Le phénomène de la migration irrégulière des jeunes du pays vers l’Europe prend «des proportions inquiétantes», selon la Radio-télévision guinéenne (RTG). La Guinée a toujours été un pays de migration, un point de départ vers les pays voisins, Côte d’Ivoire et Sénégal en tête, rapporte infomigrants, le journal de la migration internationale en ligne. Les statistiques de l’Organisation internationale des migrations (OIM) indiquent qu’en 2014, les ressortissants guinéens représentaient 47% des étrangers vivant au Sénégal.
Les guinéens sont aussi présents dans une quinzaine de pays d’Afrique de l’Ouest, car la migration est pour certains d’entre eux «une tradition, un rite initiatique: on part pour devenir un homme». «Le migrant est perçu comme quelqu’un qui peut améliorer les conditions de vie de sa communauté. Les gens sont persuadés que pour réussir, il faut partir», a souligné Mohamed Dougouno, chef du sous-bureau de l’OIM pour la région de Mamou et Labé, en Haute-Guinée dans infomigrants.
«Ces dernières années, a-t-il ajouté, une fièvre migratoire s’est emparée de la jeunesse guinéenne». A cause de la pauvreté et du chômage massif, qui affectent 20% des jeunes de 25 à 34, les puissent à de rêver d’Europe, perçue comme un eldorado.
Un rapport de la Fondation Rosa du Luxembourg, publié en mars 2019, a noté que la pauvreté, qui avait initialement un profil rural, s’est déportée dans les zones urbaines. En cause, une urbanisation non contrôlée, caractérisée par des zones périurbaines de plus en plus précaires, qui favorise et augmente les inégalités sociales. L’émigration concerne le plus souvent les populations de 15 à 34 ans.
Le lancement de la campagne de l’Eglise catholique de Guinée-Conakry, soutenue par la Conférence épiscopale d’Italie, a coïncidé avec le rapatriement de 157 jeunes guinées qui tentaient de rallier l’Europe par l’Afrique du Nord. Ils ont été rapatriés d’Algérie, du Maroc et de Libye, par l’OIM. «Nous avons vécu la torture. Nous étions enfermés pendant deux semaines», a témoigné à la RTG, Mohamed Bangoura, un rapatrié. Un autre rapatrié dans le même convoi, Boubacar Baldé, a déconseillé la migration irrégulière à ses camarades. «Les passeurs ne cherchant pas à savoir qui est musulman ou pas», a-t-il raconté.
«La migration, en tant que telle, est un droit, mais pas la migration irrégulière et ses conséquences», a relevé Moussa Condé, représentant du Ministère de la Jeunesse, qui présidait la cérémonie de lancement de la campagne. «Malheureusement, plus de 77% de nos jeunes migrants ont moins de 35 ans. Ils paient une lourde tribu. On les retrouve morts sur le sable chaud du désert, en Libye ou encore dans la méditerranée», a-t-il déploré. «Il y a aussi la grande rupture avec leurs familles, puisque ces jeunes migrants sont des cerveaux et des muscles qui partent. Or, la construction d’une nation repose essentiellement sur les jeunes», a ajouté Moussa Condé.
«L’Eglise n’a jamais encouragé, ni soutenu la migration irrégulière», déclare Mgr Vincent Coulibaly, archevêque de Conakry. «Je lance un appel à l’Etat guinéen, aux Organisations internationales gouvernementales et non gouvernementales, à faire tout ce qu’ils peuvent pour aider les jeunes à s’équiper, à rester sur place, travailler et construise le pays, afin que la Guinée soit un beau pays», a plaidé le prélat.
De son côté, Gérard Ansou Bangoura, directeur de l’Organisation catholique pour la promotion humaine (OCPH/ Caritas Conakry) a invité les jeunes du pays, à rester au bercail et à «jouer leur partition pour son développement». «Nous voulons que les jeunes comprennent qu’il y a des opportunités économiques et sociales chez nous», a-t-il rappelé, conculant que la Guinée ne peut être développée que par ses filles et fils. (cath.ch/ibc/gr)
Ibrahima Cisse
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