Le Sri Lanka était fortement dépendant de l’énergie hydroélectrique jusque dans les années 1970, époque durant laquelle ses dirigeants ont même parlé de fournir l’Inde en électricité. Mais, rapporte avec l’industrialisation et l’ouverture économique amorcées en 1977, le Sri Lanka a réalisé qu’il ne pouvait pas compter sur l’hydroélectricité.
En réponse aux besoins de la population, le gouvernement propose l’introduction de combustibles fossiles et la production d’électricité par le biais du diesel, comme complément. Or cela s’avère coûteux, le prix du carburant ayant augmenté en raison des hausses initiées par les pays de l’OPEP. Dans les années 1990, d’autres alternatives sont évoquées, le charbon étant privilégié car il est moins cher. Le gouvernement élabore le projet d’une centrale électrique au charbon et évoque différents lieux pour l’implanter.
En 2000, lorsqu’il porte son choix sur le site de Norochcholai, une péninsule située à l’ouest de l’île, l’Église catholique du diocèse de Chilaw s’y oppose avec véhémence. Elle argue que cela affecterait le célèbre sanctuaire Sainte-Anne à Talawila, situé à 12 km de là. Un tel projet entraînerait aussi des risques environnementaux pour les agriculteurs et les pêcheurs pauvres de la péninsule de Kalpitiya, dont les moyens de subsistance seraient affectés. En juillet de la même année, face à l’opposition des catholiques, la présidente du Sri Lanka, Chandrika Bandaranaike Kumaratunga, jette l’éponge et abandonne le projet.
Le mérite de la campagne anti-Norochcholai revient à un seul prélat, l’évêque Frank Marcus Fernando, ainsi qu’à son clergé – en particulier le cardinal Malcolm Ranjith – et ses paroissiens. Les autres prélats de la conférence épiscopale ne lui apportent pas leur soutien, prétextant qu’il s’agissait d’un problème local.
Or en 2005, à la faveur d’un changement de gouvernement, le projet Norochcholai est relancé, cette fois avec l’appui des Chinois, qui implantent finalement la centrale à Lakvijaya, à 5 km de l’ancien site de Norochcholai. La construction commence en 2007 et, en septembre 2014, la troisième étape est achevée, produisant 900 Mégawatts.
Entre 2011 et 2019, la centrale connaît plusieurs pannes, imputées à des machines défectueuses, installées en raison de la corruption présumée des dirigeants politiques. En 2016, la Fondation Environnementale EFL (Environment Foundation Limited) intente une action en justice contre la centrale devant la Cour suprême. L’usine est «dangereuse pour la santé humaine et pour l’environnement car elle travaille avec des métaux lourds tels que le mercure et des substances radioactives. Les impacts de la centrale à charbon n’affectent pas seulement ceux qui vivent dans son voisinage immédiat mais constituent également une menace pour les générations futures», affirme-t-elle sur son site Internet. La Cour suprême doit encore se prononcer sur l’affaire.
En 1891, le pape Léon XIII se penche sur les problèmes sociaux de la société. Une tradition d’enseignements sociaux commence avec les encycliques papales. Cette tendance se renforce avec Vatican II et la révolutionnaire «Constitution sur l’Eglise dans le monde moderne», publiée en 1965. Ce document donne aux gens de l’Eglise le feu vert pour s’impliquer dans les questions culturelles, socio-économiques et politiques, afin d’œuvrer pour le bien commun dans leurs sociétés respectives.
Proche de Benoît XVI, le cardinal sri-lankais Malcolm Ranjith est nommé archevêque de Colombo le 16 juin 2009, s’exprime sur plusieurs questions sociales, notamment l’éducation et les minorités religieuses, ayant des droits égaux à ceux de la majorité bouddhiste en vertu de la constitution.
Peu après l’élection présidentielle du 16 novembre dernier, lorsque le nouveau ministre de l’énergie Mahinda Amaraweera lui rend visite, le cardinal critique les dégâts causés par la centrale électrique de Norochcholai, affirmant que cette installation crée une pollution inutile et des problèmes de santé pour les habitants de la péninsule de Kalpitiya. L’environnement naturel est gravement affecté par la poussière qui provient de la centrale électrique au charbon au détriment des légumes des agriculteurs.
Mais début janvier, lors d’une réunion du Cabinet, le ministre de l’énergie ignore l’appel du cardinal à cesser d’utiliser le charbon, alors qu’une grande partie du monde cherche à mettre fin à son utilisation et à rechercher des solutions écologiques et bon marché comme l’énergie éolienne et solaire.
Ce que le cardinal Ranjith promeut, ce sont les principes énoncés en 2014 par le pape François dans l’encyclique «Laudato Si». Il devrait continuer à faire campagne, dans la même veine, contre le charbon et les nombreux autres problèmes environnementaux qui touchent les gens, surtout les pauvres. Avec les autres évêques, le clergé, les religieuses et les frères, ainsi que les responsables laïcs, sortir de leur cocon pastoral et travailler à l’amélioration des personnes et de l’environnement. (cath.ch/lacroix/cp)
Carole Pirker
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