Les anathèmes face au dialogue

Vouloir opposer Benoît XVI et le pape François sur la question du célibat des prêtres relève du fantasme de quelques vaticanistes, voire du mensonge et de la manipulation de quelques chroniqueurs et éditeurs parisiens en mal de sensationnalisme. Les plus réactionnaires instrumentalisent sans gêne aucune le pape émérite, les prétendus progressistes veulent faire dire à François ce qu’il n’a jamais dit.

Oser titrer La guerre des papes a commencé relève à tout le moins d’une ignorance crasse. Faire des deux papes des chefs de partis en train de s’écharper, ou de Benoît XVI un traître à son devoir de réserve, c’est appliquer à l’Eglise une grille de lecture médiatique faussée. Il est désolant de voir tant de chroniqueurs plonger sans réflexion dans cette dérive.

«Personnellement, je pense que le célibat est un don pour l’Eglise. Deuxièmement, je ne suis pas d’accord pour permettre le célibat optionnel» déclarait le pape François le 28 janvier 2019. «Je ne le ferai pas, que cela reste clair. Je peux peut-être sembler fermé là-dessus mais je ne me sens pas de paraître devant Dieu avec cette décision.» En bon jésuite, François rappelait aussi que toute règle mérite ses exceptions. C’est exactement ce que le synode pour l’Amazonie, réuni en octobre, a demandé: il s’agirait de permettre à des hommes mariés «idoines et reconnus par la communauté» ayant un «diaconat permanent fécond» d’accéder à l’ordination sacerdotale afin que les fidèles puissent avoir accès régulièrement à l’eucharistie et aux sacrements. En aucun cas, ni nulle part, il n’a été question d’étendre ce régime d’exception à toute l’Eglise latine, en particulier occidentale.

C’est là que le cardinal Sarah, dont les opinions conservatrices sont bien connues depuis longtemps, intervient pour faire dire à Benoît XVI: «L’exception deviendrait un état permanent préjudiciable à la juste compréhension du sacerdoce». Ou encore «L’appel à suivre Jésus n’est pas possible sans ce signe de liberté et de renoncement à tous les compromis. Je crois que le célibat comporte une grande signification en tant qu’abandon d’un possible domaine terrestre et d’un cercle de vie familiale». Reconnaissez que ce propos n’est pas exactement à l’opposé de celui du pape François.

Orchestrer cette prétendue opposition n’est qu’une manœuvre plus ou moins habile des adversaires de François qui s’ingénient à lui mettre les bâtons dans les roues. Que les commentateurs, catholiques ou non, s’enflamment avec un tel élan, heureusement pas tout à fait unanime, me semble hélas révélateur d’une période ou l’on préfère les anathèmes au dialogue.     

Maurice Page

14 janvier 2020

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