L’Eglise orthodoxe russe n’a en effet pas exclu d’ouvrir des paroisses en Afrique, si le Patriarcat d’Alexandrie soutenait le schisme ukrainien, a déclaré le métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du Département des relations ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou (DREE).
«Je ne veux pas faire de prévisions maintenant quant à l’évolution de la situation. Si le Patriarcat d’Alexandrie se range du côté du schisme, alors nous pourrions, bien sûr, devoir créer des paroisses pour nos croyants, car ils ne pourront pas communier dans les églises du Patriarcat d’Alexandrie «, a déclaré le métropolite Hilarion à la chaîne de télévision Rossiya 24, le 31 décembre 2019. C’est une situation nouvelle pour l’Eglise orthodoxe russe, qui a toujours considéré l’Afrique comme un territoire canonique du Patriarcat d’Alexandrie.
Tout au long du XXe siècle, le patriarche d’Alexandrie a étendu sa juridiction à toute l’Afrique, avec l’appui de l’Eglise orthodoxe russe (EOR) qui avait toujours consulté Alexandrie avant de construire ses propres églises en Afrique. Ces églises faisaient alors partie du Patriarcat d’Alexandrie. Même les prêtres détachés de Russie pour exercer leur ministère en Afrique devenaient membres du clergé d’Alexandrie sur une base temporaire.
«Mais maintenant que le patriarche d’Alexandrie s’est malheureusement rangé du côté des schismatiques, nous devrons corriger ce modèle. Nous ne savons pas encore comment cela va se passer, mais nous pouvons déjà voir que certains ecclésiastiques africains se sont tournés vers nous», a déclaré le métropolitain Hilarion.
Les prêtres de l’EOR actuellement en Afrique ne sont plus liés canoniquement au Patriarcat d’Alexandrie. Le mécontentement s’amplifie au sein du Patriarcat d’Alexandrie avec la décision soudaine et inattendue de leur patriarche: 27 prêtres du Kenya, d’Ouganda, de Tanzanie et de Zambie lui ont écrit une lettre ouverte exprimant leur désaccord avec la reconnaissance des schismatiques ukrainiens, a poursuivi le «numéro deux» du Patriarcat de Moscou.
Au cours des deux prochains jours, le Synode de l’EOR se réunira à Moscou pour statuer sur la décision du patriarche Théodore II d’Alexandrie de reconnaître l’Eglise non canonique d’Ukraine, qui a été créée il y a un tout juste an par le Patriarcat de Constantinople avec le soutien des autorités ukrainiennes de l’époque.
En novembre 2018, le patriarche Cyrille de Moscou, en réponse aux actions de Constantinople en Ukraine, a envoyé un prêtre de son Patriarcat pour s’occuper des russophones en Turquie, que l’EOR considérait jusqu’alors comme un territoire canonique du Patriarche Bartholomée Ier de Constantinople. Le métropolite Hilarion a fait connaître l’intention de l’EOR d’ouvrir des paroisses, des diocèses et des avant-postes à l’étranger «sans regarder à Constantinople». Dès à présent, les paroisses de l’Eglise orthodoxe russe situées sur le continent africain quittent la juridiction du Patriarcat d’Alexandrie.
Le Saint-Synode de l’Eglise orthodoxe russe a d’autre part confirmé l’impossibilité de commémorer le nom du patriarche Théodore d’Alexandrie dans les dyptiques [un feuillet double où sont inscrits les noms prononcés à l’autel au cours de la célébration liturgique] et de rester en communion de prière et eucharistique avec lui.
Il a aussi été remarqué que la décision de reconnaître la nouvelle Eglise autocéphale d’Ukraine n’a pas été adoptée lors de la réunion du Saint-Synode du Patriarcat d’Alexandrie des 7-9 octobre 2019. Elle n’a pas non plus été soumise au vote des hiérarques et, par conséquent, n’a pas un caractère collégial. «Il s’agit d’une décision prise personnellement par le primat de cette Eglise», note le Saint-Synode de l’EOR.
L’EOR souligne que «la décision du patriarche Théodore d’Alexandrie de la reconnaissance des schismatiques ukrainiens contredit les fréquentes déclarations de Sa Béatitude, lequel avait répété à plusieurs reprises son soutien l’Eglise orthodoxe ukrainienne canonique et à son primat, le métropolite Onuphre de Kiev et de toute l’Ukraine».
Dans le même temps, l’EOR affirme rester en communion avec les hiérarques de l’Eglise orthodoxe d’Alexandrie «en dehors de ceux qui ont soutenu ou qui soutiendront à l’avenir la légalisation du schisme ukrainien».
De leur côté, les 27 prêtres africains signataires de l’appel au patriarche Théodore d’Alexandrie rappellent qu’une telle décision «inattendue» a été prise «sans demander l’opinion du clergé africain, alors que les Africains constituent la majorité du clergé et des fidèles du Patriarcat d’Alexandrie».
Ils lui demandent par conséquent de réviser sa décision «contraire à la position adoptée préalablement» et qui «met en péril les bonnes relations de notre Eglise avec l’Eglise orthodoxe russe qui se sont développées pendant les récentes décennies». Le fait que le patriarche d’Alexandrie ait commémoré pendant les offices liturgiques le primat Epiphane Doumenko, chef de l’Eglise non canonique ukrainienne, signifie sa reconnaissance, et par conséquent la rupture de la communion avec l’EOR. (cath.ch/interfax/mospat/orthodoxie.com/be)
Jacques Berset
Portail catholique suisse
https://www.cath.ch/newsf/leglise-orthodoxe-russe-pourrait-ouvrir-des-paroisses-en-afrique/