La Thaïlande, bien qu’éloignée de plus de 4’000 kilomètres du Japon, possède un certain nombre de points communs avec ce dernier pays. Le bouddhisme est dans les deux Etats une religion très répandue. Plus de 70% des Japonais s’y réfèrent et près de 95% des Thaïlandais en sont des adeptes. Le Japon et la Thaïlande sont également deux des rares pays en Asie à n’avoir pas été colonisés par une puissance occidentale. Les chrétiens y constituent en outre à peu près la même part –très modeste- de la population, soit 1%. Autre point commun, la religion chrétienne y a subi d’intenses persécutions.
Le premier chrétien qui aurait mis le pied en terre de Siam (ancien nom de la Thaïlande) serait Afonso de Albuquerque, gouverneur général portugais assigné en Asie, au début du 16e siècle. Le Portugal, qui occupait alors Malacca (en Malaisie), avait envoyé des diplomates au royaume d’Ayutthaya afin de forger des relations entre les deux pays, explique Eglises d’Asie, l’agence d’information des Missions Etrangères de Paris (MEP). Les premiers missionnaires sont arrivés au Siam pour évangéliser et s’occuper des premiers Portugais arrivés à Ayutthaya, alors capitale du royaume.
Les Missions Etrangères de Paris (MEP), avec à leur tête Mgr Lambert de la Motte, arrivent également à cette époque dans le pays. Ce sont principalement elles qui y façonneront le paysage missionnaire.
Dans les décennies suivantes, le catholicisme continue à se propager dans le royaume. Jusqu’à ce qu’une vague d’opposition ne stoppe l’expansion chrétienne au début du 17e siècle. La raison de l’hostilité était, comme au Japon, la crainte de la part du clergé bouddhiste que les chrétiens ne portent ombrage à leur influence.
Aucun missionnaire n’est admis dans le pays jusqu’à ce que le pape Alexandre VII érige le Siam en vicariat apostolique, en 1662. En 1673, Mgr Louis Laneau devient le premier vicaire apostolique du Siam, alors que le vicariat a été confié quatre ans plus tôt aux MEP. Le roi de l’époque, Phra Narai, accueille chaleureusement les missionnaires français, leur fournissant même un terrain pour construire une église, une mission et un séminaire. En 1688, une révolution éclate qui destitue le souverain protecteur des chrétiens. Les missionnaires considérés comme complices du roi Narai sont envoyés en prison et les chrétiens du pays subissent une nouvelle vague de persécutions.
Entre de brefs épisodes où l’ordre et la paix sont restaurés, les chrétiens de Thaïlande seront durement réprimés tout au long du 18e siècle, soit par les nobles siamois, soit par les envahisseurs birmans, lors des nombreux conflits entre les deux pays. Au plus fort de ces persécutions, il ne reste que 1000 chrétiens en Thaïlande. La violence des persécutions a notamment été racontée a posteriori par Mgr Jean de Pallegoix, vicaire apostolique du Siam oriental entre 1841 et 1862. Il a affirmé dans ses écrits qu'»un volume entier ne suffirait pas pour faire le détail des maux que souffrirent, dans toutes les provinces, tant de chrétiens».
En 1834 seulement, les missions connaissent un renouveau, alors que le français Jean-Paul-Hillaire Courvezy est nommé vicaire apostolique. Son successeur Mgr Jean-Baptiste Pallegoix fera renouer durablement l’entente entre la chrétienté et la Thaïlande. L’évêque devient un proche du roi Rama IV. Il permet notamment à la France et au Siam de rétablir d’intenses relations diplomatiques et commerciales.
Dans la seconde moitié du 19e siècle, l’expansion française en Asie du Sud-Est provoque des complications entre le royaume siamois et Paris. Les missionnaires peuvent malgré tout continuer leur travail.
Au début du 20e siècle, une communauté honorable de 23’000 catholiques vivent en Thaïlande et le pays abrite 55 églises et chapelles.
La Seconde guerre mondiale amène cependant une nouvelle période de méfiance entre le pouvoir thaïlandais et l’Eglise catholique dans le pays. Le royaume d’Asie du Sud-Est se place du côté de l’Axe et déclare la guerre à la France en 1940. Dans ce contexte, le catéchiste Philip Siphong Onphitak et six de ses compagnons sont arrêtés et exécutés par l’armée thaïlandaise, sur soupçon d’être des espions français. Connus comme «les martyrs de Songkhon», ils sont béatifiés par le pape Jean Paul II en 1989. A cette époque, Nicholas Bunkerd Kitbamrung devient également le premier prêtre martyr de la Thaïlande moderne. Il est lui aussi faussement accusé d’espionnage et arrêté en 1941. Après avoir purgé trois ans de sa peine de quinze ans, il meurt de la tuberculose. En prison, il a pu enseigner le catéchisme et baptiser 68 détenus. Il est béatifié en 2000 par le pontife polonais.
Aujourd’hui, la Thaïlande compte plus de 300’000 catholiques et 662 prêtres, qui peuvent pratiquer leur culte sans entraves. «L’exercice de la liberté religieuse en Thaïlande est réel, assure ainsi l’œuvre d’entraide catholique Aide à l’Eglise en détresse (AED) dans son Index 2018 de la liberté religieuse. Le gouvernement reconnaît, par l’intermédiaire du Département des affaires religieuses du ministère de la Culture, cinq groupes religieux: bouddhistes, musulmans, hindous, sikhs et chrétiens.
Les protestants de diverses dénominations, qui sont principalement arrivés dans le pays au 19e siècle, représentent 0,66% des 70 millions d’habitants de Thaïlande. RZ
Raphaël Zbinden
Portail catholique suisse
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