«L’Eglise en sortie n’est pas une expression à la mode de mon invention», elle est un «commandement du Christ», déclare le pontife dès les premières pages. Pour celui qui se rêvait missionnaire au Japon, «soit l’Eglise est en sortie, soit elle n’est pas Eglise». Une Eglise qui ne sort pas court le risque de se réduire à une «association spirituelle», rien de moins qu’une «multinationale» destinée à lancer des messages éthiques et religieux, lance-t-il.
Pour autant, annoncer le Christ n’a rien à voir avec un «projet d’entreprise bien rodé» ni un «spectacle organisé» où il s’agit de compter le nombre de personnes y prenant part, fustige le pape. L’Esprit Saint agit «comme il le veut, quand il le veut et où il le veut». Ainsi «la mystérieuse fécondité» de la mission ne dépend pas de nos «intentions», «méthodes» ou «initiatives» mais demeure liée au «vertige que l’on éprouve en présence des paroles de Jésus», souligne le pontife.
En réalité, c’est bien par l’attraction et par le témoignage que l’on devient missionnaire, martèle l’évêque de Rome. Lorsque le Christ «agit directement dans la vie et au cœur des gens», c’est source «d’étonnement» et «d’admiration», explique le pontife romain en citant allégrement sainte Thérèse de Lisieux. Le véritable témoin montre ce que «l’œuvre du Christ (…) a vraiment accompli dans sa vie». Sans étonnement, «le mal» que se donne le missionnaire est vain et se résume à une tentative pour «masquer les peurs».
«Le chrétien court le risque de se transformer en petit imprésario de la vie ecclésiale»
Le véritable protagoniste de la mission, rappelle encore le pontife n’est autre que l’Esprit-Saint. Sans lui, «la mission devient autre chose (…) une conquête religieuse, ou peut-être idéologique». En oubliant sa présence, le chrétien court le risque de se transformer en «petit imprésario de la vie ecclésiale où tout arrive selon un programme établi et où il suffit de suivre les instructions», fustige-t-il.
Le pape ne manque ici pas l’occasion de rappeler aux fidèles les dangers du prosélytisme dont on se rapproche dès lors qu’on veut se passer de «l’attraction du Christ et de l’œuvre de l’Esprit». Loin d’appartenir au passé ou à l’époque du colonialisme, le prosélytisme peut exister «aujourd’hui au sein des paroisses, des communautés, des mouvements ou encore des congrégations religieuses», met-il en garde.
«Annoncer l’Evangile à haute voix ne consiste pas à assiéger les autres à l’aide de discours apologétiques, à hurler rageusement à l’adresse des autres la Vérité de la Révélation», dénonce encore l’évêque de Rome. Lorsqu’on en vient à lancer, telles des pierres, des formules doctrinales, c’est le signe que les paroles chrétiennes «sont passées à travers un alambic et se sont transformées en idéologies».
Selon le pape, la «répétition littérale» de l’annonce de l’Evangile n’a pas «d’efficacité en elle-même» et peut tomber dans le vide si les personnes à qui elle s’adresse n’ont pas l’occasion de goûter à la «tendresse de Dieu». Ce n’est pas en «martelant ce qu’est le christianisme» ou en prêchant sur le bien et le mal que l’on convertit mais bien avec des «gestes et des paroles» révélant le Christ. L’expérience de la conversion est ainsi assimilable à celle d’un enfant observant les gestes d’amour de ses parents : avant de savoir ce qu’est l’amour, il l’observe.
Un autre trait distinctif caractéristique du missionnaire consiste à «faciliter la foi et non à la contrôler», explique le pape. Il s’élève ainsi contre la tentation de vouloir ériger des «douanes pastorales» en se «tenant sur le pas de la porte» pour «contrôler» les «qualités nécessaires». Dans ce passage, le Souverain pontife s’élève contre ceux qui se présentent comme des «éclairés» divisant le monde entre civilisation et barbarie. Ces personnes développent un «mépris» pour les peuples considérés de «second ordre», dénonce-t-il.
«Le baptême suffit pour être missionnaire»
En ce sens, personne n’a de «compétence exclusive» pour la mission, rappelle encore le chef de l’Eglise catholique. «Personne ne peut revendiquer la compétence de maintenir en vie l’esprit missionnaire de l’Eglise». Le baptême suffit pour être missionnaire. A ce titre, la formule ‘laïc engagé’ n’a aucun sens pour le pape car si vous êtes un laïc baptisé, vous êtes dès lors déjà engagé.
Dans la dernière partie de cet ouvrage, François rappelle encore la nécessité de l’inculturation. Il s’agit de «tenir compte des rythmes quotidiens et des événements ordinaires des lieux et des communautés humaines». En effet, «la foi n’est pas une espèce de transplantation de l’organisation d’un pays dans un autre». Le successeur de Pierre s’élève également contre la tentation de vouloir faire de «l’animation missionnaire un métier». Celui qui part en mission dans un pays étranger doit se laisser «modeler dans la patience», se fondre dans le quotidien d’un peuple.
Le pontife argentin s’exprime enfin sur le lien entre mission et argent. Moyen concret pour aider à l’action missionnaire, celui-ci n’est pas fécond ni «source de vie» en soi. Oublier cette réalité peut conduire à évangéliser comme s’il s’agissait d’une activité d’entreprise. De même, les médias sociaux doivent rester selon le pape des «instruments». (cath.ch/imedia/cg/mp)
I.MEDIA
Portail catholique suisse
https://www.cath.ch/newsf/le-pape-francois-delivre-sa-feuille-de-route-missionnaire/