Long de 180 pages, cet essai de théologie se divise en deux parties principales rédigées séparément par les deux auteurs. Dans une introduction et une conclusion écrites à quatre mains, ils confient leurs motivations et leur espérance à dépasser la crise actuelle. Témoin de leurs échanges, l’éditeur français Nicolas Diat signe une courte préface esquissant leur état d’esprit au moment de la rédaction de cet ouvrage.
«De quoi avez-vous peur ?»: c’est par cette question que les deux hommes entament leur introduction commune. C’est en effet un «climat de peur et d’ignorance» qui les a poussé à sortir du silence, révélé selon eux par «l’étrange synode médiatique», parallèle à celui sur l’Amazonie qui s’est tenu à Rome du 6 au 27 octobre 2019. Dès les premières pages, ils affirment concevoir leur célibat comme un «martyre», autrement dit, un don total de leur vie.
Pour appuyer son propos, le pape émérite propose une justification théologique du ‘sacerdoce catholique’. Dans un texte relativement court mais d’une grande densité, Josef Ratzinger nous plonge dans la double origine du sacerdoce chrétien: la tradition sacerdotale juive d’une part et la communauté chrétienne tout juste constituée d’autre part.
Dans cette enquête poussée, il démontre la dimension essentielle du célibat dans la construction historique de la fonction du prêtre dans l’Eglise. Alors que le prêtre juif avait un ministère intermittent et pouvait concilier vie maritale et sacerdoce, la célébration quotidienne de l’Eucharistie implique un ministère totalement dédié au Christ et de fait, incompatible avec le mariage.
«Désormais, leur vie entière est en contact avec le mystère divin», écrit le pape émérite, cela exige de leur part l’exclusivité à l’égard de Dieu. Cela exclut par conséquent les autres liens qui, comme le mariage, embrassent toute la vie. De la célébration quotidienne de l’Eucharistie, qui implique un état de service de Dieu permanent, naquit spontanément l’impossibilité d’un lien matrimonial.» L’état conjugal comme le service au Seigneur concerne l’homme «dans sa totalité». C’est pourquoi, pour le pape Benoît XVI, «il ne semble pas possible de réaliser simultanément les deux vocations».
Pour le pape émérite allemand, l’affaiblissement de cette lecture théologique explique le malaise de notre époque. Cette confusion, qu’on retrouve à des degrés divers, lors du concile Vatican II ou du dernier synode, génère «une souffrance» au sein du clergé. Le pape émérite reconnaît lui-même s’être égaré ayant considéré lors d’une conférence peu après le concile que le prêtre était avant tout un ministre de la Parole, alors qu’il est au même titre un «artisan du culte».
Poursuivant la pensée de Benoît XVI et reconnaissant lui aussi que le sacerdoce suppose un «don absolu de soi» à Dieu et à ses frères, le cardinal Sarah estime qu’ordonner prêtre un homme marié reviendrait dès lors «à amoindrir à la fois la dignité du mariage» et le sens du sacerdoce. Il en veut pour preuve les témoignages des Eglises catholiques orientales – où l’ordination d’hommes mariés est autorisée – mettant en lumière une «tension» entre l’état sacerdotal et l’état conjugal.
S’opposant plus directement aux idées progressistes soumises lors du dernier synode sur l’Amazonie, le cardinal guinéen, en «fils de l’Afrique», s’attaque à l’attitude «méprisante» des universitaires occidentaux à l’origine de l’idée «néo-colonisatrice» d’inculturation du célibat. A rebours de cette vision «infantilisante», il affirme avec force que tous les peuples du monde peuvent comprendre le sens profond du célibat sacerdotal.
Condamnant l’idée même d’ordonner les viri probati, ces hommes mariés d’âge mûr, proposée lors du dernier synode, il met en garde contre le risque de faire des prêtres des «peuples en difficulté» des ministres «de deuxième classe». Dans le même esprit, il s’oppose à la proposition d’un diaconat féminin, «fruit d’une mentalité issue d’un faux féminisme». La mise en valeur de la spécificité féminine ne se trouve pas du côté de «ministères féminins», considère-t-il, suggérant plutôt approfondir le charisme féminin, en s’inspirant des siècles anciens où la parole des femmes était plus libre.
Au terme de sa réflexion, le cardinal guinéen «supplie humblement» et sans équivoque le pape François de «protéger» définitivement les fidèles de l’ordination d’hommes mariés, «en mettant son veto à tout affaiblissement de la loi». Dans leur conclusion, les deux auteurs affirment avoir entrepris cette démarche en cherchant «l’unité de l’Eglise». Contre «l’esprit d’indifférence et de relativisme» à la mode, ils espèrent marquer les consciences des prêtres du monde entier à qui ils dédient leur livre, afin que ceux-ci veillent, prient, et tiennent ferme dans la foi. (cath.ch/imedia/cd/cg/ah/gr)
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