Selon l’Institut national des statistiques (Indec), au premier semestre 2019, la pauvreté croissante s’élevait désormais à 35,4% de la population argentine, qui compte 44,6 millions d’habitants. Ce taux n’était «que» de 32% en 2018, démontrant la faillite du modèle de développement prôné par le néo-libéral Mauricio Macri, arrivé au pouvoir en promettant de changer la politique protectionniste de sa prédécesseure Cristina Kirchner (2007-2015).
Faisant appel pour juguler la crise au Fonds Monétaire International (FMI), ce dernier lui a accordé un prêt de 57 milliards de dollars (Buenos Aires a déjà reçu 44 milliards de dollars de ce prêt triennal). La dette de l’Argentine est passée de 52,6 % du produit intérieur brut (PIB) lorsque Mauricio Macri a pris le pouvoir en 2015, à 88,5% en 2019.
Face aux conséquences désastreuses de la crise sur la partie la plus pauvre de la population, réduite à recourir à la soupe populaire, le Congrès argentin a voté en septembre dernier «l’état d’urgence alimentaire» dans le pays.
L’Eglise argentine soutient la position adoptée par le nouveau président «péroniste» Alberto Fernandez dans la négociation de la dette extérieure. En «défaut de paiement virtuel», le pays va mettre en place des mesures économiques et fiscales d’urgence destinées à remettre sur les rails son économie. Le nouveau gouvernement prévoit notamment des hausses d’impôts pour les plus riches et des prestations sociales pour les plus pauvres.
Dans leur premier message de l’année 2020, fidèles à la ligne du pape François, les évêques d’Argentine invitent à chercher une voie qui mette la priorité sur la croissance économique, l’équilibre des comptes publics et l’attention aux plus démunis avant de respecter les engagements en matière de dettes que l’Argentine est en train de négocier.
La Commission épiscopale pour la pastorale sociale en Argentine a demandé effectivement que la priorité soit donnée dans le pays aux dettes sociales et à la «protection des plus vulnérables», comme étape avant d’honorer les engagements sur la dette extérieure.
L’organisme, présidé par Mgr Jorge Lugones, évêque de Lomas de Zamora, a averti qu’à l’heure actuelle, «le dilemme se pose de payer [les dettes, ndlr] sur la faim et la misère de millions de compatriotes ou de chercher une voie qui, sans manquer d’honorer les dettes, mette [en priorité] la croissance de l’économie, l’équilibre des comptes publics et l’attention aux plus nécessiteux».
Et les évêques argentins d’affirmer que les obligations qui découlent des situations créées par la dette extérieure «ne peuvent et ne doivent pas éviter la vision éthique des engagements avec des dettes sociales qui découlent, précisément, d’un ordre économique qui a privilégié la spéculation financière sur la production et le travail décent».
Les évêques de la Commission de la pastorale sociale soutiennent que «la dette sociale est la grande dette des Argentins» qui luttent pour survivre.
Caritas Argentine répercute les demandes de la Commission épiscopale de la pastorale sociale en vue des prochaines négociations sur la dette extérieure, soulignant que «le problème n’est pas seulement économique ou statistique (…) Derrière les chiffres, il y a des visages et des histoires de souffrance, d’impuissance, de carences matérielles et spirituelles». (cath.ch/caritas/episcopado.org/be)
Jacques Berset
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