Maurice Page et Bernard Hallet, de Rome
Marguerite Bays est une sainte «très efficace». Les pèlerins fribourgeois qui ont invoqué son intercession en sont convaincus. S’ils sont venus à Rome pour sa canonisation, le 13 octobre 2019, c’est surtout pour lui exprimer leur reconnaissance.
Dans le car, parti aux aurores de la Glâne et arrivé à Rome sous la pleine lune, l’enthousiasme est de règle. Marguerite est d’abord «une sainte de chez nous». Beaucoup sont ainsi venus en voisins.
C’est le cas de la famille Berset, de Sommentier, à quelques kilomètres de la maison de la couturière de la Pierra. Jean-Daniel et Valérie n’ont pas seulement emmené trois de leur enfants, Emilien, Amandine et Lauriane, mais aussi leurs parents. Les trois générations sont attachées à Marguerite. Valérie évoque la famille, la vie à la campagne avec ses nombreuses tâches, la couture, le travail de la maison et surtout l’amour et le dévouement de «Goton» envers tous. La famille Bays n’est pourtant pas très exemplaire: on y rencontre enfant illégitime, divorce, alcoolisme et jalousies.
Pour les enfants, la perspective de leur premier voyage à Rome les réjouit. La découverte de la ville, que Lauriane, 12 ans, imagine grande, et la possibilité de voir le pape François en ‘vrai’, les attirent. «Marguerite a eu une vie belle, nous entendons parler d’elle depuis tout petits, explique Amandine, 15 ans. Elle a vécu il y a deux cents ans, mais elle est encore présente dans notre vie. Nous en avons parlé dans le parcours de confirmation.»
Emilien, 17 ans, est impressionné par le miracle qui a permis la canonisation de Marguerite. Lorsque la petite Virginie, alors âgée de 22 mois, est sortie indemne après être passée sous les roues d’un tracteur. Pour lui, c’est comme une preuve de l’existence de Dieu. «C’est bien que Marguerite devienne sainte, c’est plus facile à expliquer et à faire comprendre que bienheureuse», conclut Lauriane.
Jean-Daniel, le papa, évoque lui aussi son enfance et le grand portrait de Marguerite qui trônait dans la maison de son grand-père. «J’en avais presque un peu peur». De la nouvelle sainte, il retient surtout la foi admirable. C’est une femme simple, pas compliquée. Elle nous montre que la relation à Dieu ne dépend pas de l’intelligence, ni de l’instruction, mais du cœur. A l’instar de sa contemporaine Bernadette de Lourdes, elle a pratiqué sa foi avec ses capacités propres et dans son milieu de vie ordinaire. C’est en cela que nous devons essayer de l’imiter».
«Marguerite Bays est efficace, insiste Valérie, chaque fois que nous l’avons invoquée, nous avons été exaucés ou nous avons reçu des signes.»
Pierre Mugny est le plus proche voisin de Marguerite, puisque sa maison jouxte celle des Bays à la Pierra. Avec sa tête et sa barbe de vieux sage malicieux, il passe avec aisance, probablement comme le faisait Marguerite, de l’Evangile à la vie et de la vie à l’Evangile. Pour lui, la foi et la confiance en Dieu sont essentielles: «Souvenez-vous de l’histoire de Jaïre dont la fille morte est ressuscitée par Jésus. Ou de Zachée perché sur son sycomore.» Une seule chose le chicane: «On dit que Marguerite détestait les fêtes profanes et faisait des reproches à ceux qui s’y rendaient. Je ne suis pas d’accord. N’a-t’on pas reproché à Jésus de fêter chez des pécheurs?»
Damien et Sara Maria Pattaroni, eux, ne sont pas des voisins. Le Valaisan et la fille de Barcelone ont connu Marguerite il y a une dizaine d’années lorsqu’ils sont venus s’établir à Romont. «Mon oncle m’a dit: Tu vis dans le pays de Marguerite Bays! J’avais bien vu les panneaux au bord de la route, mais je n’avais jamais eu l’idée d’aller voir.»
Lorsqu’il pénètre dans la maison de Marguerite, à la Pierra, une grande paix, une sérénité le saisissent. La même chose à Notre-Dame du Bois. Depuis, ils font régulièrement la promenade entre la chapelle et la Pierra. Ils ont fait ensuite la connaissance de la gardienne Fabienne Sauca et de l’équipe de la fondation qui sont devenus des amis.
Pour Sara Maria aussi, Marguerite est très efficace. «Elle m’exauce à chaque fois. Quand nous avons su qu’elle allait être canonisée, nous avons décidé de venir lui exprimer notre reconnaissance.»
«Je l’avais un peu perdue de vue», avoue l’abbé Hubert Vonlanthen, prêtre en Basse-Singine. Enfant, il allait en pèlerinage avec ses parents, de Fribourg à Siviriez.
C’est au moment de sa béatification, en 1994, qu’il a renoué le contact. Il a découvert combien Marguerite était proche des familles et des enfants. «Je suis persuadé qu’elle peut être une aide très efficace pour la pastorale des familles. Elle peut nous aider à les rejoindre. Elle m’a toujours exaucé pour trouver des solutions que l’on attendait pas.»
A l’arrivée à Rome, la nuit est tombée. Un petit air résonne dans les têtes et dans les cœurs: «Marguerite de la Pierra, nous recourrons à toi. Marguerite de la Pierra, intercède pour nous.» (cath.ch/mp)
Maurice Page
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