour jouer un rôle de médiateur entre les parties au conflit. Elle doit offrir ses bons offices chaque fois que cela est possible et, en même temps, rejeter clairement et sans ambiguïté toute forme de violence, d’où qu’elle vienne.
L’Etat ferait bien d’impliquer l’Eglise dans son réseau de relations au Moyen-Orient afin d’exploiter les synergies et de renforcer les mesures. Par la prière, les pèlerinages en Terre Sainte, le soutien financier aux personnes dans le besoin et la promotion du dialogue interreligieux, l’Eglise peut également contribuer à une solution pacifique.
Quelles impulsions emportez-vous avec vous pour le travail des évêques en Suisse ?
La poursuite de l’engagement dans le cadre de la Coordination de Terre Sainte est indispensable pour consolider la solidarité avec les chrétiens de Terre Sainte. Les évêques ne doivent pas cesser de suivre de près les développements au Proche et au Moyen-Orient, en donnant une voix plus forte aux chrétiens qui y vivent encore et en les soutenant dans la mesure de leurs possibilités.
Quelle a été pour vous la rencontre qui vous a le plus marqué ?
Celle avec de jeunes chrétiens de Gaza qui, malgré toutes les circonstances défavorables, veulent y rester et y construire leur avenir. Leur foi et leur volonté m’ont profondément touché. Aidons ces plantes délicates à pouvoir pousser sur place! (cath.ch/gs/bl)
20e voyage de la Coordination de Terre sainte
Du 11 au 16 janvier 2020, une délégation d’une quinzaine d’évêques, dont le Suisse Pierre Bürcher, sous la conduite du président de la Coordination de Terre Sainte Mgr Declan Lang, évêque de Clifton (Angleterre), a rendu une visite de solidarité avec les chrétiens de Palestine et d’Israël.
C’était le 20e voyage la Coordination de Terre sainte, qui, à l’initiative du Saint-Siège, avec le soutien du Conseil des Conférences épiscopales d’Europe (CCEE) et de la Conférence épiscopale d’Angleterre et du Pays de Galles, réunit chaque année un groupe d’évêques d’Europe, d’Amérique du Nord et d’Afrique du Sud, avec pour objectif de connaître de près les réalités sociales, politiques et ecclésiales de la Terre Sainte. JB
Bernard Litzler
Portail catholique suisse
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