Par Stefanie Stahlhofen/kath.ch, traduction adaptation Bernard Hallet
En tant qu’architecte, vous avez également créé de nombreux bâtiments sacrés dans le monde entier. Que signifient de telles œuvres pour vous?
Tout d’abord, une confrontation avec une tradition millénaire et l’histoire de l’architecture. Beaucoup, en matière d’architecture, m’a été transmis du point de vue de l’Eglise – à commencer par les catacombes, le Moyen-Âge, en passant par le baroque jusqu’à l’époque moderne. Une architecture qui interprétait son époque principalement du point de vue de l’Église. J’aime aussi, à l’époque actuelle, créer des espaces particuliers de silence, de méditation et de prière ainsi que de retraite. Tout cela avec des moyens formels et une décoration intérieure qui correspondent à leur époque. Ces thèmes disparaissent souvent au profit de la fonctionnalité. Cela n’a pas changé dans l’Église depuis des années: autel et peuple de Dieu. Il est beau de trouver des moyens d’exprimer la culture de notre temps sans contrainte fonctionnelle.
Vous n’avez pas seulement créé des églises. Qu’en est-il de travailler pour différentes communautés religieuses?
Toute religion a un droit légitime à disposer d’édifices sacrés. C’est paradoxal, mais dans la société sécularisée d’aujourd’hui, qui semble éloignée des besoins spirituels, on me demande de construire des églises. J’ai déjà créé environ 25 églises et lieux de culte. Il s’agit de mettre en œuvre les demandes de la meilleure façon possible. Donc quand on me demande de construire une synagogue, je construis une synagogue qui est très différente d’une église chrétienne. Dans une synagogue, la lecture de la Torah se trouve au centre et il n’y a pas d’autel sacré où l’on transforme le pain. L’architecte doit toujours savoir mettre en œuvre de façon adéquate l’espace de silence et de méditation.
«L’architecture doit aussi exprimer et déclencher des sentiments, de la spiritualité, par exemple dans la prière»
Les connaissances religieuses sont donc également importantes…
Pour chaque bâtiment, il faut savoir ce qui va s’y passer. Quand il s’agit d’une salle de concert, il faut faire attention à l’acoustique. Il est important d’être informé, mais ce n’est pas le facteur décisif, car il s’agit aussi d’interprétation. Par exemple, vous devriez essayer de ne pas simplement copier les modèles précédents. Ils devaient aussi répondre à d’autres besoins et circonstances. Le grand problème aujourd’hui: comment construire une église après Picasso, après Duchamp? L’avant-garde artistique a façonné la société. Et nous, les architectes, devons comprendre comment la culture de notre époque peut répondre à de telles questions.
Dans quelle mesure l’architecture peut-elle contribuer à la diffusion de la foi?
(rires) Je trouverais arrogant de la part d’un architecte de dire que son travail est si important. Alors il faudrait toujours construire des stades afin d’avoir de la place pour autant de croyants que possible. L’architecture doit toujours trouver les meilleures solutions. Elle doit aussi exprimer et déclencher des sentiments, de la spiritualité, par exemple dans la prière. A mon avis, prier dans une église laide est plus difficile. Personnellement, je préfère les grandes églises de l’histoire ou, pourquoi pas, la modernité. J’imagine très bien prier à Ronchamp dans l’église Notre-Dame-du-Haut du Corbusier.
Je pense aussi qu’il est important de ne pas associer ses propres problèmes avec la foi à l’architecture ou d’en exagérer la signification. Les architectes peuvent créer un espace approprié. Si vous ne le faites pas, vous n’êtes pas un bon architecte. Les mauvais architectes ne devraient pas être chargés de construire des églises. Je travaille actuellement sur un projet pour une grande église catholique à Séoul. Je pense que ce sera un bâtiment vraiment digne d’intérêt. Mais bien sûr, ce n’est pas à moi de dire si c’est beau. (cath.ch/kath.ch/kna/bh)
Mario Botta
Depuis sa première réalisation, un presbytère situé à Genestrerio (TI) en 1959 (photo), l’architecte tessinois a dans son porte-documents les plans de musées, des villas individuelles, de banques, etc. qu’il a créés dans le monde entier, tout au long de ses 60 ans de carrière. Il est aussi connu aussi pour avoir dessiné environ 25 édifices religieux, dont la cathédrale de la Résurrection d’Évry, en région parisienne, considérée comme la seule cathédrale bâtie en France métropolitaine au XXe siècle.
Mario Botta, né le 1er avril 1943 à Mendrisio (TI), quitte l’école à 15 ans pour devenir apprenti-dessinateur en bâtiment dans le cabinet des architectes Luigi Camenisch et Tita Carloni à Lugano. Il conçoit sa première maison en 1959: le presbytère de Genestrerio, (1961 1963).
De 1961 à 1964, il étudie au Liceo Artistico à Milan puis, jusqu’en 1969 à l’Istituto Universitario di Architettura à Venise. En parallèle, il travaille en 1965 dans l’atelier de Le Corbusier. Son premier projet est une chapelle au sein du couvent des capucins de Bigorio (TI) en 1966.
En 1970, Mario Botta ouvre sa propre agence à Lugano et devient, dès 1978, membre de la Fédération suisse des architectes puis, de 1982 à 1987, membre de la commission fédérale des beaux-arts. (bh)
Rédaction
Portail catholique suisse
https://www.cath.ch/newsf/mario-botta-prier-dans-une-eglise-laide-est-plus-difficile/