L’assassinat le 3 janvier 2020 à Bagdad, sur ordre de Trump, du général iranien Qassem Soleimani et d’Abou Mahdi al-Mohandis, numéro deux du mouvement chiite irakien pro-iranien Hachd al-Chaabi, a encore davantage déstabilisé le pays. Le cardinal Louis Raphaël Sako, chef de l’Eglise chaldéenne, a rappelé que la sagesse était nécessaire pour éviter une «éruption volcanique» à laquelle la petite minorité chrétienne restée sur place risque de devoir faire face.
Alors que sur la place Tahrir de Bagdad, comme dans plusieurs villes du sud du pays, les manifestants continuent de scander «Non à l’Iran! Non à l’Amérique!», dans le nord du pays, à prédominance sunnite, la prudence est de mise. Contactés le 16 janvier 2020, des responsables d’Eglises – qui veulent garder l’anonymat étant donné la situation «très sensible» – sont plus circonspects.
«La tension entre les factions est ici sous-jacente, et ce calme apparent peut faire peur pour l’avenir… Il ne faut pas oublier que ce sont les miliciens chiites du Hachd al-Chaabi (Unités de mobilisation populaire) qui ont chassé Daech – le prétendu Etat islamique – de la Plaine de Ninive».
S’ils devaient se retirer de la région sur une décision politique, les chrétiens, craignent que les terroristes de Daech ne reviennent, comme c’est le cas dans certaines régions de Syrie depuis l’offensive turque contre les Kurdes. «Ils savent qu’il y a des ‘cellules dormantes’ qui pourraient ressurgir. Ils espèrent que les milices chiites restent dans la région, mais travaillent pour le pays, pas pour une puissance étrangère».
Tout le monde sur place – chrétiens et musulmans – espère que si les ‘Unités de mobilisation populaire’ devaient se retirer, le gouvernement de Bagdad assurerait alors la sécurité de la population, mais c’est loin d’être garanti. Tous espèrent cependant que cette année apportera un «changement radical».
De leur côté, les Eglises poursuivent leurs projets avec le soutien international. Elles réparent notamment des maisons et des lieux de culte pour faciliter le retour des chrétiens dans leurs villages, d’où ils avaient été chassés par Daech à l’été 2014.
«Si le nord de l’Irak connaît un calme relatif, les chrétiens sont dans l’attente, ils ont des craintes pour l’avenir», notent nos interlocuteurs. Face au mouvement de contestation populaire qui agite les régions chiites, les chrétiens font profil bas et préfèrent vivre dans la discrétion, sans former un groupe à part, par crainte de représailles… ce qui est aussi le cas des yézidis ou des musulmans sunnites, dans un pays à majorité musulmane chiite.
Lors de la messe de l’Epiphanie du 6 janvier 2020 à la cathédrale St-Joseph de Bagdad, le chef de l’Eglise chaldéenne s’était adressé aux «gens sages» du monde entier afin qu’une nouvelle guerre soit évitée, «car les innocents seront le combustible d’un tel ‘feu'». Il avait invité chrétiens et musulmans à prier pour que les décideurs agissent avec sagesse et examinent à fond les conséquences de leurs stratégies. (cath.ch/be)
Jacques Berset
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