«Je ne fais rien d’extraordinaire ni n’apporte rien de spécial, je suis là d’abord pour les écouter les prisonniers. Ils m’en sont très reconnaissants, particulièrement les jeunes du Centre éducatif fermé de Pramont (CEP)», témoigne Madeleine Guigoz. Elle y retourne chaque mois depuis 30 ans. Elle est responsable du lien entre le groupe de visiteurs de prison et le CEP. La philosophie est toujours la même 30 ans plus tard.
Madeleine Guigoz a trouvé sa vocation de visiteuse de prisonniers en accompagnant Guy Gilbert, en 1989. Le «curé des loubards» était venu donner une conférence à la paroisse du Châble et avait exprimé le souhait d’aller ensuite visiter des prisonniers. Outre Madeleine, quelques personnes l’accompagnent à la prison de Crêtelongue. «Ce fut très fort. Cette rencontre derrière les barreaux nous a interpellés. Nous avons pensé qu’il fallait continuer».
A l’époque, aucune structure n’existe. Seuls un prêtre et un diacre protestants rendent visite aux prisonniers. Parfois un souper est organisé. Le groupe contacte d’abord la prison de Crêtelongue, en Valais, pour organiser des visites (le CEP suivra quelques temps plus tard).
Les bénévoles se lancent sans véritable expérience ni formation, avec la bénédiction de la direction. «D’emblée, nous avons été très bien reçus. Ils ont vu notre initiative d’un bon œil», se souvient l’abbé Henri Roduit, prêtre valaisan aujourd’hui fraîchement retraité. Il a pris la direction du groupe en 1990.
Effectivement, «Cela peut contribuer à une certaine détente. J’ai toujours beaucoup d’inscriptions pour la rencontre», explique Veronica Peluso, éducatrice à Pramont. Un noyau d’une quinzaine de jeunes, sur les 24 que compte le centre éducatif, s’inscrit régulièrement pour les visites. «Ils passent un bon moment et apprécient la visite des ›mamies’, comme ils les appellent. Ils ne sont pas jugés ni stigmatisés, c’est important pour eux».
Les visiteuses apportent une bouffée d’air frais derrière les murs de l’institution carcérale. Les détenus apprécient de voir des personnes qui ne font pas partie du système, de pouvoir s’exprimer en toute liberté et d’échanger simplement. «Au début il y avait de la méfiance. Ils nous suspectaient d’être des mouchards travaillant pour la direction». Les visiteuses ont dû faire leur preuve avec les détenus mais aussi avec l’administration. «Ne croyez pas que vous allez sauver des gens», leur lance-t-on à l’époque.
En 2003, le groupe se structure en association. «Parole en liberté» est fondée à Martigny, surtout pour des raisons financières. Il faut une caisse pour la gestion des frais qu’engendrent les achats de cadeaux pour les prisonniers. Les simples échanges font place, dès les années 2000, à l’organisation de loto, en 2004, avec les jeunes et les prisonniers de Crêtelongue. «L’idée était de structurer des activités simples comme support aux échanges, notamment pour les jeunes», détaille l’abbé Roduit.
L’équipe pense aussi à laisser s’exprimer les jeunes sur des thèmes de discussions qu’ils ont eux-mêmes fixés. Le photo-langage ou encore le dessin et les jeux de société sont utilisés comme support à la discussion.
L’abbé Roduit fait partie du tournus des bénévoles qui passent régulièrement les portes de la prison de Crêtelongue, Sion et Brigue, du CEP, du centre LMC (Loi de mesure sur les contraintes, où sont retenus les étrangers en attente d’expulsion du pays). Il n’est pas question pour autant de faire du prosélytisme. «Nous rencontrons des prisonniers, quelle que soit leur religion», insiste l’abbé valaisan.
«Des gens viennent à nous. C’est une chance!» Après 30 ans d’existence, le groupe compte une cinquantaine de bénévoles et continue d’en accueillir. Parmi lesquels une majorité de retraités. Ce qui est, selon l’abbé, une bonne chose car ils ont «roulé leur bosse», et ont du recul pour éviter le jugement. (cath.ch/bh)
Bernard Hallet
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